À Monsieur Macron,
Président de la République
Objet : Génocide dans la bande de Gaza et dans les territoires palestinien occupés.
Monsieur le Président Macron,
Le jour de noël 1989, longtemps avant le 7 octobre, l’armée d’occupation israélienne effectuait une incursion dans le camp de réfugiés d’Al-Shati, au nord de la bande de Gaza. Les soldats se sont attaqués à l’école de l’UNRWA, alors que les enfants étaient en cours. Jets de grenades lacrymogène dans les couloirs et les classes, et lorsque les élèves sont sortis en panique pour essayer de respirer, tirs de balles de plastique et de billes enrobées de caoutchouc. C’était au temps de la première intifada, le premier soulèvement populaire contre l’occupation israélienne, la colonisation, le système d’apartheid qu’elles généraient. C’était aussi le temps où les apprentis sorcier du likoud choisissaient de jouer la carte du Hamas pour déstabiliser l’OLP. C’était au temps où un futur prix nobel de la paix appelait les soldats à briser les os des jeunes révoltés. Ce qu’ils n’ont pas manqué de faire.
Six mois plus tard, avec l’association France-Palestine de l’époque, fondée par d’anciens résistants, nous nous apprêtions à accueillir à Rennes, pour des vacances, un groupe d’enfants des camps de réfugiés de la bande de Gaza et de Cisjordanie. Parmi eux, une jeune fille de presque quinze ans, Iman Zweidi. À son arrivée à l’aéroport Charles de Gaulle, j’ai immédiatement remarqué que quelque chose n’allait pas. L’un de ses yeux tout collé suppurait…
Iman faisait partie de ces enfants de l’école de l’UNRWA. Elle avait pris de plein fouet un tir de balles de plastique. Son œil avait été crevé. Étonnamment, l’armée avait plus tard reconnu sa responsabilité, ce qui n’arrive habituellement jamais… Elle avait donc été soignée dans un hôpital israélien où on lui avait installé une prothèse oculaire.
Lorsque nous l’avons emmenée aux urgences au CHU de Rennes, le diagnostic n’a pas tardé. Les ophtalmologues étaient effarés : on lui avait posé une prothèse d’occasion, surdimensionnée par rapport à sa cavité oculaire. L’observation au microscope expliquait l’infection dont elle souffrait : cette prothèse nous ont-ils dit était abîmée, comme si on l’avait frottée sur du béton. Les éclats de verre lui coupaient le fond de l’œil !
L’hôpital, le ministère des Affaires Étrangères et le ministère de la Santé de l’époque décidaient de ne pas la laisser dans cet état et de prendre en charge les soins indispensables et la fabrication d’une prothèse neuve, correctement adaptée. Il fallait néanmoins effectuer des démarches auprès de la famille pour expliquer ce que nous pouvions faire, dire que cela nécessiterait au moins quatre ou cinq mois afin de garantir une guérison et une bonne adaptation à la nouvelle prothèse. Obtenir l’accord de ses parents évidemment et effectuer les démarches auprès du Consulat Général de France à Jérusalem pour proroger la validité de son visa.
La famille n’avait pas de téléphone et pratiquement personne n’en disposait dans le quartier de Beit Hanoun où elle habitait. Je suis donc parti pour les rencontrer et, avec leur accord, faire le nécessaire.
À la fin de ma première rencontre avec eux, j’ai eu l’occasion de découvrir ce qu’était concrètement la violence de l’occupation israélienne. En effet, avant que j’aie eu le temps de repartir pour Jérusalem, l’armée décrétait un couvre-feu qui devait durer plusieurs jours, sans interruption, nuit et jour. J’ai eu juste le temps de me mettre à l’abri chez une famille au camp de réfugiés de Jabaliya. Un tout petit bloc de béton datant des origines du camp, où s’entassaient plusieurs générations dont un enfant gravement handicapé. L’eau et l’électricité avaient été coupées. Interdiction formelle de sortir. Hélicoptères et projecteurs la nuit, coups de crosses dans les portes, cris, fouilles, saccage des habitations… Les enfants qui pleurent… Le petit handicapé qui frappe sa tête contre le mur… Bientôt plus rien à manger… Diarrhée.
C’est une voiture de l’ONU qui est venue me chercher pour me faire sortir du camp, puis de la bande de Gaza.
C’était longtemps avant le 7 octobre.
Les démarches effectuées, Iman est restée en France. Elle a été soignée. Nous l’avions inscrite dans une école, dans une classe d’accueil pour enfants allophones. À la fin de son séjour, elle parlait déjà presque français. Elle rêvait de faire des études, elle voulait être indépendante. Elle chantait merveilleusement !
Lorsqu’elle est rentrée chez elle, son père était mort : déjà âgé, il souffrait d’insuffisance respiratoire. L’armée avait investi le quartier. Il a été asphyxié par les gaz lacrymogènes.
C’était avant le 7 octobre.
Plus de chef de famille, Iman a été mariée : elle avait à peine plus de quinze ans. Fin des rêves d’études et d’indépendance…
Je suis retourné à Gaza, en 1995, puis en 1997, puis en 1998. Je suis allé lui rendre visite. Sa maman donnait la becquée à mes enfants… Iman n’avait rien oublié du français qu’elle avait appris. Nous allions manger des oranges près de la clôture, dans un verger qui appartenait à la famille. Vous savez, la clôture, la barrière de barbelés, de capteurs, de caméras, le mur de la prison ne date pas d’hier ! Aussitôt après les accords d’Oslo il est devenu monstrueux. Et puis en 2000, les chars, les bulldozers militaires ont tout arraché, dévasté, retourné les terres… Il n’y a plus d’orangeraie.
C’était encore longtemps avant le 7 octobre.
Et puis il y a eu 2006, la démocratie quand elle nous agrée, le blocus, les multiples bombardements rendus possibles par le « retrait unilatéral » décidé par l’ancien terroriste Sharon. Il n’était plus possible de retourner à Gaza. Une fois seulement, après l’été terrible de 2014, j’ai reçu un appel téléphonique… Et depuis, plus rien !
J’ai eu beau chercher sur internet, je n’ai rien trouvé… Sauf beaucoup de « Zweidi » de Beit Hanoun tués lors des bombardement. Mais pas d’Iman…
Je viens de trouver enfin une trace… Un article publié par Sky News, avec quelques photos – elle a l’air épuisée - et une courte interview. Le 22 janvier de cette année, Eman était toujours en vie, avec quelques uns de ses enfants, peut-être aussi des enfants de proches. Elle avait quitté Beit Hanoun pour se réfugier à Rafah. Elle ne dit rien de son mari, de ses enfants plus grands…
Je suis allé voir les photos satellite de l’endroit où elle avait installé sa tente. Il n’y a plus rien. Et depuis le 22 janvier, impossible de savoir ce qui a pu leur arriver.
Je voulais commencer cette lettre par cette histoire. Une histoire terriblement banale parmi des centaines de milliers d’autres, dont personne chez nous n’entend jamais parler. Que personne ne veut entendre… C’est tellement plus simple d’effacer les personnes derrière des chiffres, des statistiques, des étiquettes. D’effacer l’humanité à coup de caricatures grotesques et monstrueuses : les « animaux humains », les « terroristes dans le ventre de leurs mères »…
J’étais en Palestine occupée en octobre et novembre dernier. En moins de deux heures, j’y ai vu l’espace se figer, les villes et les villages enfermés – tas de gravas en travers des routes, blocs de béton, barrières d’acier, miradors d’où la soldatesque vous hurle « rueh al beit ! », dégage à la maison, sinon on tire - les camps de réfugiés dévastés, un gosse hébété venir me voir pour me dire « cette nuit, ils ont tué mon copain, il avait 17 ans, sa place était à côté de la mienne dans la classe ».
Là où j’étais, on voyait les bombes exploser en direct à la télé et une minute ou deux après, les bombardiers passaient au dessus de la maison pour retourner faire le plein de bombes plus au sud dans le Neguev. Et recommencer et recommencer encore. Les chiens sauvages n’aboyaient plus la nuit. Lorsque, morts de fatigue, nous finissions par nous endormir pour nous réveiller soudain, sans comprendre pourquoi, vers trois ou quatre heures du matin : silence… C’était le silence… Les avions ne passaient momentanément plus !
Je n’ai pu rencontrer aucun de mes amis israéliens et très peu de mes amis palestiniens.
Mais je vous ai vu, vous, à la télévision. J’ai assisté à vos prestations, votre arrivée à l’aéroport à Tel Aviv, vos accolades, votre raideur, votre gêne visible lors de votre rencontre avec des familles d’otages, votre regard vide, vos envolées sur « Hamas-Daech même combat » et la coalition internationale que vous prétendiez constituer, les p’tits gars qu’on allait y envoyer, votre intervention à Ramallah, monocorde, le papier mal lu, votre visage fermé, votre air de tout savoir, votre prétention à donner des leçons aux Palestiniens sur ce qui est bon pour eux, sans jamais parler du fond : l’occupation, le déni du droit international, les colons, les pogroms, l’apartheid. Si vous saviez ce que les Palestiniens de la rue pensaient de vous… Dans son fauteuil, le vieux président Abbas était plus vivant, plus éloquent que vous. Plus digne. Il ne touchait pas son nez et ne curait pas ses ongles pendant que l’interprète faisait son travail.
Du temps a passé depuis le 7 octobre. Il fait un temps de tuerie ininterrompue à Gaza, et aussi désormais en Cisjordanie. Vous ne parlez plus de grande coalition. Vous ne parlez plus. Vous êtes terriblement absent, de cette absence qui fait de vous un complice de l’horreur.
Je n’ai pas de nouvelles d’Iman…
Je n’ai pas non plus de nouvelles de Lili, la psychothérapeute israélienne qui me disait, il y a une dizaine d’années : « tu sais, Israël, c’est un immense hôpital psychiatrique »...
Est-il permis d’espérer un sursaut ?
Je vous transmets le texte traduit en français de la déclaration que Monsieur Riyad Mansour, observateur permanent de l’État de Palestine auprès des Nations Unies, a prononcée lors de la réunion d’urgence du Conseil de sécurité du 13 août 2024 sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne.
Cette intervention fera date dans l’histoire de l’ONU. Ne pas l’entendre serait briser définitivement le droit et condamner l’humanité au pire.
Il me semble qu’à travers le Conseil de Sécurité, elle s’adresse évidemment à vous, personnellement.
Depuis le 7 octobre, après avoir roulé des mécaniques et emprunté les mots du cabinet des chemises noires, vous n’avez cessé d’adopter un positionnement ambigu, en tout point semblable à ce que dénonce M. Mansour. Ce que l’on appelle faire deux poids, deux mesures… Vos indignations sont sélectives. Vous faites commencer l’histoire le jour de l’attaque des groupes armés palestiniens et faites semblant de considérer que ce qui se joue est une guerre entre l’État d’Israël « qui a le droit de se défendre » et le Hamas « terroriste ». Ainsi, vous effacez à bon compte le déni du droit international qui dure depuis l’adoption du plan de partage en 1947 et qui commence par le refus de considérer l’existence d’un peuple autochtone (jamais consulté en tant que tel par l’ONU de l’époque, dominé par des puissances encore coloniales), puis de réaliser son droit inaliénable à l’autodétermination. Vous effacez les massacres orchestrés par la Haganah, l’Irgoun et le groupe Stern qui ont terrorisé la population palestinienne et initié la Nakba, le nettoyage ethnique de ce qui devait devenir l’État d’Israël. Vous effacez la colonisation, qui s’est développée dès 1967 et qui est désormais devenue exponentielle, des territoires palestiniens occupés - dont Jérusalem-Est – agitant récemment pour la galerie de vaines menaces contre quelques colons considérés par vous comme trop évidemment violents, « en même temps » que vous exonérez sa dimension systémique, stratégique, assumée par l’État d’Israël et ses représentants, son armée et son corpus de lois d’apartheid. Vous passez sous le tapis les années de blocus de la bande de Gaza, les multiples massacres que l’armée israélienne y a commis, et leurs conséquences humaines, économiques et politiques. Prestidigitateur orwellien de la fabrique que l’oubli, vous n’êtes pas seulement un témoin passif, mais un acteur complice du génocide en cours. Vous êtes en effet, chez nous, un procureur, un accusateur déterminé de la campagne de diffamation indigne qui assimile toute critique de la politique israélienne à de l’antisémitisme. Vos services n’hésitent pas à inculper, voire à condamner toute honte bue, des syndicalistes, des militants associatifs et politiques, des citoyens juifs antisionistes pour apologie du terrorisme (c’est la même accusation qui est portée en Israël contre des opposants politiques à l’occupation, à la colonisation, à l’apartheid et qui vaut à des citoyens israéliens juifs des peines de détention administrative, jusqu’alors réservées aux Palestiniens). Vous contribuez ainsi à dissimuler les fondements suprématistes, coloniaux et surtout géostratégiques du « problème israélo-palestinien », dont la France porte une part de la responsabilité historique.
Le carnage continue, les agences de l’ONU présentes sur le terrain alertent : vous laissez faire ! Tout au plus, quand les images sont trop horribles et parviennent à passer le mur de l’autocensure dans les grands médias vous fendez-vous, par l’entremise de votre ministre démissionnaire des affaires étrangères, de déclarations générales de principe, non sans avoir attendu que vos amis étatsuniens, britanniques ou allemands l’aient fait avant vous.
La France est signataire des conventions sur la prévention et la répression du crime de génocide. Elle a obligation d’intervenir. Le nombre total de personnes tuées, disparues et estropiées dans la bande de Gaza se montait le 12 août à au moins 142 169, (ce qui rapporté à la population française représenterait 4 359 006 victimes : une broutille) : vous laissez faire !
Des entreprises et des banques françaises continuent à investir dans la colonisation : vous laissez faire !
Des entreprises, des secteurs de recherche universitaires coopèrent avec le complexe militaro-industriel lié commercialement, voire structurellement, à leurs équivalents israéliens : vous laissez faire !
Vous êtes donc l’allié d’un État présidé par le signataire de dédicaces sur des bombes destinées à écraser Gaza et dirigé par un affairiste corrompu et des colons fascistes.
Qu’espérez-vous ? Que l’histoire gardera de vous le souvenir du Président des Jeux Olympiques de Paris ? À l’heure où le Président Biden voudrait disparaître en évitant de se voir affubler pour l’éternité du sobriquet de « Genocide Joe », vous devriez, « par Jupiter », songer à ripoliner votre vitrine ! Elle en a grand besoin !
Avez-vous le choix ?
Pouvez-vous encore entendre M. Mansour et, in extremis… sauver l’honneur !
Respectueusement, pour le respect du droit sans discrimination,
Dominique Le Duff
Déclaration de Monsieur Riyad Mansour, observateur permanent de l’État de Palestine auprès des Nations Unies, devant le Conseil de sécurité de l’ONU
"Monsieur le Président,
Alors que nous sommes réunis ici - pour le dixième mois consécutif - afin de faire progresser un cessez-le-feu pour sauver des vies humaines, Israël continue de prendre des vies humaines et toutes les mesures possibles pour propager un incendie incontrôlable à travers le Moyen-Orient.
Alors que nous célébrons ici le 75e anniversaire des conventions de Genève, nées dans les ruines de villes entières, dans le massacre massif et aveugle de civils, dans les chambres de la mort, à Hiroshima et Nagasaki, comme une promesse que la lumière émergera de la nuit la plus sombre et protégera la dignité et l’humanité de toutes les personnes prises dans un conflit armé, Israël déchire les conventions à Gaza, ainsi que toutes les règles que l’humanité a élaborées jusqu’à présent.
Alors que nous nous réunissons ici à New York, des représentants du gouvernement et de l’armée israéliens, des experts et des analystes expliquent sérieusement qu’ils ont le droit de mener des attaques aveugles et disproportionnées contre la population civile palestinienne, de faire la guerre à des civils. Ils expliquent que la famine est une arme de guerre légitime. Ils justifient les viols collectifs et la torture de prisonniers sans défense comme une dissuasion nécessaire. Et il ne s’agit pas d’un exercice théorique, c’est ce qu’Israël impose à des millions de Palestiniens, aucun homme, aucune femme, aucun enfant n’étant épargné.
Vous demandez à Israël de cesser de tuer des civils, mais il les prend pour cible dans leurs abris et leurs tentes. Vous demandez à Israël d’autoriser l’entrée de nourriture et de médicaments, mais il veille à ce que la famine et les maladies se propagent. Vous demandez à Israël de traiter les prisonniers palestiniens avec humanité, mais il les torture et permet aux geôliers israéliens de violer et d’abuser de leurs otages palestiniens. Vous lui demandez de cesser ses implantations, mais il accélère avec rage la colonisation des terres palestiniennes. Vous exhortez Israël à maintenir le statu quo historique sur les lieux saints, mais ses ministres et ses colons profanent le Haram Al-Sharif chaque fois plus ouvertement et de manière plus provocante.
Permettez-moi donc d’énoncer une évidence :
Israël se moque de vos condamnations. Il rejette vos résolutions. Il n’écoute même pas vos débats. En tant que pays, en tant que Conseil de sécurité, vous aviez la responsabilité d’agir il y a plusieurs mois pour mettre fin à cette impunité. Alors que le génocide se poursuit, vous avez la responsabilité de réagir - pour sauver des vies humaines et préserver les fondements de la paix et de la sécurité pour tous, et pas seulement pour quelques-uns.
Israël est un État voyou, doté d’un gouvernement pourri en raison de l’impunité débridée dont il a bénéficié jusqu’à présent. Je ne doute pas que le vent tournera, et nous ne nous laisserons pas décourager en veillant à ce que personne ne puisse agir comme si la vie des Palestiniens ne valait rien. Mais les Palestiniens de Gaza ne peuvent pas attendre que le vent tourne. Leur agonie doit cesser maintenant, tout de suite.
Ils se demandent si vous les voyez. Vous êtes-vous déjà demandé ce qui se passerait si vous étiez né à Gaza ? Et si le prisonnier violé était votre fils ? Et si les enfants qui meurent de faim étaient les vôtres ? Et si la femme tuée était votre fille ou votre épouse ? Et si la maladie rongeait le corps de votre mère, de votre grand-mère ? Et si cette famille réduite en miettes ou brûlée à mort était la vôtre, tuée de sang-froid après avoir couru dans le désespoir et la faim pendant des mois pour survivre ?
Pensez un instant à l’agonie et au désespoir que notre peuple a subis pendant tous ces longs mois de privation et de dévastation sous le regard du monde qui l’a laissé souffrir, crever de faim et mourir.
Monsieur le Président,
Si nous reconnaissons et saluons le consensus international qui appelle depuis longtemps à un cessez-le-feu immédiat, il est clair qu’Israël a conservé un droit de veto sur cette perspective. Il faut y mettre un terme ; Israël ne peut pas continuer à défier le monde et toutes les règles de l’humanité.
Ce n’est pas une coïncidence. Chaque fois que le monde fait pression pour un cessez-le-feu, Israël répond par un massacre. Il envoie un message - chaque fois plus horrible que le précédent - indiquant qu’il ne s’arrêtera pas.
Mais il n’y a pas de droit au génocide, absolument pas. Et nous mettons en garde tous ceux qui contribuent directement ou indirectement à l’émergence d’un tel droit. Rien ne peut justifier les actions israéliennes. Et que personne n’ose dire qu’il s’agit des otages. Il est apparu depuis longtemps que le gouvernement israélien se fiche éperdument d’eux. Les otages le savent, leurs familles le savent, vous le savez. Israël les tue, les abandonne, joue avec leur vie. Netanyahou a d’autres priorités, des priorités égoïstes, des priorités maniaques.
Il se passe quelque chose de terrible en Israël, quelque chose qui a fait de la justification du génocide, de la famine et du viol collectif l’idéologie dominante. Quelque chose d’horrible est en train de se produire. La mémoire de l’Holocauste, au lieu de servir de barrière infranchissable contre la commission d’atrocités, a été instrumentalisée pour justifier leur commission.
Comment cela est-il possible, dix mois plus tard, alors que le monde entier s’y oppose ? Parce que cette opposition n’a pas encore entraîné de conséquences graves pour Israël. C’est un fait indéniable.
À ceux qui continuent d’armer Israël ; à ceux qui ont encore l’audace d’appeler Israël à "enquêter" sur ses propres crimes, comme si les actions de ses soldats ne reflétaient pas les politiques réelles de ses dirigeants militaires et politiques ; à ceux qui osent essayer de dissuader les tribunaux internationaux de garantir la responsabilité au lieu de dissuader les auteurs d’atrocités : Réveillez-vous. Arrêtez de trouver des excuses. Cessez d’imaginer que vous pouvez raisonner le gouvernement israélien pour qu’il cesse de tuer des civils par
milliers, d’imposer la famine, de torturer les prisonniers, de coloniser et d’annexer nos terres. Tout cela alors que vous les appelez, que vous leur demandez, que vous exigez d’eux qu’ils s’arrêtent.
Vous devez décider ce que vous défendez et ce à quoi vous vous opposez. L’heure n’est pas aux justifications et aux équivoques. L’heure est à la clarté et à la détermination. Il est temps de renforcer les principes et la moralité. N’abandonnez pas vos devoirs.
Monsieur le Président,
Quand le gouvernement israélien devra-t-il répondre de ses actes ? Quand les criminels de guerre seront-ils sanctionnés ?
Nous refusons une position selon laquelle vous seriez contre les prises d’otages, sauf lorsque les otages sont des Palestiniens, et selon laquelle vous sanctionneriez les criminels de guerre, sauf lorsqu’il s’agit d’Israéliens.
Nous ne pouvons pas revenir ici encore et encore et prétendre que tout le monde ne sait pas qu’Israël n’écoutera pas tant qu’il n’aura pas d’autre choix que d’écouter, tant qu’il n’y aura pas de conséquences pour ses crimes.
Les Palestiniens sont épuisés, entourés par la mort et des horreurs sans fin, et ils savent que vos mots ne font pas le poids face aux bombes et aux balles qui les privent de leur vie et de leurs membres. Mais les mots ne sont pas le seul outil dont dispose ce Conseil. Les mots ne sont pas le seul outil dont disposent vos pays. Certains sont allés au-delà des mots. Ils sont trop rares. L’heure est à l’action. Et vous serez jugés non seulement pour l’éloquence de vos discours, mais aussi, et surtout, pour le courage de vos actions.
Monsieur le Président,
Nous ne voulons pas qu’Israël torture un peu moins nos prisonniers ; nous voulons les voir libres. Nous ne voulons pas qu’Israël rende son occupation un peu moins brutale ; nous voulons qu’elle prenne fin. Notre peuple mérite la liberté. La Cour internationale de justice a établi sans équivoque que, je cite, "l’abus soutenu par Israël de sa position de puissance occupante, par l’annexion et l’affirmation d’un contrôle permanent sur le territoire palestinien occupé et la frustration continue du droit du peuple palestinien à l’autodétermination, viole les principes fondamentaux du droit international et rend illégale la présence d’Israël dans le territoire palestinien occupé".
Cette occupation illégale et toutes les politiques illégales, inhumaines, racistes et destructrices qui en découlent doivent cesser.
Le peuple palestinien ne disparaîtra pas et ne se rendra pas. Il ne renoncera pas à son aspiration légitime à vivre dans la liberté et la dignité sur sa terre ancestrale. J’exhorte le Conseil de sécurité à agir. Dans les jours à venir, nous nous adresserons à l’Assemblée générale pour nous assurer qu’elle assume les responsabilités qui lui incombent en vertu de la Charte, pour nous assurer que les décisions de la plus haute juridiction du monde, la CIJ, se traduisent par une volonté et un élan politiques, par des actions concrètes à mettre en œuvre par les Nations unies et ses États membres. Protéger la vie des civils, préserver et poursuivre la paix et la sécurité.
Dag Hammarskjöld a déclaré un jour : "On a dit que les Nations unies n’avaient pas été créées pour nous amener au paradis, mais pour nous sauver de l’enfer. L’histoire retiendra que les Palestiniens ont été abandonnés à l’enfer.
Aujourd’hui, le feu qu’ils endurent douloureusement depuis près d’un an se propage et dévore tout autour d’eux. Il n’y a qu’un seul moyen d’arrêter un incendie provoqué par l’homme : il ne suffit pas de soigner les flammes, il faut arrêter le pyromane. Trop c’est trop".
Photo : Destructions massives causées par l’armée israélienne autour du complexe médical d’al-Shifa, mars 2024 © Quds News Network