Monsieur le Ministre,
Nous apprenons qu’une entreprise française, Safege, réalise à Jérusalem une étude de faisabilité pour un projet de transport par câble entre l’ancienne gare ottomane à Jérusalem Ouest et le Mont des Oliviers à Jérusalem Est, projet validé par la municipalité de Jérusalem et le ministère israélien des transports. Cette étude de faisabilité vient après la réalisation d’un avant projet que Safege déclare avoir achevé, et en amont d’un appel d’offres auquel Poma, autre société française, pourrait être amenée à soumissionner.
Une telle réalisation, qui nécessiterait immanquablement des expropriations de terres palestiniennes, constituerait un nouvel outil au service de la colonisation de Jérusalem-Est et de création de faits accomplis en violation du droit international pour renforcer la politique de judaïsation de la ville. De surcroît, elle violerait plusieurs sites religieux majeurs à St Pierre-en-Gallicante ou Gethsémani et aux abords immédiats de la Mosquée El Aqsa et porterait gravement atteinte au patrimoine mondial.
Sous couvert d’amélioration des transports publics et de souci de l’environnement, c’est une véritable bombe politique qui est en train d’être conçue
Nous supposons bien sûr que le gouvernement français est conscient de ces enjeux. Or Safege est la filiale ingénierie de Suez Environnement dont l’actionnaire stratégique est précisément GDF-Suez dans laquelle l’Etat détient une participation de 33,29 %.
Les entreprises françaises ont été mises en garde par vos services par un avis publié le 24 juin dernier contre les risques juridiques auxquels elles s’exposent en investissant dans les colonies. Aussi nous ne pouvons imaginer que le gouvernement français n’ait pas pris la mesure des risques politiques gravissimes que constituerait pour notre pays l’implication d’une entreprise dont l’Etat est actionnaire dans un tel projet de consolidation d’une situation illégale. Ce serait se mettre en contraction avec la position constante de la France de refus de tout fait accompli par la puissance occupante en violation de la 4ème Convention de Genève, des diverses résolutions de l’ONU et de la Charte même des Nations unies et faciliter la politique de colonisation qu’elle condamne.
Nous voulons croire au contraire qu’il sera aussi persuasif que le gouvernement allemand l’a été auprès de la Deutsche Bahn lors de l’appel d’offres lancé pour la réalisation du train rapide dont le tracé passait en territoire palestinien occupé.
Comme vous le savez l’AFPS est intervenue sur le plan judiciaire, dès 2007, conjointement avec l’OLP, pour obtenir l’annulation du contrat de réalisation du tramway de Jérusalem, auquel participaient deux entreprises françaises, Veolia et Alstom. Si les tribunaux français ne nous ont pas donné raison, au motif que le droit international n’aurait pas d’effet en droit interne, cette affaire est aujourd’hui devant la CEDH.
Dans le même sens nous avons porté auprès de vos services ainsi que de l’Elysée, le cas de la société Orange, également impliquée dans un accord de marque avec une société israélienne de télécommunication, la société Partner, qui exploite illégalement le territoire palestinien occupé, à travers un réseau d’antennes et des boutiques à l’enseigne Orange dans les colonies.
Nous vous saurions gré de nous accorder un rendez-vous au plus tôt, pour nous rassurer sur la position et les intentions du gouvernement français dans cette nouvelle affaire, dont nous ne doutons pas qu’elles seront conformes à la politique de la France et au Droit.
Dans cette attente, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, en ma profonde considération.
Taoufiq Tahani
Président de l’AFPS