Photo : Des Palestiniens marchent à Beit Lahia pour demander la fin du génocide israélien à Gaza, 25 mars 2025 © Quds News Network
Beit Lahiya, nord de Gaza - Pour la troisième journée consécutive, Hassan Saad, 38 ans, et des centaines d’autres personnes sont descendus dans les rues de Beit Lahiya, réclamant la fin de leurs souffrances et l’arrêt de la guerre contre Gaza.
Saad est l’un des coordinateurs de la manifestation, travaillant avec 14 autres personnes qui, selon lui, se sont réunies spontanément pour organiser les manifestations.
Le principal élément déclencheur, explique Saad, a été une discussion sur Facebook après l’émission de nouveaux ordres d’expulsion israéliens lundi dernier.
« Le cauchemar du déplacement, une fois de plus, a été la principale raison qui nous a poussés à faire quelque chose pour exiger la fin de la guerre contre Gaza », a déclaré Saad à Al Jazeera par téléphone depuis Beit Lahiya jeudi.
« L’idée de descendre dans la rue pour manifester, en brandissant des pancartes appelant à la fin immédiate de la guerre, est née. »
Saad a été contraint de fuir Beit Lahiya deux mois après le début de la guerre d’Israël contre Gaza. Le 27 janvier, lorsque des centaines de milliers de personnes déplacées ont été autorisées à retourner dans le nord de la bande de Gaza, il a retrouvé les décombres de sa maison.
Le retour aux bombardements et aux avis d’expulsion de l’armée israélienne a été plus que ce que les membres du groupe Facebook pouvaient supporter, a ajouté M. Saad.
Il attribue cette réaction au sentiment d’abandon ressenti par les Palestiniens, le monde les ayant, selon lui, laissés seuls face aux déplacements, à la famine, aux tueries, aux bombardements et aux arrestations.
Mardi, des vidéos ont commencé à apparaître sur les médias sociaux montrant des centaines de personnes à Gaza, en particulier à Beit Lahiya, chantant contre la guerre et appelant le Hamas à se retirer.
Nous élevons nos enfants pour les perdre
La demande d’abandon du pouvoir par le Hamas n’était pas un objectif officiel, a précisé M. Saad, mais l’appel a été lancé spontanément par les manifestants.
« Il est difficile de contrôler les opinions des gens pendant les manifestations, surtout lorsqu’ils sont épuisés et profondément frustrés », a ajouté M. Saad.
« Les demandes du peuple découlent d’une réalité insupportable... Si la fin de la guerre exige que le Hamas se retire, qu’il en soit ainsi. »
Toutefois, M. Saad a ajouté qu’il rejetait toute exploitation politique des manifestations visant à attaquer le Hamas et la résistance palestinienne.
« Que nous soyons d’accord ou non avec le Hamas, il fait en fin de compte partie de notre peuple... Il ne vient pas d’une autre planète », a-t-il ajouté.
Basem Naim, membre du bureau politique du Hamas, a commenté les manifestations sur Facebook : « Tout le monde a le droit de crier sa douleur et d’élever la voix contre l’agression de notre peuple et la trahison de notre nation. »
« Que notre peuple soit descendu dans la rue ou non, nous faisons partie de lui et il fait partie de nous », a-t-il poursuivi, dénonçant toute exploitation de la situation, « que ce soit pour faire avancer des agendas politiques douteux ou pour détourner la responsabilité de l’agresseur criminel, de l’occupation et de son armée ».
Alors que les images des manifestations à Beit Lahiya circulaient, les commentateurs à l’intérieur et à l’extérieur de la bande de Gaza ont offert des interprétations divergentes.
Certains y voient l’expression naturelle des revendications de la majorité, à savoir la fin de la guerre d’extermination menée par Israël contre Gaza.
D’autres se sont concentrés sur l’appel lancé au Hamas pour qu’il renonce au contrôle de la bande de Gaza et permette une restructuration afin de faciliter la fin de la guerre.
Munthir al-Hayek, porte-parole du Fatah à Gaza - le rival politique du Hamas qui domine l’Autorité palestinienne (AP) - a écrit sur Facebook pour exhorter le Hamas à « écouter la voix du peuple » et à se retirer, afin de permettre à l’AP et à l’Organisation de libération de la Palestine d’assumer leurs responsabilités.
Du côté israélien, le porte-parole de l’armée israélienne, Avichay Adraee, a exprimé son soutien aux manifestations, les présentant comme totalement anti-Hamas.
À Gaza, ces différentes interprétations ont semé la confusion quant aux motivations des manifestations, mais les organisateurs - et M. al-Barawi - insistent sur le fait que la principale revendication est la fin de la guerre.
Hisham al-Barawi, 52 ans, un participant à la manifestation, a déclaré à Al Jazeera mercredi que, contrairement aux affirmations des médias, ils n’ont pas été « conduits » dans les rues par des forces extérieures.
« Nous sommes ici pour dire : "Assez d’oppression et de mort". Tous les deux ans, nous vivons des guerres. Nous élevons nos enfants pendant des années, pour ensuite les perdre. »
« Nous construisons nos maisons, mais elles sont bombardées en quelques secondes. Nous sommes épuisés... nous ne sommes que des êtres humains », s’est écrié M. al-Barawi.
« Nous ne détestons pas le Hamas. Mais je leur demande de se retirer. Leurs 18 années de règne ont été remplies de guerres et d’escalades. Nous voulons vivre en paix. »
Nous voulons juste vivre
Mahmoud Jihad al-Haj Ahmed, 34 ans, médecin à l’hôpital Kamal Adwan, marchait près de M. al-Barawi.
« Nos manifestations sont indépendantes. Nous voulons que la guerre s’arrête. Nous refusons que nos vies soient encore mises en jeu », a-t-il déclaré.
« Nous avons besoin d’aide humanitaire. Nous avons besoin de l’aide humanitaire, de l’ouverture des frontières. Nous avons besoin d’une vie digne. »
Al-Haj Ahmed a raconté qu’Israël avait tué ses parents et sa sœur, mais il n’a pas eu le temps de faire son deuil car son travail à l’hôpital l’a accaparé jusqu’au jour où l’armée israélienne a forcé tout le monde à quitter les lieux.
« Nous avons tant d’enfants et de jeunes amputés... tant de blessés qui ont besoin de se déplacer pour être soignés, mais on les empêche de partir », a-t-il déclaré.
« La situation est désastreuse. »
En ce qui concerne les appels au Hamas pour qu’il abandonne le pouvoir, al-Haj Ahmed a déclaré que si le retrait du Hamas permettait d’alléger les souffrances de la population, il le soutiendrait sans hésitation.
« Il faut pour cela donner la priorité à l’intérêt général. La souffrance est insupportable », a-t-il déclaré.
« Je pense que la solution consiste à mettre en place une administration locale totalement indépendante, sans affiliation politique, pour gouverner Gaza et nous sortir de cette crise.
« J’invite nos frères du Hamas à donner à d’autres une chance de gouverner Gaza. La prochaine direction n’a pas besoin d’être contre le Hamas, nous avons de nombreuses personnalités nationales compétentes qui peuvent gérer la bande de Gaza ».
Saed Falafel, 60 ans, a également manifesté pour demander la fin de la guerre menée par Israël.
« Nous voulons vivre. C’est notre principale revendication », a déclaré Saed.
« Si vous vous promenez sur les marchés de Gaza, vous ne trouverez pas une seule tomate ou un seul œuf. Nous sommes affamés et tués de toutes les manières possibles. D’ici une semaine, nous serons en proie à une grande famine. »
« Nous n’avons aucun intérêt à être les ennemis de qui que ce soit. Nous sommes des civils qui veulent simplement vivre en paix et avoir une vie digne de ce nom. Nous voulons une solution à cette catastrophe. »
« Toute personne dans le monde dotée d’une once d’humanité et de compassion ressentirait notre douleur. Agissez maintenant pour nous aider. »
« Nous sommes des êtres humains. »
Traduction : AFPS