Photo : Funérailles de Mohammed al-Osaibi, le 2 avril 2023 (Eye on Palestine)
Les villes et villages palestiniens à travers Israël ont observé dimanche une grève d’une journée à l’appel du Haut Comité de suivi des citoyens arabes d’Israël, en réponse au meurtre de Mohammed al-Osaibi, un médecin palestinien mortellement touché par l’armée israélienne.
Des témoins oculaires ont déclaré que la police avait tiré 10 fois sur Osaibi à la porte de la Chaîne (Bab al-Silsela) - l’une des portes du complexe de la mosquée Al-Aqsa dans la vieille ville de Jérusalem - vendredi soir, après qu’il eut tenté de les empêcher de maltraiter une femme qui essayait de rentrer dans la mosquée.
La police israélienne a déclaré dans un communiqué que l’homme avait tenté de saisir l’arme d’un soldat et qu’il avait été abattu et "neutralisé". Osaibi était un habitant de 26 ans de la ville bédouine de Hura, dans la région du Naqab (Néguev) au sud d’Israël.
D’après les médias israéliens, la famille d’Osaibi a contesté la version de la police au sujet de sa mort et a demandé à voir les images des caméras de surveillance. Osaibi avait récemment obtenu son diplôme de médecine en Roumanie et était retourné dans sa ville natale il y a un mois, a déclaré la famille.
La police israélienne quant à elle, s’en tient à sa version initiale des événements et a publié une autre déclaration samedi après-midi, indiquant que le lieu de l’attaque n’était pas couvert par les caméras de surveillance.
À la suite d’une réunion d’urgence tenue samedi à Hura, le Haut Comité de suivi des citoyens arabes d’Israël a appelé à une grève qui englobe toutes les municipalités, les établissements d’enseignement public et les magasins des villes et villages palestiniens en Israël.
Faisant référence au ministre de la sécurité nationale Itama Ben Gvir, le Comité a déclaré dans un communiqué : "Il y a des tentatives pour [mettre en avant] un scénario israélien fabriqué de toutes pièces pour déformer la vérité et cacher les preuves, qui désignent la police de Ben Gvir comme coupable de ce crime abject contre Mohammed al-Osaibi".
"Cela ne passera pas inaperçu"
Les Palestiniens, qui ont qualifié le meurtre d’Osaibi d’"exécution", ont répondu à la grève en grand nombre, en fermant leurs magasins et en organisant des marches et des veillées, au cours desquelles des photos du médecin ont été brandies.
L’écrivain et analyste politique Saher Ghazzawi a déclaré que les scènes de la grève rappelaient la grève générale qui avait eu lieu dans les villes palestiniennes en Israël au début de l’Intifada Al-Aqsa en octobre 2000.
"Il ne serait pas surprenant de voir les choses évoluer dans la même direction, celle de l’escalade et de l’embrasement de la rue palestinienne. Il y a une atmosphère de tension ressentie par la société palestinienne à la suite du meurtre du jeune médecin", a-t-il déclaré à Middle East Eye.
Selon M. Ghazzawi, cette tension va de pair avec les pratiques et les déclarations racistes du gouvernement et des partis politiques israéliens "contre tout ce qui est palestinien".
Les veillées qui ont eu lieu samedi dans de nombreuses villes palestiniennes en Israël, aux carrefours et à l’entrée des villes, devraient se poursuivre dimanche après les funérailles d’Osaibi dans sa ville natale et devraient se transformer en une manifestation de masse.
"L’opinion publique palestinienne rejette totalement la version de la police d’occupation qui blâme la victime, de sorte que ce crime ne passera pas inaperçu", a déclaré M. Ghazzawi.
Osaibi était fils unique et s’occupait de son père malade tout en travaillant pour obtenir un certificat en Israël. Alors que toute la ville était paralysée à l’annonce de sa mort, la famille d’Osaibi a ouvert sa maison aux personnes en deuil, en attendant que les autorités israéliennes libèrent le corps de leur fils.
Ibrahim al-Osaibi a déclaré que la famille rejette les affirmations de la police selon lesquelles son cousin aurait tenté de s’emparer de l’arme d’un de ses agents. Il a ajouté qu’Osaibi n’était pas armé et qu’il avait tenté de libérer la femme palestinienne agressée par la police.
"Nous considérons qu’il est criminel, à tous égards, qu’un jeune homme soit abattu simplement parce qu’il a essayé de défendre une femme qui était victime d’abus", a déclaré Ibrahim al-Osaibi.
"Des exécutions sur le terrain"
Le Premier ministre israélien, Bejamin Netanyahou, a quant à lui salué l’assassinat du médecin et déclaré que la police avait "empêché une attaque dans la région".
Le Comité, une organisation fédératrice représentant les citoyens palestiniens d’Israël, a demandé qu’une commission d’enquête spéciale se penche sur l’assassinat d’Osaibi.
Il a également encouragé une participation massive à ses funérailles pour protester contre toutes les "politiques d’occupation, l’oppression et la discrimination raciale".
La Fondation Mizan pour les droits de l’homme a qualifié le meurtre d’Osaibi de "crime odieux" et d’exemple d’une "politique systématique qui repose sur des exécutions sur le terrain et le meurtre de Palestiniens".
Mizan a déclaré dans un communiqué que "La politique consistant à appuyer facilement sur la gâchette contre les Palestiniens est devenue une "culture" ancrée dans la psyché des services de sécurité israéliens et une politique systématique qui se nourrit d’une atmosphère d’incitation [et] de meurtre".
Depuis le début de l’année, les forces israéliennes ont tué au moins 87 Palestiniens, dont des combattants et des civils, ce qui constitue le début d’année le plus meurtrier depuis 2000, selon le ministère palestinien de la santé.
Samedi, les forces israéliennes ont tué Mohammed Baradyah, un Palestinien de 23 ans, après qu’il a prétendument mené une attaque à la voiture piégée près de la ville de Beit Ummar, au nord d’Hébron, blessant trois Israéliens.
L’escalade du week-end menace de mettre fin à une relative accalmie pendant le mois sacré musulman du Ramadan, une période qui connaît habituellement une augmentation des confrontations entre les forces israéliennes et les Palestiniens, en particulier à Jérusalem-Est, et ce, alors qu’Israël renforce les restrictions imposées aux Palestiniens dans la région.
Traduction : AFPS