Les complications politiques qui entourent les négociations directes entre l’Autorité palestinienne et Israël soulignent que le processus de paix au Moyen-Orient n’a aucune chance d’aboutir pour l’instant. La situation humanitaire dramatique à Ghaza ajoute à la difficulté de la situation.
Les bédéistes, qui n’ont pas besoin de grands discours, témoignent du présent avec des bulles, des formes et des couleurs.
La Palestinienne Amal Ziad Kaawash et le Français Maximilien Leroy sont jeunes. Chacun, de son côté, évoque la guerre et ses souffrances. Samedi matin, ils ont parlé, presque avec entrain, de leurs travaux lors d’un débat sur « Le conflit du Moyen-Orient et la BD », à la faveur du troisième Festival international de la bande dessinée d’Alger (Fibda) qui s’est achevé hier. Le Français Maximilien Leroy, 23 ans, s’est basé sur le témoignage vivant de Mahmoud Abou Srour, un épicier de 24 ans qui vit dans un camp palestinien pour élaborer une BD assez audacieuse, Faire le mur, édité par Casterman.
Pour ce faire, il a pris des notes, des photos et préparé des croquis après des heures de discussions avec Mahmoud, un dessinateur amateur. Il lui a tout dit de sa vie, de ses rêves et de ce qu’il pense du conflit. Pendant six ans, Mahmoud a travaillé en Israël avant la construction du mur de séparation.
Il a bâti ensuite une ferme pour lui et sa famille. « Les soldats israéliens ont gazé les oiseaux et fusillé les chiens qu’il avait élevés. Ils ont pris le terrain pour y installer une nouvelle colonie », a souligné Maximilien Leroy. « Ce que je voulais à travers la BD, c’était de toucher les personnes qui n’étaient pas intéressées par ces histoires-là. En France, le lectorat, entre 16 et 28 ans, n’est pas politisé. Un lectorat qui n’a ni le temps ni l’envie ni même le courage de lire des livres de plus de 300 pages sur le conflit du Proche-Orient. La BD peut, elle, être une porte d’entrée », a-t-il ajouté. Modérant les débats, Mohamed Bensalah, universitaire et critique de cinéma, a qualifié le travail de Maximilien Leroy de militant. « Cela donne du courage aux jeunes. Et puis, être édité chez Casterman, cela donne une plus grande visibilité. La BD permet d’avoir une vision autre que celle véhiculée par les médias », fait-il remarquer. Amal Ziad Kaawash, 29 ans, caricaturiste palestinienne au quotidien libanais Es-Safir, a estimé, pour sa part, que les auteurs de BD ou les dessinateurs rencontrent les mêmes limites que les autres artistes. « L’art doit refléter le réel, le
vécu ; à la fin, c’est l’idée qui fait tout le travail. L’artiste doit tout dire, que cela ait trait à la cause palestinienne ou pas. Au Liban, il y a une certaine liberté dans l’expression. Nous avons appris que Naji Al Ali a tout dire, au point d’en devenir martyr », a-t-elle expliqué. Le caricaturiste palestinien Naji Al Ali, assassiné à Londres en 1987, est le père du personnage de Handhala, le petit homme qui donne son dos au monde.
« Si la mort nous attend lorsqu’on exprime notre point de vue librement, qu’il en soit ainsi », a-t-elle dit, suscitant les applaudissements des présents. Amal Ziad Kaawash est connue par les personnages de Meiroun, la fille aux tresses, Samed, le jeune Palestinien, et Waladon, le petit garçon naïf. « L’Occident a une idée fausse sur le monde arabe et sur les réalités islamiques, surtout dans les conditions politiques actuelles. Dans ce domaine, le caricaturiste a le même rôle que le journaliste, il doit montrer la réalité à travers le dessin. Il reste que les stéréotypes sont forts en Occident », a estimé Amal Ziad Kaawash. Selon Maximilien Leroy, « les auteurs de BD subissent moins de pression en France lorsqu’ils abordent des sujets sensibles tels que ceux relatifs au conflit au Moyen-Orient ». « La BD reste peu médiatisée. Il n’y pas tout le déchaînement qui peut être déclenché par les déclarations d’un philosophe. On est donc à l’abri », a-t-il dit. Cependant, il a rappelé que Joe Sacco, journaliste et auteur de BD américain d’origine maltaise, a fait l’objet des menaces en France après la publication d’un ouvrage, Ghaza 1956, en marge de l’histoire.