Soixante ans après la Nakba, quand le nettoyage ethnique entamé dès le début 1948 par les milices juives puis à partir de mai 48 par les troupes de l’Etat israélien nouvellement créé (unilatéralement, sans prendre en compte les exigences ni le calendrier des Nations unies marraines de cet Etat) a expulsé dans l’exil quelque 900 000 Palestiniens, le peuple palestinien reste, dans sa grande majorité, un peuple de réfugiés.
Dans la diaspora ou dans les camps des pays proches de la Palestine, ils sont environ 6 millions, privés de leur pays et de leurs droits. Les plus nombreux, et les plus mal traités, se trouvent au Liban, dans une dizaine de camps ou à leur périphérie dans des villes comme Beyrouth, Saida au sud ou Tripoli au nord.
Les conditions générales de vie dans les camps de réfugiés du Liban sont une insulte à la dignité humaine, une violation du droit humanitaire et des droits humains (ce sera l’objet d’un autre article)
Les camps du Liban sont aussi une reproduction de la Palestine interdite : répartition par régions et villages d’origine de la Palestine historique (on est de Haïfa ou Acca…) et représentation des forces et partis politiques palestiniens.
Si les Palestiniens en Palestine sont soumis à un environnement hostile voire extrêmement violent à cause de la politique coloniale d’Israël, les Palestiniens du Liban sont aussi victimes de pratiques discriminatoires inacceptables de la part des autorités et de la population.
Les autorités libanaises, qui ont accepté il y a quelques mois le retour de l’OLP au Liban, n’ont jamais tenu leurs engagements d’alléger les difficultés imposées depuis des décennies aux Palestiniens : les métiers interdits, les constructions impossibles, les accès limités à l’éducation supérieure demeurent.
Dans la situation délétère, voire explosive, qui prévaut depuis des mois au Liban, la crainte majeure des Palestiniens est qu’ils en soient le bouc émissaire. C’est d’ailleurs l’une des explications de la guerre d’une extrême violence qui a anéanti le camp de Nahr-el-Bared, au nord du Liban, pendant l’été et l’automne 2007. Sous couvert de l’élimination de quelques dizaines de combattants salafistes (jihadistes) dont le QG se trouvait à l’extérieur du camp, c’est tout le vieux camp qui a été détruit par la violence des attaques de l’armée libanaise : habitations, écoles, dispensaires, magasins, il ne reste rien. Nahr-el-Bared maintenant c’est Lorient, Brest, Falaise ou encore Dresde après les bombardements de la Deuxième guerre mondiale.
Effrayer les Palestiniens afin de les amener à partir. Encore…
Pourtant toutes les forces palestiniennes entendent poursuivre les discussions avec toutes les forces libanaises. Pas pour trouver une forme d’intégration que redoute le Liban.
Non, les Palestiniens n’en veulent pas !
Le leit-motiv des Palestiniens du Liban, c’est le droit au retour : la reconnaissance non négociable de ce droit par Israël et la communauté internationale et puis, éventuellement, après un retour au pays trop longtemps dérobé, le choix de ne pas en faire un usage définitif. Si, disent-ils, la décision appartient à chaque Palestinien/ne, la revendication qu’ils expriment est inlassablement collective .
Mais en attendant ce jour dont la clé de la maison volée ou détruite est le symbole, les Palestiniens du Liban demandent à être traités avec dignité au Liban, dans le respect des droits au travail, à la santé, à un logement décent ou encore à l’éducation pour tous leurs enfants.
Dans le contexte régional tendu qui perdure, la frustration et la violence montent dans les camps. La peur aussi, après Nahr-el-Bared, rappel terrible d’autres massacres, de Tell-al-Zaatar à Chatila.
Mais la volonté affichée des partis palestiniens, qui assurent ensemble la sécurité des camps depuis décembre 2007, est de rester unis dans leurs revendications et de ne pas laisser les divisions intestines qui affaiblissent la résistance en Palestine occupée les frapper. Cela fait écho à la détermination des Palestiniens des camps d’obtenir le droit de vivre dans la dignité tant qu’ils seront réfugiés et surtout de rentrer chez eux en Palestine. Cela fait 60 ans qu’ils attendent.