La grave détérioration des droits et des libertés, et la faiblesse des principales institutions officielles ont contribué à affaiblir la situation palestinienne interne, et ont sapé la capacité du système politique palestinien à relever les défis externes auxquels est confrontée notre cause nationale, à savoir les violations de l’occupation israélienne et ses politiques, qui sont fondées sur des faits sur le terrain. Ces circonstances ont également limité l’efficacité et le rôle de l’Autorité palestinienne dans son ensemble, ainsi que la capacité du système politique à bénéficier de la large solidarité internationale avec le peuple palestinien dans divers forums internationaux, suite aux récentes attaques israéliennes sur Jérusalem et la bande de Gaza. Cela affecte à son tour négativement les aboutissements de notre peuple et sa lutte face à l’occupation et au colonialisme, nécessitant un examen sérieux du contexte actuel.
La fin de l’année 2020 et le début de l’année 2021 ont vu une nouvelle et grave détérioration de la situation des droits et libertés. En modifiant la loi sur l’autorité judiciaire, le pouvoir exécutif s’est attaqué au pouvoir judiciaire, déstructurant les principes constitutionnels garantissant les principes de l’État de droit et de la séparation des pouvoirs, affirmés dans la Déclaration d’indépendance palestinienne et la Loi fondamentale palestinienne. La dissolution du Conseil législatif palestinien, et l’absence totale de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) avec toutes ses composantes et institutions, ont placé les trois autorités sous le contrôle et la garde de l’exécutif, établissant un régime totalitaire et non démocratique, qui donne à l’exécutif le contrôle de toutes les autres autorités sans aucune surveillance, responsabilité ou obligation de rendre des comptes, contrairement aux principes constitutionnels, et aux valeurs d’intégrité, de transparence et de bonne gouvernance.
Au début de l’année, le président palestinien a publié un décret appelant à des élections législatives et présidentielles générales ainsi qu’un décret sur les libertés publiques, malgré l’absence d’une quelconque valeur juridique. L’espoir s’est toutefois évanoui lorsque ces décrets ont été abrogés et depuis que les services de sécurité pratiquent des arrestations politiques arbitraires sur la base de la liberté d’opinion et d’expression. Ces arrestations et procès ont concerné de nombreux militants politiques, d’anciens détenus et un certain nombre de candidats sur les listes électorales. Ces violations ont culminé avec l’assassinat du militant politique et candidat aux élections législatives sur la liste Liberté et Dignité, Nizar Banat, et la dangereuse dégradation de la situation des droits et libertés qui s’en est suivie. Depuis lors, les atteintes aux droits et libertés se sont aggravées, notamment par le déni du droit de réunion pacifique et la suppression de la liberté d’opinion et d’expression par les services de sécurité et les agents en civil affiliés au pouvoir exécutif, qui ont battu les manifestants et les ont traînés dans les rues, ont fait un usage excessif de la force, ont confisqué les téléphones des manifestants et ont publié leur contenu en violation du droit à la vie privée, en particulier pour les femmes, ont violé la liberté de la presse en attaquant les journalistes et en confisquant leur matériel, et ont arrêté et jugé un grand nombre de participants à ces rassemblements pacifiques. Tous ces actes constituent de graves violations des droits et libertés des citoyens palestiniens garantis par les conventions internationales relatives aux droits de l’Homme auxquelles l’État de Palestine a adhéré.
Compte tenu de la détérioration de la situation des droits et libertés, et de la poursuite de la politique de répression de l’Autorité palestinienne par ses services de sécurité, l’évolution vers la tyrannie et l’autoritarisme est clairement évidente. Cela se manifeste par le contrôle exclusif et l’accaparement des institutions de l’État au profit d’individus, le rétrécissement de l’espace des organisations de la société civile et le déni de la liberté d’opinion, d’expression et de réunion, en violation grave des dispositions de la Loi fondamentale palestinienne, de la Déclaration d’indépendance palestinienne, des lois et législations palestiniennes et des conventions internationales relatives aux droits de l’Homme. A la lumière de ce qui précède et compte tenu de la faiblesse de la situation interne pour faire face aux défis internes et externes, les organisations des droits de l’Homme et de la société civile soussignées mettent en avant la nécessité de :
1- Tenir le chef de l’autorité exécutive et du gouvernement responsables, légalement et nationalement, des graves violations et attaques contre les citoyens palestiniens, commises par les services de sécurité et les officiers en civil, en leur qualité officielle. Cela implique des responsabilités contraignantes pour le chef de l’autorité exécutive, en vertu de la Déclaration d’indépendance palestinienne, de la Charte de l’OLP et de la Loi fondamentale palestinienne, en sa qualité de commandant en chef des forces palestiniennes et de protecteur des droits et des libertés.
2- Renvoyer le chef du gouvernement, en sa qualité de Premier ministre et de ministre de l’Intérieur, devant un tribunal afin de le tenir pour responsable, car lui et son gouvernement n’ont pas su protéger les droits des citoyens. Le Premier ministre n’a pas assumé les responsabilités qui lui incombent en vertu de la Loi fondamentale palestinienne et n’a pas été en mesure de remplir ses obligations en matière de protection de la liberté de la presse, du droit de réunion pacifique et de la liberté d’opinion et d’expression. Le gouvernement n’a pas non plus réussi à gérer la crise actuelle et à protéger les droits et les libertés.
3- Renvoyer le directeur général de la police palestinienne, et le directeur de la police de Ramallah et d’Al-Bireh devant un tribunal afin qu’ils répondent des graves violations des droits des citoyens, qui ont été commises par des officiers de la police palestinienne dans le cadre de leurs fonctions officielles, notamment en empêchant les rassemblements pacifiques, en agressant et en frappant les manifestants, en arrêtant certains d’entre eux, en faisant un usage excessif de la force, et en commettant des actes de torture et de mauvais traitements, en violation de la loi et des codes de conduite. Les policiers ont également abandonné leur devoir de garantir les libertés et de protéger les civils, en n’empêchant pas les attaques de manifestants par des individus en civil.
4- Tenir le Procureur public civil pour responsable de la détention de participants à des rassemblements pacifiques et de leur traduction en justice sur la base de l’exercice de leurs droits constitutionnels tels que stipulés dans la Loi fondamentale palestinienne, ce qui équivaut à une détention arbitraire selon les normes internationales des droits de l’Homme contraignantes pour l’État de Palestine. Nous le tenons également pour responsable de l’échec du Ministère Public à ouvrir une enquête en relation avec la plainte pénale soumise au Procureur Général le 1er juillet 2021 par des organisations de la société civile concernant des violations des droits des citoyens. Entre-temps, le ministère public a immédiatement répondu aux services de sécurité en leur fournissant des dossiers d’enquête sur des militants politiques, de manière clairement discriminatoire pour satisfaire le pouvoir exécutif et ses services de sécurité. En cela, le Procureur public a abandonné son travail au regard de la loi en tant qu’agent de la société dans son ensemble.
5- Affirmer que la justice pour l’activiste politique Nizar Banat passe par des enquêtes criminelles transparentes et impartiales, et par un procès équitable de tous les membres et fonctionnaires dont il est prouvé qu’ils sont impliqués dans son assassinat, dans le cadre duquel des garanties et des protections judiciaires, ainsi que des réparations pour lui et sa famille sont assurées et réalisées. En outre, les suspects doivent être jugés dans les meilleurs délais afin que la politique punitive ne perde pas son caractère dissuasif.
6- Réaffirmer les principes d’obligation de rendre des comptes et de responsabilité, et ouvrir des enquêtes criminelles sérieuses par le ministère public civil et militaire sur toutes les violations commises contre les droits des citoyens qui sont garantis par la Loi fondamentale palestinienne, de manière à assurer l’obtention de réparations pour les victimes et à renforcer la dissuasion pour les agents de la force publique et leurs supérieurs.
7- Les organisations soussignées annoncent leur suspension de toute forme de dialogue avec les institutions officielles concernant la situation des droits de l’Homme. Nous considérons les récents dialogues avec les organismes officiels comme de simples relations publiques ; leurs résultats n’ont pas été traités, que ce soit par l’examen de la conduite des personnes chargées de l’application de la loi, ni par la conduite d’enquêtes sérieuses ou de mesures de responsabilité pour les violations des droits des citoyens. Nous pensons que tout dialogue futur doit être lié à des mesures sérieuses et à des garanties de responsabilité et de respect des droits et libertés publiques.
8- Appelant les acteurs politiques à remplir leur rôle national et communautaire au cours de cette grave étape, à prendre des positions courageuses, à activer leur présence communautaire, à prendre des initiatives pour protéger et promouvoir les droits et libertés, à se lever lorsqu’ils sont violés et à assumer leurs responsabilités à cet égard.
9- Publier un décret immédiat convoquant des élections présidentielles et législatives générales et des élections pour le Conseil national palestinien et l’OLP et les programmer avant la fin de cette année. Cela devrait s’accompagner de la recherche de solutions appropriées pour garantir que ces élections se déroulent à Jérusalem avec la participation de ses résidents, et sans l’interférence des autorités d’occupation israéliennes. Ces élections feraient renaître l’espoir chez les jeunes Palestiniens, renforceraient le droit à la participation politique et ouvriraient la voie à la fin de la division interne. Elles permettraient également d’établir un dialogue national global qui contribuerait au rétablissement de l’OLP et à l’efficacité de ses institutions, renforcerait la situation interne face à l’occupation israélienne, et remettrait la boussole dans la bonne direction, en unifiant les efforts officiels et civils pour faire face aux violations israéliennes.
Organisations qui soutiennent ce position paper :
Palestinian NGOs Network
Al-Haq, Law in the Service of Man
Jerusalem Legal and Human Rights Center
Addameer Prisoner Support and Human Rights Association
Al Mezan Center for Human Rights
Defense for Children International – Palestine
Hurryyat Center for Defense of Liberties and Civil Rights
Palestinian Center for Human Rights
Arab World Democracy and Electoral Monitor (Al Marsad)
The Civil Commission for the Independence of Judiciary and Rule of Law (Istiqlal)
Palestinian Center for the Independence of the Judiciary and the Legal Profession (MUSAWA)
Coalition for Accountability and Integrity (AMAN)
Palestinian Initiative for the Promotion of Global Dialogue and Democracy (MIFTAH)
Human Rights and Democracy Media Center (SHAMS)
Najdeh Society
Union of Health Work Committees
Reform Organization
Bisan Center for Research and Development
The Palestinian Working Woman Society for Development
Women’s Center for Legal Aid and Counseling
Women’s Studies Center
Treatment and Rehabilitation Center for Victims of Torture
Mothers’ School Society
Union of Agricultural Work Committees