En dépit de demandes répétées aux autorités
israéliennes, nous n’avons reçu aucune autorisation pour atteindre les populations affectées par cette dernière incursion, qui cible le nord de la bande de Gaza, et particulièrement Beit Hanoun, Beit Lahya et Jabalya.
Notre équipe ne peut se rendre dans ces trois localités, bien qu’elle reçoive quotidiennement de nombreux appels des populations enfermées, demandant une aide urgente en nourriture, eau potable ou médicaments. Les hôpitaux n’étant pas épargnés par les tirs, nos psychologues n’ont pas non plus pu répondre à la demande des autorités médicales palestiniennes de réaliser des debriefings [1] d’urgence auprès de leur personnel médical.
Enfin, il a fallu patienter 48 heures avant d’obtenir l’autorisation d’évacuer l’un des membres de notre équipe et sa famille, après que l’armée eut partiellement détruit leur maison.
Ces derniers mois ont vu l’intensification des incursions de l’armée israélienne dans la bande de Gaza.
Chaque opération militaire s’accompagne de graves entraves aux capacités d’aide des acteurs humanitaires. Depuis quinze jours, ces blocages sont particulièrement paralysants pour notre action.
Interview de Marie-Hélène Jouve, adjointe responsable de programme : [2]
Ces derniers mois ont vu l’intensification des incursions de l’armée israélienne dans la bande de Gaza.
"Jours de pénitence", opération déclenchée le 28 septembre et toujours en cours à ce jour, cible le nord de la bande de Gaza.
Marie-Hélène Jouve, responsable adjointe des programmes de Médecins Sans Frontières dans les Territoires palestiniens, explique les conséquences du bouclage de la zone sur les activités de nos équipes.
Peux-tu résumer brièvement les activités de msf dans les territoires palestiniens ?
Depuis novembre 2000, nous sommes présents dans la bande de Gaza pour apporter un soutien psychologique, médical et social aux populations palestiniennes qui subissent les conséquences de la deuxième Intifada (violences, destructions de maisons, perte de proches, etc.).
Notre équipe comprend trois psychologues, un médecin, un travailleur social, trois chauffeurs et trois traducteurs, encadrés par une responsable de terrain. L’équipe est basée dans la ville de Gaza, mais peut intervenir, selon les besoins, dans toute la bande de Gaza, qui ne s’étale que sur une quarantaine de kilomètres.
Au cours des derniers mois, le rythme des incursions de l’armée israélienne s’est intensifié. Lors de ces opérations militaires, l’accès à nos patients et aux personnes affectées par le conflit est difficile, voire impossible.
Quelles sont les conséquences sur nos activités de l’opération militaire actuellement menée par l’armée israélienne ?
Nos activités sont très réduites car nous n’avons plus accès à un seul de nos patients. Depuis le début de l’opération Jours de Pénitence, la bande de Gaza est coupée en trois par des barrages de l’armée israélienne, donc notre équipe n’est plus en mesure de se rendre à Rafah, dans le sud, là où se trouvent la plupart de nos patients.
Nous n’avons pas non plus accès aux familles que nous suivions à Murlaga, au centre de la bande de Gaza à proximité de la colonie israélienne de Nezarim, car la route de bord de mer que nous empruntions pour y aller a été rendue impraticable par les chars de l’armée israélienne et les piétons qui tentent de passer se font tirer dessus.
Enfin, parce que les opérations militaires actuelles se concentrent sur la zone nord de la bande de Gaza, nous ne pouvons atteindre ni Beit Lahiya - où nous assistions des familles -, ni Jabalya, ni Beit Hanoun.
Malgré tout, nous constatons que les transferts en ambulance de patients des hôpitaux de Jabalya vers l’hôpital de référence de Gaza, même s’ils prennent du temps, peuvent encore se faire.
Comment l’équipe fait-elle pour continuer à travailler lorsque des incursions israéliennes comme celle-ci sont en cours ?
Nous essayons de tirer parti de notre statut d’organisation internationale, extérieure au conflit, en négociant avec l’armée israélienne des "coordinations" - c’est-à-dire des autorisations de passage où la sécurité de nos équipes soit garantie -, ce qui n’est pas envisageable pour les organisations palestiniennes.
Là, nous avons demandé à de nombreuses reprises une "coordination" pour accéder aux familles que nos équipes suivaient dans le nord de la bande de Gaza et pour évaluer la situation. Nous avons également demandé des "coordinations" pour accéder aux familles que le positionnement des chars et le déploiement des soldats israéliens a isolées. Pour l’instant, nous n’avons essuyé que des refus. En attendant que la situation se débloque, nous maintenons un contact téléphonique avec les familles que nous assistions.
Par ailleurs, le Gaza Mental Health Center, structure palestinienne avec laquelle nous avons l’habitude de collaborer, dispose de lieux à Beit Lahiya et nous a demandé d’aller y faire des débriefings psychologiques d’urgence.
Notre action consiste à réduire les effets psychologiques (stress, peur, angoisse) sur la population (enfants, adolescents et adultes) la plus gravement affectée par la violence.
En quoi les équipes de msf sont-elles affectées, dans leur quotidien et dans leur capacité de travail ?
Avec l’intensification des opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza, les familles que nous suivons sont confrontées à des événements traumatiques continus. C’est un problème pour ces patients, qui subissent des traumatismes en chaîne. Pour l’équipe soignante, il est très frustrant d’avoir le sentiment de repartir de zéro à chaque fois et difficile de prendre le recul nécessaire.
Par ailleurs, les membres palestiniens de notre équipe sont particulièrement affectés. La plupart habitent dans la partie nord de la bande de Gaza et sont donc touchés de plein fouet, directement ou non, par les opérations militaires en cours.
Samedi 2 octobre, une des personnes de notre équipe était chez elle à Beit Hanoun avec ses enfants lorsqu’un char de l’armée israélienne a éventré sa maison, lui donnant une heure pour quitter les lieux. C’est le seul cas, pendant cette dernière incursion, où l’armée israélienne nous a accordé une "coordination", pour aller la chercher et la sortir de là.
Dans ce contexte, comment adapter notre programme ?
Dans ces périodes, le problème n’est pas tant celui d’une pénurie d’aide, puisque beaucoup d’acteurs humanitaires sont présents dans la bande de Gaza, mais bien plus celui de l’accès aux personnes affectées par le conflit, rendu impossible par les opérations militaires. C’est là-dessus que nous pouvons avoir une valeur ajoutée.
A Jenine (Cisjordanie) en avril 2002, nous avions loué un minibus et posé des autocollants MSF dessus pour transporter du personnel médical palestinien vers les centres de santé du district. Nous n’excluons pas d’adapter notre programme habituel de santé mentale pour jouer les convoyeurs, voire pour apporter une aide sociale et matérielle aux familles vulnérables, afin de répondre à cette nouvelle situation d’urgence.
Encore faut-il que l’armée israélienne nous accorde les autorisations de passage, puisque Beit Hanoun et Jabalya sont considérées comme des zones militaires.
http://msf.cabestan.com/Go/index.cfm?WL=315&WS=54339_54388&WA=264
communiqué de presse
*Nord de Gaza / Paris, le 9 octobre 2004.*
Depuis le 28 sept 2004 dans la bande de Gaza, les équipes médicales de M S F sont dans l’impossibilité totale d’accéder à leurs patients résidant dans le centre et le sud de la zone. Depuis le 28 sept 2004 dans la bande de Gaza, les équipes médicales de M S F sont dans l’impossibilité totale d’accéder à leurs patients résidant dans le centre et le sud de la zone.
Depuis, et en dépit des demandes répétées aux autorités israéliennes,nos équipes n’ont reçu aucune autorisation officielle pour atteindre ces zones et leurs habitants. Aujourd’hui encore, Gaza est coupée en trois parties et l’accès à nos patients est strictement impossible.
En outre, les membres de MSF, de même que toute la population de cette zone, sont soumis à une violence directe.
A Beit Hanoun, un de nos employés, ainsi que sa famille, ont été bloqués dans leur maison partiellement détruite, tandis que l’armée détruisait leur voiture et
tuait leur bétail. La famille (qui n’était pas ciblée en tant que membre de MSF) a été visée alors qu’elle tentait de fuir. Pendant ce temps, les autorités (israéliennes) compétentes assuraient à MSF que les tirs et les destructions allaient cesser. En dépit de ces assurances, l’attaque s’est poursuivie.
L’autorisation d’évacuer la famille a été refusée à MSF et celle-ci a dû s’enfuir vers une maison voisine, tout aussi menacée. Nos équipes n’ont reçu l’autorisation de l’évacuer que 48 heures plus tard.
Depuis juillet dernier, les autorités concernées sont pourtant prévenues officiellement de la présence de membres du personnel MSF dans cette zone.
Depuis le déclenchement de cette opération, MSF reçoit quotidiennement de nombreux appels des populations enfermées à Beit Hanoun, Beit Lahia, et Jabalia, demandant une aide urgente en nourriture, eau potable ou
médicaments. Ces trois zones sont, depuis le 28 septembre, totalement isolées du reste de la bande de Gaza, et tout mouvement y est interdit.
Les autorités médicales (palestiniennes)de la zone ont demandé aux psychologues MSF de réaliser des débriefings d’urgence auprès de leur personnel médical. Cela n’a pas encore été possible, les hôpitaux subissant aussi des tirs.
Depuis huit jours, les équipes MSF, qui ont la capacité d’apporter une aide médicale et nutritionnelle d’urgence aux familles qu’elles suivent, en sont réduites à attendre un éventuel feu vert de l’armée israélienne.
A nouveau, MSF demande l’accès à ses patients dans la Bande de Gaza.