Le voyage en Palestine occupée,
chez les oléiculteurs de la région
de Tulkarem, commence et finit
toujours quelque part le long du mur
d’annexion qu’il ne fait pas bon côtoyer
de trop près, au risque d’être tirés comme
des lapins par des soldats israéliens de vingt
ans aux allures de cow-boys. Entre les paysans
et leurs champs, 50 m à vol d’oiseau,
5km de détours à dos d’âne à l’aller, 5km
au retour et plusieurs heures d’attente au
soleil. Tous les jours. Tout le temps que
dure la cueillette des olives, quand elle
peut avoir lieu.
Entre les paysans et les champs qui leur
restent, des kilomètres de barbelés serrés,
des grillages, des blocs de béton, le mur
et les soldats. La résistance opiniâtre,
quotidienne, héroïque, est faite de longues
stations debout, de cheminement entre
les rochers, les barbelés, les barrages,
d’enjambements de canalisations, de
transports de bagages, de valises,
d’enfants... Portails métalliques fermés,
ouverts à des heures improbables, fermés....
Des gens patientent, dans des voitures,
des camionnettes remplies de nourriture
qui pourrit au soleil des heures,
des jours, selon le bon vouloir des soldats.
Les fermiers se sentent alors, parfois,
abandonnés de tous, y compris des leurs : « Personne de l’Autorité n’est jamais
venu voir ce qui se passait ici », dit un fermier.
« Nous sommes seuls avec la porte
et avec les soldats. Depuis la construction
du mur nous sommes seuls. »
Tandis que des voix off dénoncent l’enfermement,
l’exil des Palestiniens dans leur
propre pays, le vol des terres, la caméra
filme des paysages détruits par le béton,
des terres agricoles transformées en
déserts. D’anciennes forêts, dit un homme,
qui évoque les « jours heureux » où les collines
ravagées étaient des lieux de promenade
familiale à l’ombre des arbres,
quand sous nos yeux s’étalent de vastes
chantiers poussiéreux et dénudés.
Et puis le Mur qui serpente, travelling
et.gros plan, tandis qu’en off la voix de
Michel Warschawski commente : « Le
Mur [...], c’est une conception de l’existence
et de la coexistence, malade. C’est
une philosophie de l’enfermement. [...]Si
la normalité de notre existence est définie
par un mur, autant se flinguer : Derrière
le mur se dessine la solution israélienne,
ce que l’on veut imposer aux Palestiniens.
C’est le pourtour de la colonisation. »
Enfin il y a les oliviers. D’abord ceux
qui ont été tailladés, dont ne reste plus que
des troncs, qui sont comme calcinés.
Douze mille oliviers déracinés pour la
construction du mur, dit Taysir Arashi,
le maire de Qaffin, et 70% des terres
« avalées ». Cent vingt mille de l’autre
côté. « Toute la Cisjordanie sera une prison.
Mais dans une prison ordinaire, les
gens n’ont pas à travailler. Quelqu’un les
nourrit. Mais nous, ils veulent nous mettre
dans une prison où devons nous nourrir
nous-mêmes. » A Qaffin, avec la vente des
olives, la seule ressource, les gens pouvaient
vivre et payer leurs factures « avant ».
A présent, trop de gens ont perdu jusqu’au
dernier arbre.
L’olivier est un arbre qui ne meurt pas,
qui est éternel. Parole d’expert. La résistance
des oliviers est à l’image de celle
des Palestiniens. Les arbres, eux, passés
à la tronçonneuse, finissent par repousser.
« Héritage historique » et symbolique,
fondateur de la société palestinienne,
selon les propres mots du consul général
de France à Jérusalem, le verger de
Palestine a plus de 6000 ans et il est
unique au monde.
Aider les producteurs de la région à améliorer
la commercialisation de l’huile
d’olive, base de l’économie locale, c’est
la mission que l’AFPS des Alpes de Haute
Provence s’est donnée. A Saïda, des cuves
en inox (financées par l’association) vont
permettre un stockage de meilleure qualité.
Pourtant, brisant l’euphorie de la
célébration partagée de la dernière récolte
d’olives, un jeune homme de Saïda est
assassiné par un commando des forces
spéciales israéliennes. Pourtant, dans la
région d’Hébron, les missions civiles de
protection du peuple palestinien se heurtent
aux colons et à l’armée qui tentent de
les chasser. Ici, pierres contre fusils.
Menaces. Pressions. La solidarité internationale
et la coopération décentralisée
ne sont pas du goût de l’occupant.
Mais tant que les moulins fonctionnent,
tant que les pressoirs font couler l’huile
dorée, tant que les amis sont là et que les
oliviers repoussent, les paysans palestiniens
continuent à faire vivre l’espoir. Envers
et contre tout.