L’Autorité nationale palestinienne, née des accords d’Oslo (1993) et qui contrôle depuis les grands centres urbains de Cisjordanie, n’en finit plus de démonétiser le peu de crédit qui lui reste. Son vieux président Mahmoud Abbas, 86 ans, vient d’annuler les élections législatives du 22 mai et la présidentielle de juillet, qu’il avait lui-même convoquées. Les deux scrutins étaient très attendus par nombre de Palestiniens, qui n’ont plus voté depuis 2006.
Le leadership palestinien inaudible
À l’époque, les élections avaient débouché sur une partition des territoires palestiniens. Les islamistes du Hamas avaient pris le contrôle de la bande de Gaza, à l’issue d’affrontements sanglants, le Fatah gardant sa mainmise sur l’Autorité nationale et la Cisjordanie. Pendant quinze ans, la division entre « frères ennemis », l’absence d’élections, l’inefficacité et la corruption de l’Autorité, tout cela a sapé le leadership palestinien, devenu inaudible. Israël en a profité, amplifiant la colonisation juive des territoires occupés, notamment avec le soutien de la présidence Trump, sans subir davantage qu’une réprobation internationale de pure forme.
Avec l’arrivée de Joe Biden, Mahmoud Abbas et ses partisans ont estimé que l’Autorité palestinienne avait une chance de peser à nouveau, à condition d’être relégitimée. D’où ces doubles élections, fruits d’un compromis avec le Hamas, soucieux de son côté de se débarrasser de son étiquette de mouvement « terroriste ». Fatah et Hamas devaient, chacun chez soi, faire le plein de voix et peut-être même aboutir à un gouvernement d’union, les islamistes renonçant à présenter un candidat à la présidentielle.
La peur d’une magistrale déroute
Pourquoi l’affaire a-t-elle capoté ? Officiellement, c’est la faute d’Israël, qui a refusé que votent les quelque 300 000 Palestiniens de la partie orientale de Jérusalem, occupée en 1967 et annexée en 1980. Le scrutin est reporté jusqu’à ce que notre peuple puisse exercer ses droits démocratiques à Jérusalem, a justifié Mahmoud Abbas, sans fixer de nouvelle date. C’est un prétexte. Abbas savait qu’Israël n’autoriserait jamais le vote à Jérusalem. Comme il ne l’avait pas autorisé en 2006.
Clairement, c’est la peur d’une magistrale déroute qui a motivé l’annulation. Les rares sondages montraient une poussée du Hamas en Cisjordanie et une possible défaite de la liste officielle du Fatah face à la liste dissidente de Nasser al-Qidwa, neveu de feu Yasser Arafat, soutenue par Marwan Barghouti, l’icône de la résistance, détenu en Israël depuis vingt ans. L’ironie est qu’Israël, pour qui l’élection du détenu Barghouti comme président palestinien relève du cauchemar absolu, n’a rien eu à faire pour l’empêcher.
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