Ce dimanche, le Brésil s’apprête à tenir le premier tour d’une élection présidentielle qui sera le point culminant d’une bataille entre deux opposés idéologiques, et les résultats auront d’énormes conséquences pour l’avenir du pays le plus peuplé d’Amérique latine.
Le président sortant, Jair Bolsanaro, nationaliste de droite et ancien parachutiste, est confronté à un sérieux défi de la part de l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, l’un des gauchistes les plus respectés du pays.
Da Silva devance actuellement Bolsonaro dans les sondages, et une victoire serait un retour politique remarquable pour l’homme de 76 ans. Au cours de son mandat, à la tête du pays de 2003 à 2010, il a contribué à sortir des millions de personnes de la pauvreté grâce à l’expansion des programmes d’aide sociale, et a parallèlement conduit le Brésil dans une ère de croissance économique.
Cependant, en 2017, il a été pris dans une enquête de corruption, surnommée Opération Car Wash, et emprisonné. Il maintient son innocence et est libéré en 2019, sa condamnation annulée.
Au sein de la politique des deux dirigeants se trouve également une division dans l’approche du Brésil sur le conflit israélo-palestinien.
Et comme le Brésil abrite environ la moitié de la population d’Amérique latine, ses penchants sur la question peuvent influencer le reste du continent.
Bolsonaro et Bibi
Comme de nombreux autres pays d’Amérique latine, le Brésil s’est toujours rangé du côté des Palestiniens aux Nations Unies, mais depuis son arrivée au pouvoir, Bolsonaro a fait marche arrière après avoir trouvé un terrain d’entente avec le gouvernement de droite de l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
La carrière politique de Bolsonaro a été définie par un certain nombre de positions pro-israéliennes et il entretient des liens étroits avec des responsables israéliens.
Son lien avec Israël découle en partie du soutien important qu’il reçoit du mouvement évangélique brésilien, et sa cérémonie de baptême, qui s’est déroulée dans le Jourdain en Israël, a contribué à le cimenter parmi cette base.
Après son arrivée au pouvoir en 2019, Bolsanaro a déclaré qu’il avait l’intention de déplacer l’ambassade du pays à Jérusalem et de reconnaître la revendication d’Israël sur la ville. Et s’il a ensuite fait marche arrière sur le déplacement de l’ambassade, il a ouvert une mission commerciale à Jérusalem, ce qui a suscité la colère de nombreux Palestiniens.
Lors d’une visite en Israël, Netanyahu a qualifié Bolsonaro de "bon ami".
Son gouvernement a également déclaré son opposition à une enquête de la Cour pénale internationale (CPI) sur les éventuels crimes de guerre commis par Israël contre les Palestiniens, et s’est opposé à plusieurs résolutions du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies critiquant Israël.
Les positions pro-palestiniennes de Lula
M. Da Silva, communément appelé "Lula" au Brésil, a déjà pris des mesures pour reconnaître la Palestine, en reconnaissant en 2010 l’État de Palestine dans les frontières de 1967.
L’année suivante, il a effectué le tout premier voyage d’un chef d’État brésilien en exercice ou ancien dans les territoires palestiniens occupés. Il a également réservé un terrain près du palais présidentiel brésilien pour la future ambassade de Palestine.
Lors de l’offensive israélienne sur la bande de Gaza en 2014, au cours de laquelle plus de 2 200 Palestiniens ont été tués, le gouvernement de Da Silva a rappelé son ambassadeur d’Israël et a condamné "l’usage disproportionné de la force par Israël, dont ont résulté un grand nombre de victimes civiles, y compris des femmes et des enfants".
Plus tôt cette année, il a rencontré des membres de la communauté palestinienne au Brésil, vêtu d’un keffieh - un morceau de tissu à damier noir et blanc qui est devenu un symbole du nationalisme palestinien rendu célèbre dans les années 1960 par le défunt leader palestinien Yasser Arafat.
Au cours de la rencontre, il a souligné que le peuple palestinien a le droit de vivre dans un "État libre et souverain", ajoutant qu’il s’efforcerait de rétablir le rôle prépondérant de la politique étrangère brésilienne dans la médiation des conflits et le droit des peuples à se défendre.
Les sondages les plus récents réalisés par Datafolha, une société de recherche basée à Sao Paolo, montrent que da Silva devance Bolsonaro d’environ 15 points.
Il a conservé un avantage constant dans les sondages, et son avance s’est accrue au cours de la semaine dernière. Pour gagner au premier tour, il devrait obtenir plus de 50 % des voix dimanche. Dans le cas contraire, un second tour aura lieu le 30 octobre.
La victoire de l’homme politique de gauche constituerait un tournant pour le Brésil après quatre années de leadership autoritaire de Bolsonaro.
Une victoire de da Silva pourrait également signifier un retour à une position antérieure à Bolsonaro sur Israël et la Palestine. Cependant, le président de droite a déjà menacé de ne pas reconnaître les résultats des élections, affirmant que s’il ne gagne pas, ce sera à cause de la fraude électorale.
Traduction et mise en page : AFPS / DD