D’un côté, on nous rétorque que la France retire de cette discrète collaboration une plus grande capacité d’expertise, ce qui est vrai. De l’autre, on nous dit que les drones, c’est fait pour prendre des photos aériennes, ce qui est aussi vrai. Mais on nous ment gravement par omission en ne nous disant pas que ces drones sont aussi dotés de missiles destinés, entre autres, à faire la guerre aux Palestiniens - ou susceptibles de tuer des soldats français en Côte d’Ivoire (voir encadré).
Or des informations précises commencent, ici et là, à être publiées.
Nous disposons d’abord d’un témoignage d’un habitant de Jénine rapporté par Al Jazira, le 10 octobre 2004 :
« J’ai vu un petit avion et donc une lueur puis j’ai entendu une énorme explosion et une auto a pris feu. » Ce qui signifie, selon le journaliste, que les forces armées israéliennes utilisent des drones non seulement pour acquérir des images mais aussi pour frapper des objectifs humains, en clair pour des exécutions ciblées, avec les missiles dont ils sont équipés.
En réalité, la chose ne doit pas surprendre. Le Pentagone et la CIA utilisent depuis environ trois ans des drones armés, appelés « Prédateurs » qui, contrôlés à distance par un pilote et trois spécialistes des détecteurs, peuvent voler pendant 40 heures jusqu’à 750 kilomètres de distance en scrutant le terrain avec une caméra de jour, une autre à rayons infrarouges de nuit et un radar pour voir à travers les nuages. Une fois l’objectif fixé, le « Prédateur » le frappe avec deux missiles guidés par laser.
A Jénine, une voiture dans laquelle voyageaient « trois terroristes palestiniens suspects » a été littéralement désintégrée, non pas par un « Prédateur » mais par un « Chasseur », un autre type de drone développé conjointement par l’entreprise américaine Northrop Grumman et par les industries aéronautiques israéliennes (IAI). Selon la Northrop Grumman, ce drone armé de munitions antichar « a démontré sa capacité meurtrière contre des objectifs en mouvement . »
En Irak, le « Chasseur » a effectué en une année environ 600 « missions de combat ». En outre, pour des missions particulières, ce drone est armé de missiles ailés complètement silencieux, qui n’utilisent pas un système à propulsion mais se dirigent en planant sur les objectifs. Donc leur présence ne se révèle que lorsqu’ils explosent.
C’est ce que confirment les témoignages d’habitants de Gaza rapportés par le Washington Post du 8 octobre 2004.
« Quand l’avion piloté à distance lance un missile », raconte Khaled Abou Habel, « il n’y a pas de bruit, il n’y a pas de lumière, seulement un léger sifflement. Une seconde après, il frappe. » Un de ces missiles a tué deux de ses cousins, membres présumés du Hamas. Au-dessus du camp de Jabalya, où vivent environ 100 000 Palestiniens, raconte encore l’envoyé du Washington Post, voltigent de jour et de nuit des drones blancs brillants. Quand le ronflement de leur moteur devient plus fort, les habitants regardent vers le ciel en suivant le vol. « Nous avons peur quand nous sortons, nous avons peur quand nous sommes à la maison », raconte Khaled Kahlot, père de six enfants. A des kilomètres de distance, assis à une console, l’opérateur guide le drone avec un écran et une manette. Il suffit qu’il appuie sur un bouton et le missile se dirige vers l’objectif. Celui qui voit ou sent les drones voltiger au-dessus de sa propre tête vit dans la terreur d’être à tout moment frappé.
Ceci n’est pourtant pas considéré comme du terrorisme mais comme une légitime action militaire dans la « guerre globale contre le terrorisme ».
Bernard Ravenel