Le Centre juridique pour les droits des minorités arabes en Israël, a publié un document de position sur les implications juridiques des principes directeurs et des accords de coalition du 37ème gouvernement israélien, qui a prêté serment le 29 décembre 2022. La prise de position analyse la politique et les engagements idéologiques pris par le nouveau gouvernement, dirigé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui approfondissent et étendent le régime de discrimination systématique, de ségrégation et de répression contre les Palestiniens dans toutes les zones sous contrôle israélien. Dans ses conclusions, Adalah énumère les violations des interdictions absolues inscrites dans le droit international concernant les politiques gouvernementales énoncées, notamment la Convention contre le crime d’apartheid et le Statut de Rome régissant la Cour pénale internationale.
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Les principaux points de l’analyse du nouveau gouvernement par Adalah sont les suivants :
La suprématie juive et la ségrégation raciale comme principes directeurs : dans la première section des lignes directrices de base du gouvernement, il est établi que "le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur toutes les parties de la Terre d’Israël". Cette exclusivité est le principe directeur sur lequel reposent toutes les politiques du nouveau gouvernement : refuser au peuple palestinien le droit à l’autodétermination et institutionnaliser davantage un régime raciste de suprématie et de ségrégation dans toutes les zones sous le contrôle d’Israël. Cette déclaration va encore plus loin que les principes inscrits dans la loi de 2018 sur l’État national juif (JNSL), qu’Adalah avait contestée au moment de sa promulgation - et plus tard dans la pétition qu’elle a soumise à la Cour suprême, au nom du Haut Comité de suivi et des dirigeants arabes en Israël - est de nature coloniale et présente des caractéristiques claires d’apartheid.
Système de gouvernance à deux niveaux pour les Palestiniens dans toutes les zones sous le contrôle d’Israël : les politiques du nouveau gouvernement concernant l’administration et le contrôle de la Cisjordanie permettent - et encouragent - l’augmentation des colonies juives illégales dans le TPO, la légalisation rétroactive des colonies illégales existantes, et le transfert du contrôle militaire au contrôle civil des colons juifs israéliens occupant illégalement des terres palestiniennes - ce qui équivaut à une annexion de facto de la Cisjordanie, associée à l’intention expresse d’annexer officiellement la Cisjordanie à l’avenir. Le nouveau gouvernement a proposé d’autres politiques présentant des caractéristiques distinctes de l’apartheid au-delà de l’administration et du contrôle de la Cisjordanie : la création d’une unité spéciale de l’agence de sécurité Shin Bet (GSS ou "Shabak") qui opérera dans les villes et les quartiers palestiniens ; la nomination d’Itamar Ben-Gvir - le leader ultranationaliste du Parti du Pouvoir juif - au poste de ministre de la Sécurité nationale, avec un contrôle total et direct sur les autorités chargées de l’application de la loi ; et un engagement à accorder, par le biais de la législation, une impunité totale aux officiers de police et aux soldats qui tuent des Palestiniens, légalisant ainsi un système d’exécutions extrajudiciaire
L’approfondissement d’une politique de judaïsation et de discrimination raciale : la judaïsation et l’expropriation des terres palestiniennes sont des objectifs centraux de ce gouvernement. Il a clairement indiqué son intention d’utiliser les changements structurels dans l’administration et l’attribution des terres, ainsi qu’une série d’initiatives législatives racistes, pour perpétuer et approfondir la réalité de la ségrégation raciale. Ce gouvernement s’est en outre engagé à développer des systèmes économiques distincts afin de garantir que les Palestiniens et les Israéliens juifs ne vivront pas seulement séparément, mais aussi dans une inégalité totale, par le biais d’une discrimination extrême permanente dans tous les domaines de la vie.
Criminalisation de l’expression et de l’identité palestiniennes : le gouvernement renforce les interdictions féroces de la vie publique, de la participation politique et de l’expression de l’identité et de l’autodétermination palestiniennes par des actions qui incluent l’interdiction de brandir le drapeau palestinien, des définitions et des applications larges et abstraites des lois et des désignations du "terrorisme", et des restrictions de la capacité de protester. Ces interdictions prennent également la forme de peines plus lourdes pour des crimes particuliers, comme les condamnations à mort visant exclusivement les Palestiniens, la criminalisation de la dissidence politique légitime et les peines minimales. Ces mesures s’accompagnent d’une législation qui garantira l’impunité totale des forces de sécurité israéliennes qui tuent ou blessent des Palestiniens, et de l’intégration officielle de civils juifs armés dans les forces de police qui leur assuraient jusqu’à présent une protection totale.
Conclusions
Les politiques mises en avant par le nouveau gouvernement israélien - dans ses accords de coalition et ses principes directeurs - amplifient les violations continues du droit international par Israël, notamment la Convention internationale sur l’élimination et la répression du crime d’apartheid et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, et constituent des crimes au regard de la Convention sur l’apartheid et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.
Les documents fondateurs du gouvernement démontrent également l’intention criminelle claire des membres de la coalition de commettre des crimes au titre du Statut de Rome, notamment des crimes contre l’humanité (à savoir le crime d’apartheid) et des crimes de guerre.
À la lumière des violations flagrantes du droit international détaillées dans l’exposé de position, Adalah appelle à une intervention urgente des organes internationaux, notamment de la Cour pénale internationale et de la Cour internationale de justice.
Adalah exhorte également la communauté internationale à prendre des mesures immédiates pour reconstituer le Comité spécial des Nations unies contre l’apartheid, qui a été initialement créé pour examiner et rendre compte des politiques de l’Afrique du Sud de l’apartheid, mais qui a été dissous depuis 1994.
Traduction : C. L. et R. P. pour AFPS