Un mouvement hétérogène
Parmi les colons religieux, deux mouvements sont à distinguer : les nationalistes-religieux et
les ultra-orthodoxes.
Le courant nationaliste-religieux : radicalisation et
division
A ses débuts menée par les Israéliens laïques, la colonisation est depuis les années 80 le fait
des colons nationalistes-religieux, partisans de l’établissement de colonies en Judée-Samarie
biblique (Cisjordanie actuelle). Fidèles à l’Etat d’Israël, effectuant leur service militaire, ils
commencent à s’organiser dès 1974 en créant Gush Emunim (le Bloc de la foi) dont le slogan
était « la terre d’Israël, pour le peuple d’Israël, selon la Torah d’Israël ». Ils n’ont cessé de gagner de l’importance depuis, avec
le soutien des gouvernements israéliens successifs. La signature des Accords d’Oslo va toutefois provoquer leur première
cassure avec l’Etat laïque. Cette opposition est concrétisée par l’assassinat d’Yitzhak Rabin par un militant d’extrême
droite en 1992 et le meurtre de 29 Palestiniens par Baruch Goldstein (membre de la Ligue de Défense Juive) à Hébron en
1994. Le désengagement israélien de la bande de Gaza va encore accroître cette coupure avec l’Etat israélien et provoquer
une scission entre ceux qui restent fidèles à l’Etat israélien et ceux qui placent la colonisation au dessus des institutions
étatiques.
Les colons nationalistes-religieux sont à l’origine des « avant-postes » en Cisjordanie, colonies non officielles et non reconnues
par le gouvernement israélien mais établies avec sa bienveillance. En majorité situés du côté Est du Mur, tous les
avant-postes construits avant 2001 auraient dus être démantelés selon la feuille de route, seuls quelques-uns l’ont été. Ils
sont devenus un véritable enjeu entre les colons et le pouvoir israélien et sont l’objet d’une récente radicalisation qu’incarne
la pratique du « prix à payer » (price tag) mise en place depuis un an par les plus radicaux des colons. Cette pratique
consiste à « faire payer » par la violence aux villages palestiniens le démantèlement d’un avant-poste par l’armée israélienne.
Cette radicalisation a provoqué la démission de Pinhas Wallerstein, secrétaire général de Yesha, l’organe représentatif
des colons israéliens de Cisjordanie.
Le courant ultra-orthodoxe : politisation récente
La majorité des colons est constituée des ultra-orthodoxes. Exemptés de servir dans l’armée, ils se différencient du courant
nationaliste-religieux par un plus grand éloignement de l’Etat d’Israël pour des raisons religieuses. Leur présence dans
les colonies est davantage motivée par des raisons sociales et financières plutôt que politiques, principalement à partir des
années 90, époque où Benjamin Netanyahou accepte de soutenir financièrement leur installation dans les colonies. Depuis
cette époque, la croissance de ces colonies a été exponentielle. Ainsi, la colonie de Beitar Illit est par exemple passée en
une décennie de 35 000 à 100 000 colons ultra-orthodoxes tout comme celle de Modiin Illit, dont un des habitants déclarait
: « nous ne sommes pas ici pour des questions idéologiques, nous sommes là car le gouvernement nous y a envoyés ». 90% des colons
ultra-orthodoxes vivent dans les blocs de colonies entourés par le Mur, en territoire palestinien. Le lien avec le courant
nationaliste-religieux est toutefois de plus en plus fort, notamment suite à la remise en question de la « croissance naturelle
» et aux confrontations avec la population palestinienne vivant autour de leurs colonies.
Les lebviers d’action des colons
La vie politique
La victoire du Likoud en février 2009 a renforcé l’influence
du courant nationaliste-religieux sur la scène politique israélienne.
26 des 65 députés appartenant à la coalition gouvernementale
menée par le Likoud sont issus de la droite religieuse.
Plusieurs postes clefs du gouvernement sont tenus
par des nationalistes-religieux dont celui du Ministre de la
Justice. Ce mouvement correspond à la volonté des dirigeants
nationalistes-religieux d’exercer désormais leur influence
au sein des partis dominants.
L’armée
Autrefois composée de recrues issues des milieux laïques
des Kibboutz, l’armée israélienne est de plus en plus marquée
par les idées du courant nationaliste-religieux. 30% des
officiers de l’armée appartiendraient à ce mouvement. Les
soldats d’un bataillon de l’armée israélienne ont déployé en
octobre 2009 une banderole, à propos d’un avant-poste en
Cisjordanie, qui indiquait : “le bataillon Shimshon n’évacuera pas
Homesh”. Si ce type de manifestation a créé un important
débat en Israël, la question de la fidélité de l’armée in fine
quant à une éventuelle évacuation des colonies de Cisjordanie
ne semble pas encore posée.
Le système éducatif
Les nationalistes-religieux et les ultra-orthodoxes sont largement
présents dans le système éducatif israélien. Ils font
fonctionner un système éducatif séparé de l’éducation publique,
mais financé par des fonds publics. En 2025, 22%
des élèves israéliens seront scolarisés dans leurs écoles.
Les modes d’action des colons
Le mouvement nationaliste-religieux considère la population
palestinienne comme un obstacle à l’appropriation de
la terre de la Judée et Samarie biblique (Cisjordanie
actuelle). Certains dirigeants prônent le recours à la violence,
d’autres à une politique de harcèlement envers les
Palestiniens tels que le déracinement des oliviers, les incendie
des champs...plus particulièrement pendant la saison de
la récolte des olives. Dans certains cas, cette violence est
dirigée contre les autorités israéliennes. A chaque tentative
d’évacuation (d’un avant-poste ou d’une maison palestinienne
occupée par des colons, comme à Hébron), un fort
mouvement de résistance de jeunes colons s’organise. Les
confrontations sont à chaque fois plus violentes. Depuis un
an, le moyen de pression des colons est aussi appelé la pratique
du « prix à payer » (cf. supra).
En dépit de ces tensions, la collaboration reste forte entre
nationalistes-religieux et armée israélienne, notamment à
Naplouse et surtout à Hébron où 1 500 soldats encadrent
600 colons, parmi les plus déterminés de Cisjordanie.
La (non) réponse des autorités israéliennes
Jusqu’à présent, le gouvernement israélien n’a pris aucune
action majeure pour mettre un terme aux actions des colons.
Seuls de forts moments de tension très localisés ont
entraîné une réaction ponctuelle du gouvernement qui
continue au contraire de soutenir le système de la colonisation
en place. En mars 2009, l’association israélienne Peace
Now a annoncé que le gouvernement israélien allait doubler
le nombre de colons. L’Etat encourage l’installation dans
les colonies par des aides au logement, des prêts à taux préférentiel
et des réductions d’impôt. Peu de temps après l’annonce
du gel de la colonisation par Benjamin Netanyahou,
le gouvernement israélien a pris la décision de classer 90
colonies parmi les zones d’investissement prioritaire qui
devraient recevoir un soutien financier de l’Etat en matière
de logement, d’éducation, d’équipement et d’emploi.