Parmi les 12 camps existant aujourd’hui, ceux que nous avons visités au cours des différents séjours ressemblent à la plupart de ces ceintures de misère qui entourent les grandes villes du sud de la planète et constituent des réservoirs de main-d’œuvre journalière et à bon marché. Mais en plus de la misère, les réfugiés palestiniens qui vivent dans ces camps sont politiquement exclus et ils sont depuis 56 ans dans l’attente de leur retour dans un pays où ils puissent disposer de tous les droits civiques et humains. Nous avons pu constater par nous-mêmes que la situation économique et sociale de ces camps malgré les efforts de la population et des associations qui lui apportent leur soutien n’avait pas cessé de se dégrader. Les causes de cette dégradation sont bien connues et ont été dénoncées notamment par Salah Salah dans un numéro de la Revue d’Etudes Palestiniennes (n°23 - printemps 2000.
1. L’arrêt des services et de l’aide de l’OLP depuis les accords d’Oslo en 1993. Jusqu’à cette date, l’OLP avait pris en charge la presque totalité des besoins quotidiens des camps. Depuis 1993, cette aide se réduit presque exclusivement au versement des modestes pensions attribuées aux familles des martyrs.
2. La guerre du Golfe de 1991. Les milliers de Palestiniens travaillant dans les pays producteurs de pétrole, dont beaucoup provenaient du Liban, ont perdu leur emploi et ont été contraints de quitter ces pays. Ce fut pour les familles restées au Liban un manque à gagner très important. En outre, l’aide financière versée à l’OLP par les pays arabes a été fortement réduite en raison du soutien de l’OLP à l’Irak, lors de cette guerre.
3. Les lois et réglementations libanaises concernant les activités et les déplacements des Palestiniens :
Impossibilité d’obtenir un permis de travail pour 72 métiers,
Interdiction d’introduire dans les camps tout matériau pouvant servir à la construction,
Interdiction à tout réfugié palestinien porteur d’un titre de voyage libanais de quitter le territoire libanais ou d’y revenir sans l’obtention d’un visa dont la délivrance est provisoire (6 mois).
4. Diminution graduelle des services assurés par l’UNRWA Ceux-ci, dans les différents domaines pour lesquels elle a reçu mandat de l’ONU en 1949 (aide alimentaire, infrastructures des camps, santé, éducation) se sont réduits alors même que leur développement n’avait jamais été aussi nécessaire. Cette situation tient surtout à la réduction importante du budget global de cet organisme. Ainsi le rapport de l’UNRWA pour l’ensemble des réfugiés palestiniens au Moyen Orient portant sur la période du 1er juillet 1998 au 30 juin 1999 faisait apparaître une diminution de 15 % du budget global de l’agence par rapport à la période précédente (309 millions de dollars contre 354). La contribution de la plupart des Etats ainsi que celle de l’Union européenne a très nettement diminué pendant la même période. Aujourd’hui les réfugiés craignent que l’UNRWA ne soit en train de liquider graduellement ses activités. Cela signifierait que l’ONU a opté pour l’implantation définitive des réfugiés palestiniens dans les pays d’accueil, et ce en contradiction avec les résolutions 194 et 302 de l’ONU. De leur côté, les autorités libanaises, notamment pour éviter que ne soit remis en cause l’équilibre fragile entre les communautés, évitent par tous les moyens l’intégration des réfugiés. Les Palestiniens, ils nous l’ont répété, refusent n’importe quelles solutions de remplacement, surtout si celles-ci les conduisent à leur anéantissement politique, social et culturel. Ils exigent, pendant la période transitoire, et tant que le droit intangible au retour ne sera pas appliqué, de pouvoir vivre là où ils sont avec une totale dignité. Il est de la responsabilité de l’ensemble de la communauté internationale et de l’Union Européenne de donner à l’UNRWA tous les moyens permettant la réalisation des droits humains fondamentaux (droits économiques et sociaux, droits à l’éducation, à la santé...) tout en continuant d’exiger l’application des résolutions votées par l’ONU concernant le droit au retour des réfugiés.
Francis GRAS ( Président de AFRAN-SAUREL, membre du BN de l’AFPS)