À Jénine, un siège de 10 jours
Le 28 août au matin débute l’invasion du camp et de la ville de Jénine. Les forces d’occupation ne se retireront que le 6 septembre après avoir tué 22 personnes, fait de nombreuses arrestations, laissant un paysage de routes défoncées et de maisons criblées de balles et une cinquantaine de magasins détruits.
L’incursion se déroule selon un scénario similaire à celui de Gaza. Dans un premier temps les bulldozers blindés défoncent les rues principales sous prétexte d’éliminer des mines ; en réalité, il s’agit d’empêcher les habitants de sortir et les ambulances d’accéder aux blessés.
L’armée demande par haut-parleur aux habitants de quitter le camp, puis interviennent les hélicoptères et les drones qui tirent des missiles, enfin les soldats lourdement armés entrent avec des véhicules blindés.
Rendre la vie impossible
Durant ces longues journées, les habitants du camp sont cloîtrés chez eux : des snipers guettent, installés sur les toits. L’école de l’UNRWA est fermée et la rentrée scolaire a dû être repoussée. Comme les réseaux sont détruits, il n’y a plus d’eau ni d’électricité : l’hôpital gouvernemental est également fermé et les blessés et malades doivent aller ailleurs. C’est le cas de Bassem, en fauteuil roulant qui doit subir une dialyse deux fois par semaine : il faut l’accord de l’armée pour trouver une voiture jusqu’à la sortie de la ville (les ambulances n’ont pas accès) et ensuite payer un deuxième transport privé jusqu’à Naplouse. H. Jabareen, un homme âgé, sans nourriture pendant plusieurs jours, affaibli et anxieux meurt d’une crise cardiaque. Tel autre qui tente de rendre visite à son frère est accueilli par les soldats qui le tabassent. En effet les soldats ont investi des maisons, pillant et vandalisant comme c’est le cas pour la deuxième fois du Centre des femmes : trous dans les murs extérieurs, portes défoncées et mobilier saccagé… « Pourquoi le Centre des femmes ? » s’interroge Najet, « quelle menace représente-t-il ? »*
En ciblant la population et rendant le camp invivable, l’occupant veut faire fuir les habitants, mais pour aller où ? « Nous ne partirons pas, nous savons que cela serait sans retour, nous avons l’exemple de nos parents, nous préférons mourir sur notre terre pour ne pas répéter la Nakba », Najet traduit ainsi le sentiment de beaucoup de réfugiés de Jénine.
Un peuple sans protection
L’UNRWA ne peut rien faire et le Comité populaire n’a pas les moyens tandis que les policiers de l’Autorité palestinienne se sont retirés.
« C’est cruel de voir que les pays occidentaux ou les pays arabes ne font rien et que la police palestinienne s’enferme dans sa caserne pendant l’attaque ; nous sommes livrés à nous-mêmes. Seuls, les jeunes du camp et des villages environnants courageusement nous défendent » déclare Najet. [1]
La mémoire des massacres de 2002
En avril 2002, Israël avait assiégé le camp pendant plus d’un mois. Cinquante-deux Palestiniens et vingt-trois soldats israéliens avaient été tués dans ces combats, laissant au moins quatre cents maisons détruites, et plus d’un quart de la population sans abri.
Pourtant l’attaque de 2024 est perçue par la population comme pire encore que celle de 2002, car annonciatrice d’autres agressions à venir à en croire Yoav Gallant, ministre israélien de la défense : « En réalité, lorsque nous tondons l’herbe, le moment viendra où nous devrons ôter les racines, et cela doit être fait ». Les habitants de Jénine s’y préparent et les jeunes ont conscience de s’inscrire dans une longue tradition de résistance à l’occupation : ils estiment n’avoir d’autre choix que de protéger le camp.
La résistance sous toutes ses formes
Dès que les soldats se sont retirés et que cette offensive appelée cyniquement « camp d’été », a pris fin, on s’organise : les services techniques de la ville sont mobilisés avec des engins, aidés des paysans des villages voisins avec leurs tracteurs. On comble les plus gros trous pour rétablir des passages au moins pour les piétons. Les écoles sont rouvertes et les enseignants à leur poste. La « Maison chaleureuse » avec sa trentaine d’enfants en difficulté reprend ses activités et les animatrices sont fières de nous montrer des vidéos des enfants dansant et chantant : « c’est important de ne pas laisser ces enfants à leurs angoisses, ils ont droit de vivre et c’est notre avenir ! »
Le groupe de travail AFPS sur les réfugiés