Le Département d’Etat des USA devrait annoncer des projets visant à mettre en place un nouveau processus gouvernemental qui classerait certaines associations, parmi lesquelles des ONG et des organisations des droits humains, comme antisémites.
Le Secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, a selon certaines sources décidé de mettre en place le mécanisme et devrait bientôt en faire l’annonce, mais trois personnes qui connaissent le dossier ont dit à Politico qu’il pourrait encore changer d’avis et attendre pour rendre publics de tels projets.
A ce jour, il n’est pas clair de savoir quelles associations seraient classées comme antisémites, mais Politico a rapporté que Pompeo s’était demandé pendant des mois si l’on devait cataloguer Amnesty International, Human Rights Watch (HRW) et Oxfam selon le processus proposé, à la suite de leur critique des violations des droits humains par le gouvernement israélien.
S’il éait mis en place, les associations désignées comme antisémites perdraient tout soutien du gouvernement des USA - financier ou autre - et le Département d’Etat pourrait presser d’autres gouvernements de suivre le même chemin.
Jusqu’ici, la proposition à venir a suscité « une forte opposition interne » au sein du Département d’Etat, ainsi qu’une condamnation de la part des législateurs.
Au moment de la publication de cet article, le Département d’Etat n’a pas répondu à la demande de commentaire de Middle East Eye.
« Ces associations défendent les droits humains »
Si le Département d’Etat donne suite à la mise en place du mécanisme, celui-ci pourrait très bien être mis au rebut une fois que le Président élu, Joe Biden, entrera en fonction en janvier.
Quand il en a été fait état pour la première fois en octobre, Jamie Raskin, membre Démocrate du Congrès, a mis en garde contre l’idée, la qualifiant de « dangereuse ».
« Ces associations défendent les droits humain, la liberté et la tolérance pour tous », a déclaré alors Raskin sur Twitter.
Ceux qui s’opposent au projet ont averti qu’un tel processus pourrait avoir des effets dissuasifs quant à la liberté d’expression et pourrait ouvrir la porte à des contentieux.
Il y a aussi des inquiétudes sur le fait qu’une telle mesure pourrait encourager des dictateurs et d’autres dirigeants dans le monde à réprimer, ente autres, les organisations des droits humains.
L’Egypte a déjà adopté plusieurs lois qui entravent les organisations des droits de l’homme, dont HRW et Amnesty International et a emprisonné et expulsé des défenseurs des droits. Les gouvernements du Venezuela et de l’ Iran ont aussi expulsé des personnels de HRW, parmi d’autres défenseurs de la société citoyenne.
L’année dernière, Israël a expulsé le Directeur de HRW sur Israël et la Palestine, Omar Shakir, en raison de son travail, et en octobre il a cessé d’accorder des visas aux employés de l’organisme des Nations Unies chargé des droits humains, en forçant dans les faits le personnel de haut niveau de l’organisme à partir.
Définir l’antisémitisme pour cibler le BDS
S’il est mis en oeuvre, le processus proposé par les USA de classer comme antisémites les associations défendant les droits s’appuierait probablement sur la définition controversée instaurée par l’Alliance Internationale pour le Souvenir de l’Holocauste (AISH /IHRA), qui, dans le passé, a été critiquée comme étant une définition trop large qui assimile la critique d’Israël à l’antisémitisme. .
Les défenseurs des droits des Palestiniens, en particulier, ont longtemps rejeté la définition de l’IHRA, affirmant qu’elle serait utilisée pour censurer les discours critiquant la politique d’Israël.
Selon certaines interprétations de la définition de l’IHRA, des groupes devraient être déclarés antisémites s’ils soutiennent le mouvement de Boycott, Désinvestissement et Sanctions, qui exhorte les individus, les entreprises et les pays à tenir Israël pour responsable de ses violations des droits de l’homme.
Alors que le mouvement BDS a connu une popularité croissante parmi les étudiants et est soutenu par le mouvement Black Lives Matter, parmi d’autres associations défendant la justice sociale, certains États ont déjà adopté des lois anti-BDS qui utilisent la définition de l’IHRA pour définir un tel discours comme discriminatoire.
L’année dernière, le président américain Donald Trump a signé un décret adoptant la définition de l’IHRA dans le cadre d’une extension des lois anti-discriminatoires actuelles sur les droits civils au sein du ministère de l’éducation, pour couvrir le judaïsme, déclarant sans ambiguïté que le décret visait le mouvement BDS.
À l’époque, les dirigeants israéliens ont salué cette mesure, qui était largement considérée comme une autre faveur accordée à l’allié de l’Amérique.
Traduit de l’anglais par Yves Jardin, membre du GT prisonniers de l’AFPS