Histoire de la colonisation israélienne des territoires occupés entre 1967 et 2007
Auteurs : Idith Zertal, Akiva Eldar
traduit de l’anglais par Charlotte Nordmann
Éditions du Seuil. Date de parution 12/09/2013
496 pages - 25.00 € TTC
L’historienne Idith Zertal, et Akiva Eldar, journaliste à Haaretz, sont les auteurs de ce livre terrible, documenté, précis, formidable, à la hauteur de l’effroi qu’inspire le processus colonial israélien. Leur réussite tient pour une bonne part à une documentation de première main faite de dizaines d’entretiens, de rapports officiels, de documents confidentiels et de travaux de spécialistes.
Le titre résume le propos, où l’on voit des hommes de foi avoir aujourd’hui sur le sol les prétentions de seigneurs d’un autre âge. C’est l’histoire, suivie presque au jour le jour, d’un fanatisme sans bornes, avide de prendre la terre à ceux qui y vivent, qui se croit même autorisé, afin de construire les lieux de mémoire qui lui manquent, à détruire du passé toute trace qui ne serait pas juive.
Le livre contient deux parties, divisées en chapitres aux titres souvent éloquents : "Aveuglement. Mauvaise foi. Du feu sur les collines. Les soldats du Messie. La mort est une fête, L’appel de la tombe. Du bon usage des cadavres. La marche de l’Apocalypse". L’ensemble a le goût d’une mauvaise tragédie.
Le premier chapitre, "Quarante-cinq ans de guerre", décrit la manière dont les premiers dirigeants israéliens réagirent aux exigences des colons extrémistes. De gauche ou de droite, balançant entre aveuglement, mauvaise foi et folie exterminatrice, tous ont volontairement participé à l’entreprise coloniale.
Le second chapitre, "De la rédemption à la destruction", montre ce dont sont capables les hommes quand ils sont mus par l’idéologie la plus extrémiste, comme celle des colons du groupe Goush Emounim. Cette partie est la plus stupéfiante. On y voit les colons "cultiver" la mort aux fins d’en faire un outil politique. Dans ce jeu la complicité est totale entre les colons et les instances supérieures des forces de sécurité et de l’armée.
Sentiments d’humanité et respect du prochain sont des catégories sans signification. Qui de Dieu a reçu la terre ne fait qu’obéir à Dieu quand pour s’y installer il tue ou martyrise. Aucun gouvernement ne s’est jamais interposé. L’auraient-ils tenté qu’ils en auraient été empêchés, le cœur de l’appareil d’état étant depuis toujours détenu par le groupe des colons les plus durs.
Le dernier chapitre, consacré à la dimension juridique du projet de colonisation, montre que l’entreprise coloniale s’appuie sur le droit, un droit assez pervers pour donner aux colons tous les droits, dont celui de tuer. Les tribunaux sont tout exprès constitués pour blanchir les coupables. Certains juges bien sûr ne s’y laissent pas prendre. Ils sont impuissants.
Et pourtant ce livre hallucinant s’achève sur une note d’espoir. Il faut bien que la folie des hommes finisse par s’arrêter.