Photo : Maghazi, Bande de Gaza, 30 mars 2014, des Palestiniens commémorent la journée de la Terre © Joe Catron
Chaque année, le 30 mars, les Palestiniens commémorent la Journée de la terre, puissant symbole de la résistance contre la confiscation des terres, les déplacements forcés et l’effacement. Cette journée commémore l’assassinat de six citoyens palestiniens d’Israël non armés par les forces israéliennes en 1976, lors de manifestations contre un plan gouvernemental d’expropriation de vastes étendues de terres appartenant à des Arabes en Galilée.
La Journée de la terre est née en réponse à la décision du gouvernement israélien, en 1976, de saisir environ 20 000 dounams de terres (approximativement 20 kilomètres carrés) entre les villes de Sakhnin et d’Arraba, dans le nord de la Galilée.
Une grande partie de ces terres appartenait à des citoyens palestiniens d’Israël, mais la confiscation a été présentée par l’État comme étant « destinée à l’usage public ».
En réalité, cette mesure s’inscrivait dans une stratégie plus large connue sous le nom de judaïsation de la Galilée, une campagne démographique visant à accroître la population juive dans les régions à majorité palestinienne.
Cette politique a provoqué des protestations massives et une grève générale dans les villes arabes d’Israël, marquant la première fois que des citoyens palestiniens d’Israël organisaient une action collective d’une telle ampleur.
Les protestations ont été accueillies par une force meurtrière. La police et l’armée israéliennes ont tué six manifestants non armés - dont trois femmes - et en ont blessé une centaine d’autres. Des centaines de personnes ont été arrêtées. Ces assassinats ont provoqué une onde de choc dans la société palestinienne et sont restés dans les mémoires comme un tournant dans la conscience politique palestinienne à l’intérieur d’Israël.
L’ombre de la guerre
Près de cinq décennies plus tard, la Journée de la terre résonne plus que jamais, en particulier à Gaza, où les Palestiniens célèbrent l’événement dans l’ombre d’une guerre dévastatrice qui est entrée dans sa deuxième année.
Alors que l’assaut israélien se poursuit et que les déplacements de population s’accentuent, la Journée de la terre de cette année évoque non seulement les vols de terres passés, mais aussi les tentatives incessantes de déraciner une fois de plus les Palestiniens de leurs terres.
« Ils veulent répéter la Nakba de 1948 et la Naksa de 1967 », a déclaré Mahmoud al-Khawaja, un agriculteur de Khan Younis qui n’a pas pu accéder à ses terres depuis des mois. « Mais nous n’avons nulle part où aller. C’est soit Gaza, soit nos maisons d’origine à l’intérieur de la Palestine ».
Samedi, le Hamas a réaffirmé son rejet de tout plan visant à déplacer, réinstaller ou créer une autre patrie pour les Palestiniens.
« Nous sommes profondément enracinés dans notre terre, et l’occupation n’a aucune souveraineté ni légitimité sur un seul centimètre carré de celle-ci, en particulier Jérusalem et la mosquée Al-Aqsa », a déclaré le groupe.
Le Hamas a également réaffirmé que le droit au retour des réfugiés dans leurs foyers et sur leurs terres est un droit indivisible et collectif qui ne peut être effacé par le temps.
Le mouvement a appelé le monde arabe et les partisans de la cause palestinienne à intensifier leurs efforts de solidarité avec les Palestiniens de Gaza et à faire pression pour mettre fin à l’agression israélienne contre l’enclave.
Journée de la terre dans le monde entier
Partout dans le monde, les Palestiniens et leurs sympathisants ont célébré la Journée de la terre par des manifestations et des rassemblements appelant à la fin de la guerre contre Gaza.
Samedi, des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes d’Allemagne, de Grande-Bretagne et de France, où les manifestants ont exprimé leur solidarité avec le peuple palestinien et exigé l’arrêt immédiat de l’offensive militaire israélienne.
À Dortmund, Bonn et Francfort, des groupes palestiniens, arabes et pro-palestiniens ont organisé des manifestations et des sit-in, mais les autorités seraient intervenues pour disperser certains rassemblements.
À Berlin, des manifestants menés par Jewish Voice, ainsi que des mouvements tels que Eyes on Palestine et Palestine Resists, se sont rassemblés sur la place de Potsdam.
Ils ont appelé le gouvernement allemand à cesser de fournir des armes à Israël et à prendre des mesures pour mettre fin à l’effusion de sang à Gaza, a rapporté Al Jazeera.
À Paris, le groupe Euro Palestine a organisé une marche silencieuse sous le slogan « La Palestine ne peut être ni prise ni vendue ». Le cortège s’est rendu de la gare de l’Est au Châtelet, les participants portant des cercueils symboliques représentant les enfants palestiniens tués pendant la guerre.
La résonance entre 1976 et 2025 n’a pas échappé aux Palestiniens, beaucoup d’entre eux affirmant que la logique historique du « besoin public » utilisée pour justifier la confiscation des terres en Galilée reflète les récits d’aujourd’hui, notamment les affirmations selon lesquelles Gaza est « inhabitable » et doit être vidée ou réinstallée ailleurs.
Les analystes palestiniens ont averti que ce langage est utilisé pour normaliser l’idée de transfert de population, plutôt que de reconstruire ou de restaurer ce que la guerre a détruit.
« La Journée de la terre nous rappelle que nous avons déjà été confrontés à ces plans », a déclaré Fatima al-Dayya, une habitante de la ville de Gaza. « Mais nous sommes toujours là et nous resterons. »
Traduction : AFPS