Washington, DC - Le gouvernement des États-Unis fait face à des appels de plus en plus nombreux de la part de groupes de pression, notamment des organisations juives américaines, pour imposer une interdiction de visa à un ministre israélien d’extrême droite qui a appelé à l’anéantissement d’un village palestinien.
Le département d’État américain a dénoncé mercredi les propos du ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, en les qualifiant de "répugnants" et de "dégoûtants", mais les défenseurs des droits de l’Homme ont déclaré que la condamnation verbale n’était pas suffisante.
The Jewish Telegraphic Agency a rapporté mercredi que M. Smotrich, un ultranationaliste qui supervise également l’administration civile en Cisjordanie occupée, doit s’exprimer lors d’une conférence à Washington DC, dans le courant du mois de mars.
"Je pense que le village de Huwara doit être éliminé. Je pense que l’État d’Israël devrait le faire" a déclaré M. Smotrich, cité par les médias israéliens, après que des colons israéliens ont saccagé la ville palestinienne et incendié des dizaines de maisons et de voitures.
Americans for Peace Now (APN), un groupe juif américain qui s’oppose à l’occupation, a déclaré que les propos de M. Smotrich constituaient un appel au crime de guerre et a exhorté le président Joe Biden à lui refuser l’entrée sur le territoire américain.
"Les États-Unis doivent être clairs. La seule chose qui doit être éliminée est son idéologie violente et haineuse. C’est inacceptable à l’étranger et c’est inacceptable ici" a déclaré APN dans une lettre adressée à M. Biden qu’il a demandé à ses sympathisants de signer.
"Aujourd’hui, M. Smotrich veut apporter sa haine sur le sol américain. Il a prévu de se rendre aux États-Unis dans le courant du mois. Nous sommes ici pour dire qu’il n’est pas le bienvenu".
Pour sa part, J Street, un groupe juif américain qui se décrit comme pro-israélien et pro-paix, a demandé aux responsables américains de mettre Smotrich à l’écart.
"Ils devraient faire comprendre que les commentaires et les actions de M. Smotrich sont extrêmement préjudiciables aux relations entre les États-Unis et Israël" a déclaré J Street dans un communiqué.
"En outre, l’administration devrait indiquer clairement que les commentaires promouvant de graves violations des droits de l’Homme, tels que ceux de Smotrich, constituent un motif de réexamen d’un visa d’entrée aux États-Unis. »
Interrogé sur les appels à refuser l’entrée à M. Smotrich, le porte-parole du département d’État, Ned Price, a déclaré aux journalistes jeudi : "Nous ne parlons pas des dossiers de visas individuels ni, de manière générale, de l’éligibilité d’un individu particulier à un visa américain. Néanmoins, nous continuerons à dire clairement que nous rejetons les commentaires du ministre, comme nous l’avons fait hier".
L’attaque des colons à Huwara a suscité l’indignation de la communauté internationale à l’égard du gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, de nombreux Palestiniens affirmant que les forces israéliennes ont assisté à la scène sans tenter d’y mettre un terme.
Israël, accusé d’imposer un système d’apartheid par les principales organisations de défense des droits de l’Homme telles qu’Amnesty International, reçoit au moins 3,8 milliards de dollars d’aide américaine par an.
Washington se montre de plus en plus critique à l’égard de la politique du gouvernement d’extrême droite de M. Netanyahu, notamment en ce qui concerne l’expansion des colonies israéliennes sur les terres palestiniennes occupées. Cependant, l’administration Biden réaffirme régulièrement son engagement "à toute épreuve" en faveur d’Israël, excluant toute mesure pratique pour contrer les politiques du gouvernement israélien.
Les défenseurs du progressisme et les législateurs ont déclaré que Washington devrait imposer des conditions à son aide à Israël, mais M. Biden a rejeté l’idée à plusieurs reprises.
T’ruah, un groupe de défense des droits qui représente des centaines de rabbins aux États-Unis, a demandé cette semaine à l’administration Biden de révoquer le visa de M. Smotrich et a exhorté les organisations juives américaines à refuser tout contact avec lui.
"Non seulement son commentaire ajoute à la douleur des familles et des membres de la communauté blessés par la violence à Huwara, mais il s’ajoute également à aux incitations croissantes des membres du nouveau gouvernement extrémiste d’extrême droite de Netanyahu" a déclaré le PDG de T’ruah, le rabbin Jill Jacobs, dans un communiqué.
Adalah Justice Project, un groupe de pression américain dirigé par des Palestiniens, a encouragé ses sympathisants à signer une lettre adressée au secrétaire d’État Antony Blinken, l’exhortant à interdire à M. Smotrich d’entrer dans le pays.
"Les États-Unis doivent interdire le voyage de l’Israélien Bezalel Smotrich aux États-Unis en mars 2023 en raison de ses déclarations qui appellent à la violence et aux atrocités contre le peuple palestinien" peut-on lire dans la lettre, qui décrit les commentaires du ministre israélien à l’encontre de Huwara comme un "appel au génocide".
Le sénateur démocrate Peter Welch a déclaré qu’il avait partagé une lettre avec M. Biden jeudi, exhortant le président américain à adopter une approche plus active pour promouvoir une solution à deux États au conflit israélo-palestinien.
"Nous avons le choix : assister passivement à l’abandon d’une approche fondée sur la coexistence de deux États ou faire de notre mieux pour la redynamiser par des efforts plus fermes afin de persuader le gouvernement Netanyahou d’arrêter l’expansion des colonies en Cisjordanie, de mettre fin à toutes les annexions de facto et de réaffirmer l’engagement d’Israël en faveur d’une solution viable fondée sur la coexistence de deux États", a écrit le sénateur.
"Tout espoir de paix et de prospérité dans la région dépend de la capacité des États-Unis à faire le bon choix, dès maintenant. »
Traduction : AFPS