Photo : Visite du vice-président Joe Biden en Israël Mars 2016 Rencontre avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu © Ambassade des Etats-Unis à Tel Aviv
C’est la troisième fois que Washington exerce son droit de veto au Conseil de sécurité au cours des quatre derniers mois afin de prolonger la campagne militaire d’Israël à Gaza, dont la Cour internationale de justice a estimé, dans un arrêt provisoire, qu’elle pouvait vraisemblablement constituer un génocide.
Ce tribunal des Nations unies, également connu sous le nom de Cour mondiale, tient actuellement des audiences orales sur les conséquences juridiques de l’occupation militaire prolongée de la Cisjordanie et de la bande de Gaza par Israël.
L’Assemblée générale des Nations unies a voté à deux reprises, à une large majorité, en faveur d’un cessez-le-feu à Gaza. Ces résolutions adoptées ne sont pas juridiquement contraignantes, mais elles témoignent du soutien mondial écrasant en faveur d’un cessez-le-feu et de l’isolement des États-Unis, qui sont largement considérés comme un partenaire à part entière de la mort et de la destruction à Gaza.
Bien qu’ils aient opposé leur veto au projet de résolution mardi, les États-Unis défendent leur propre initiative au Conseil de sécurité, qui lierait un cessez-le-feu temporaire à la libération des Israéliens et des ressortissants étrangers détenus à Gaza depuis le 7 octobre.
"Violence et instabilité"
Linda Thomas-Greenfield, l’ambassadrice américaine auprès de l’ONU, a affirmé qu’une résolution appelant à un cessez-le-feu immédiat "mettrait en péril des négociations sensibles", en référence aux négociations entre Israël, les États-Unis, le Qatar et l’Égypte visant à obtenir la libération des Israéliens et des ressortissants étrangers encore détenus dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre.
Selon Reuters, Washington "prévoit de laisser du temps aux négociations et ne se précipitera pas pour voter" sur son projet de résolution.
En attendant, le veto américain rend "la situation à Gaza encore plus dangereuse", a déclaré mardi l’ambassadeur de Chine, accusant Washington d’étouffer un consensus écrasant au Conseil de sécurité.
Plus les hostilités se prolongeront à Gaza, a prévenu le secrétaire général des Nations unies, plus le risque d’une guerre dans l’ensemble de la région augmentera.
"Les mauvaises décisions prises aujourd’hui auront un coût pour notre région et notre monde demain", a déclaré l’ambassadeur d’Algérie auprès des Nations unies après le vote de mardi.
"Et ce coût sera la violence et l’instabilité", a-t-il ajouté.
Le ministère palestinien de la santé à Gaza a fait état mardi de 29 195 morts depuis le 7 octobre - dont plus de 100 au cours des seules dernières 24 heures - et de plus de 67 000 blessés. Des milliers d’autres personnes sont portées disparues et on craint qu’elles ne soient mortes sous les décombres des bâtiments détruits.
Les Palestiniens de Gaza succombent également à la maladie et à la faim en raison du siège total imposé par Israël sur le territoire et de la destruction des infrastructures sanitaires et d’assainissement. Selon une étude récente, un enfant sur six âgé de moins de deux ans dans le nord de la bande de Gaza souffre de malnutrition aiguë et "la situation risque d’être encore plus grave aujourd’hui", ont déclaré trois agences des Nations unies lundi.
Un rapport rédigé par des chercheurs indépendants des États-Unis et du Royaume-Uni prévoit que même si les hostilités cessaient maintenant, il y aurait quelque 8 000 décès supplémentaires à Gaza au cours des six prochains mois en raison de lésions traumatiques, de la malnutrition, de maladies infectieuses et du manque d’accès aux soins médicaux.
Les États-Unis mettent en garde contre l’offensive de Rafah
La contre-résolution diffusée par les États-Unis lundi condamne le raid du 7 octobre du Hamas et souligne sa désignation comme organisation terroriste par "de nombreux États membres".
Le projet de résolution américain indique également qu’"une offensive terrestre majeure à Rafah" blesserait et déplacerait des civils, "y compris potentiellement dans les pays voisins, ce qui aurait de sérieuses implications pour la paix et la sécurité régionales".
Le texte "souligne qu’une telle offensive terrestre majeure ne devrait pas avoir lieu dans les circonstances actuelles".
Selon Reuters, le président américain Joe Biden a téléphoné à Benjamin Netanyahu, le premier ministre israélien, à deux reprises ces derniers jours "pour le mettre en garde contre le lancement d’une opération militaire à Rafah sans un plan crédible pour assurer la sécurité des civils".
L’administration Biden a déclaré que, malgré son opposition déclarée à une incursion à Rafah, où sont concentrés plus d’un million de Palestiniens déplacés, elle n’imposerait aucune conséquence matérielle à Israël s’il allait de l’avant.
Rafah
Israël prévoit de poursuivre sa guerre de haute intensité à Gaza pendant encore six à huit semaines, ont déclaré des responsables à Reuters, après quoi il "passera à une phase de moindre intensité avec des frappes aériennes ciblées et des opérations des forces spéciales".
Benny Gantz, chef de l’opposition et membre du cabinet de guerre israélien, a déclaré dimanche que les combats commenceraient à Rafah dans quelques semaines si "les otages ne sont pas rentrés chez eux", ce qui indique que la planification d’Israël n’est pas aussi cohérente que le suggère Reuters.
Il a ajouté que "le Hamas a le choix. Il peut se rendre, libérer les otages et les civils de Gaza pourront célébrer la fête du Ramadan".
M. Netanyahu, désireux de prolonger l’offensive militaire, a déclaré mardi que "nous ne sommes pas prêts à payer n’importe quel prix" pour obtenir la libération des quelque 130 otages restants à Gaza, dont la plupart seraient encore en vie.
La déclaration du premier ministre israélien mardi a fait écho aux commentaires de Bezalel Smotrich, le ministre des finances d’extrême droite, qui a donné la priorité à la destruction du Hamas plutôt qu’au retour des captifs.
Au début du mois, M. Netanyahu a rejeté une proposition d’échange de prisonniers et de trêve de plusieurs mois faite par le Hamas, la qualifiant de "délirante" et promettant une "victoire totale" à Gaza.
Manifestations
L’abandon des pourparlers par M. Netanyahou a provoqué de nouvelles manifestations de la part des membres des familles des personnes toujours retenues en captivité à Gaza, qui ont bloqué des autoroutes et allumé des feux pour exiger le retour de leurs proches tant qu’ils sont encore en vie.
Au cours d’une trêve d’une semaine, fin novembre, plus de 100 captifs ont été libérés en échange de dizaines de femmes et d’enfants palestiniens détenus par Israël.
La semaine dernière, deux Israéliens-Argentins que l’armée israélienne a prétendu avoir sauvés lors d’un raid à Gaza quelques jours plus tôt ont exhorté M. Netanyahu à conclure un nouvel accord avec le Hamas, affirmant que tout le monde ne pouvait pas être ramené "dans le cadre d’opérations héroïques".
"Ce n’est que par le biais d’un accord qu’ils pourront être ramenés", ont-ils déclaré dans un communiqué commun avec d’autres membres de familles qui ont été libérés en novembre.
La semaine dernière, Abu Obeida, le porte-parole de la branche armée du Hamas, a déclaré qu’il y avait eu de nombreuses pertes parmi ses captifs et que ceux qui restaient en vie se trouvaient dans des "conditions extrêmement difficiles".
Le Qatar a déclaré mardi que le Hamas avait confirmé avoir reçu et commencé à livrer des médicaments pour les captifs dans le cadre d’un accord négocié par la monarchie du Golfe et la France.
Le ministre des affaires étrangères du Qatar a déclaré que l’accord "comprend l’entrée des médicaments et l’envoi de l’aide humanitaire aux civils de la bande de Gaza, en particulier dans les zones les plus touchées et les plus endommagées".
Samedi, Israël a également connu les plus grandes manifestations antigouvernementales depuis le 7 octobre.
Il reste à voir si la pression croissante arrêtera l’élan d’Israël vers une invasion catastrophique de Rafah.
Al Mezan, un groupe palestinien de défense des droits de l’homme basé à Gaza, a déclaré que "de simples déclarations n’arrêteront pas l’invasion de Rafah", dont même les porte-parole de l’administration Biden ont reconnu qu’elle serait un "désastre".
"Ce qu’il faut, ce sont des actions concrètes : Les États doivent cesser de soutenir militairement Israël, imposer des sanctions conformément au droit international" et la Cour pénale internationale "doit émettre des mandats d’arrêt contre tous les membres du cabinet de guerre israélien", a déclaré Al Mezan.
Traduction : AFPS