Les Palestiniens ont été soumis aux sanctions économiques : c’est la première fois qu’un peuple occupé est traité ainsi.
Cela continue, malgré le fait qu’Israël se trouve lui-même en violation de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale et qu’il n’a pas mis en application l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice du 9 juillet 2004.
Le Quartet lui-même n’a pas respecté l’avis consultatif et il n’y fait même pas référence dans ses déclarations publiques.
Le Sécrétaire Général a l’honneur de communiquer aux membres du Conseil des Droits de l’Homme le rapport sur les violations du droit humanitaire international et des Droits de l’Homme dans les Territoires Palestiniens Occupés depuis 1967, soumis par John Dugard, rapporteur spécial, conformément à la décision 1/106 du Conseil des Droits de l’Homme.
Le Sécrétaire Général attire l’attention des membres du Conseil des Droits de l’Homme sur le fait que ce rapport est basé sur une visite entreprise par le rapporteur spécial du 9 au 17 juin 2006, avant l’adoption de la décision mentionnée ci-dessus par le Conseil.
Sommaire :
– L’élément central de ce rapport est le conflit à Gaza et le siège de Gaza.
Le 25 juin 2006, suite à la capture du caporal Gilad Shalit par des militants palestiniens et à l’augmentation des roquettes artisanales Qassam sur Israël, Israël a démarré des incursions militaires répétées dans Gaza et a bombardé régulièrement Gaza, entraînant de nombreux décès et blessés, la destruction de maisons, de terres agricoles et de l’infrastructure, ayant pour résultat de très nombreuses violations des droits humains et du droit humanitaire international.
En particulier, Israël a violé l’interdiction sur l’utilisation aveugle de la force militaire contre des civils et les biens des civils. La situation en Cisjordanie s’est également sensiblement détériorée.
– Le Mur construit actuellement dans les Territoires Palestiniens est maintenant décrit par le nouveau gouvernement israélien comme une mesure politique destinée à annexer 10% des terres palestiniennes situées entre la Ligne Verte et le Mur, où vivent environ 76% de la population des colons israéliens.
Quand le Mur sera achevé, 60.500 Palestiniens de Cisjordanie vivant dans 42 villes et villages seront enfermés dans la zone fermée entre le Mur et la Ligne Verte.
Les 500.000 Palestiniens vivant près du Mur ont besoin d’autorisations pour le franchir et on estime que 40% des demandes d’autorisations sont refusées.
– Israël continue sa politique de dé-palestinisation de Jérusalem.
Le mur est construit de façon à placer environ un quart des 230.000 Palestiniens de Jérusalem-Est en Cisjordanie.
A l’avenir, ces gens auront besoin d’autorisations pour accéder à leurs emplois et rendre visite à leurs amis, aux hôpitaux et aux sites religieux de Jérusalem.
– Les colonies continuent à s’agrandir, en violation de la Quatrième Convention de Genève.
La population des colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est s’élève à plus de 440.000.
– Le petit mur en construction au Sud d’Hébron rendra difficile aux communautés palestiniennes situées entre le petit mur et la Ligne Verte d’accéder à leurs terres, à leurs écoles et leurs cliniques.
– Le nombre de checkpoints a augmenté, de 376 en août 2005 pour passer à plus de 500.
Les autorisations pour circuler entre les différentes régions de Cisjordanie sont accordées avec modération et obligent les Palestiniens à se soumettre aux procédures bureaucratiques arbitraires.
Naplouse et Jénine, en particulier, ont été gravement affectés par des checkpoints, et sont aujourd’hui véritablement des villes emprisonnées.
Il semble que l’objectif principal de nombreux checkpoints est de rappeler constamment aux Palestiniens le contrôle de leurs vies par les Israéliens et de les humilier.
– La démolition des maisons demeure un élément régulier de l’occupation.
C’est maintenant devenu la pratique de détruire des maisons au cours des arrestations lors des opérations de police.
La destruction des maisons pour d’autres raisons que la nécessité militaire est interdite par le droit humanitaire international.
– La vie des familles palestiniennes est minée par un certain nombre de lois et de pratiques israéliennes.
Récemment, la cour Suprême israélienne a confirmé une loi qui interdit aux Arabes israéliens qui épousent des Palestiniens de vivre avec eux en Israël.
Le mur à Jérusalem a également eu comme conséquence la séparation des familles
– Plus de 10,000 Palestiniens, y compris des femmes et des enfants, sont emprisonnés dans les prisons israéliennes.
– La situation humanitaire en Cisjordanie et Gaza est effroyable.
Au moins 4 Palestiniens sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté officiel qui est de 2,10 dollars américains par jour et le chômage est au moins de 40%.
Pour aggraver les choses, le secteur public, qui représente 23% de l’ensemble des emplois dans les Territoires Palestiniens, est utilisé sans être payé en raison de la retenue des sommes dues par le gouvernement israélien à l’Autorité Palestinienne, qui représente entre 50 à 60 millions de dollars par mois.
En outre, les Etats-Unis et l’Union Européenne ont arrêté le versement des fonds à l’Autorité Palestinienne parce que le Hamas, le parti élu au gouvernement en janvier 2006, est sur leurs listes des organisations terroristes.
Des organisations non gouvernementales travaillant avec l’Autorité Palestinienne ont été affectées également par les restrictions aux financements.
– En effet, les Palestiniens ont été soumis aux sanctions économiques : c’est la première fois qu’un peuple occupé est traité ainsi.
Cela continue, malgré le fait qu’Israël se trouve lui-même en violation de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale et qu’il n’a pas mis en application l’avis consultatif de la Cour Internationale de Justice du 9 juillet 2004.
– Le Quartet lui-même n’a pas respecté l’avis consultatif et il n’y fait même pas référence dans ses déclarations publiques. Cela a sensiblement ébranlé la réputation des Nations Unies dans les Territoires Palestiniens Occupés.
Bien que les Palestiniens aient un profond respect envers les employés des Nations Unies sur le terrain, ils ont des craintes sérieuses quant au rôle des Nations Unies à New York et à Genève.
Principaux points du rapport
– 1. Les militants politiques ont des droits, en vertu de la loi sur les droits de l’Homme et du droit humanitaire international. Aujourd’hui cette vérité évidente est rejetée par Israel et par certains Etat occidentaux qui devraient être mieux au courant.
Ces Etats et leurs dirigeants considèrent que toutes les actions, peu importe si elles sont brutales, sont permises dans la soi-disant guerre contre le terrorisme. En conséquence, ils ont peu de sympathie pour les appels au respect des droits des militants politiques.
Ces convictions sont tellement ancrées que peu de choses sont faites pour tenter de convaincre ces personnes qu’elles ne comprennent pas les droits de l’Homme et le droit humanitaire international.
Cela explique pourquoi aujourd’hui je ne vais pas parler des actions israéliennes contre les militants et les politiciens palestiniens.
Au lieu de cela, je parlerai seulement des actions israéliennes contre les Palestiniens ordinaires, non-militants et non-activistes qui veulent tout simplement vivre normalement avec leurs familles et leurs amis, qui souhaitent éduquer leurs enfants pour avoir une vie meilleure et qui aimeraient jouir des petits plaisirs de la vie.
J’espère que ma description des difficultés éprouvées par ces gens troublera les consciences de ceux qui sont habitués à fermer les yeux et les oreilles face à la souffrance des Palestiniens.
– 2. Je suis rapporteur spécial des droits de l’homme dans les Territoires Palestiniens Occupés (OPT) depuis 2001.
D’une perspective des droits de l’Homme, la situation s’est détériorée tous les ans jusqu’à aujourd’hui, ce qui est intolérable, effroyable, tragique - appelez ça comme vous le voulez - pour le Palestinien ordinaire.
Pour illustrer ceci, laissez-moi décrire certaines des actions, des pratiques et des lois israéliennes qu’affrontent les Palestiniens ordinaires.
A Gaza, depuis la capture du Caporal Gilad Shalit le 25 juin, la population a été sujette à des bombardements continues et à des invasions militaires au cours desquels plus de 100 civils ont été tués et nombreux ont été blessés.
Ce qu’Israël choisit de décrire comme des "dégâts collatéraux" pour la population civile est en fait un massacre aveugle interdit par le droit international. Puis, il y a les bangs supersoniques réguliers qui terrorisent la population la nuit.
– 3. En juin, Israël a bombardé et a détruit la seule centrale électrique de Gaza.
En conséquence, plus de la moitié de l’approvisionnement en électricité a été coupée et les Gazaouis resteront sans énergie pendant au moins un an.
Cela a un impact non seulement sur le chauffage et la cuisine dans la maison mais également sur l’approvisionnement en eau puisque les pompes à eau n’ont pas d’électricité.
– 4. Les hôpitaux sont forcés d’utiliser des générateurs pour faire fonctionner les équipements de secours en raison des coupures d’électricité.
Beaucoup de médicaments de base sont indisponibles.
Le personnel de l’hôpital ne peut pas venir travailler alors que leurs salaires ne sont pas rémunérés et parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer le transport pour venir jusqu’à leur lieu de travail.
Les patients ne peuvent pas voyager à l’étranger pour un meilleur traitement en raison de la fermeture du passage de Rafah.
– 5. Des maisons ont été détruites par des tanks et des bulldozers.
Des écoles ont également été endommagées.
Des citronniers et des oliviers ont été déracinés ; des terres agricoles ont été rasées au bulldozer.
– 6. Les trois quarts de la population ne peuvent pas s’alimenter et dépendent de l’aide alimentaire.
Les prix des denrées alimentaires ont augmenté ; le poisson n’est plus disponible en raison du blocus naval d’Israel qui interdit la pêche ; les produits périssables sont perdus en raison du manque d’électricité.
– 7. Le passage de Rafah pour les personnes et le passage de Karni pour les marchandises sont fermés en permanence.
Ce n’est pas pour des raisons de sécurité mais pour faire pression sur les Palestiniens afin qu’ils libèrent le caporal Shalit.
Gaza est une prison ; et Israel semble avoir jeté la clef.
– 8. En Cisjordanie il y a le mur, qui n’est plus justifié par Israël comme une mesure de sécurité. Au lieu de cela, on reconnaît ouvertement qu’il sert une objectif politique : l’annexion des colonies et de la terre des colonies.
L’impact humanitaire du mur est grave. Les Palestiniens vivant entre la Ligne Verte et le mur, dans la prétendue zone fermée, ne peuvent pas accéder librement aux écoles, aux hôpitaux et aux lieux où se trouve le travail en Cisjordanie.
Ceux qui vivent le long du mur en Cisjordanie ne peuvent pas accéder à leurs fermes situées dans la zone fermée sans autorisation ; et les autorisations sont fréquemment refusées pour de fausses raisons par les bureaucrates israéliens déterminés à humilier les fermiers palestiniens.
Par désespoir, beaucoup de fermiers palestiniens ont abandonné leurs terres.
Ceci a eu comme conséquence une nouvelle catégorie de personnes déplacées intérieurement.
Dans d’autres pays, ce processus pourrait être décrit comme un nettoyage ethnique mais le politiquement correct interdit un tel langage quand ’Israel est concerné.
– 9. Dans l’ensemble de la Cisjordanie, il y a maintenant plus de 500 checkpoints et barrages routiers. La Cisjordanie est fragmentée en bantustans par des checkpoints et des barrages routiers. Des villes sont coupées en deux.
Les marchandises ne peuvent pas être transportées librement en Cisjordanie.
Et les individus possédant des autorisations de passage pour les checkpoints sont harcelés et humiliés par les soldats de l’IDF qui semblent considérer tous les Palestiniens comme des terroristes.
Dans la plupart des cas, les checkpoints n’ont aucun objectif de sécurité. Par contre, ils ont pour but de rappeler continuellement aux Palestiniens le pouvoir des Israéliens.
– 10. Les démolitions de maisons se poursuivent pour de nombreuses raisons.
Le manque d’obtention de permis de construire, des opérations de police, la proximité du mur. Le bulldozer Caterpillar est devenu un symbole de l’occupation.
– 11. Différentes parties des Territoires palestiniens occupés expérimentent différents problèmes.
– 12. À Jérusalem, le mur sépare les communautés palestiniennes.
Certains sont relégués en Cisjordanie tandis que d’autres conservent leurs privilèges en tant qu’habitants de Jérusalem-Est.
Franchir le mur est devenu un cauchemar.
Des familles ont été séparées.
– 13. Le Sud d’Hébron, secteur sujet à la violence des colons, a maintenant un nouveau problème.
Un petit mur est construit entre les maisons palestiniennes et les terres agricoles et les pâturages : conçu, comme d’habitude, pour faciliter la circulation des colons.
– 14. La Vallée du Jourdain est en fait annexée mais sans le dire.
Les Palestiniens qui n’habitent pas dans la Vallée du Jourdain ne peuvent plus entrer dans le secteur sans autorisation. Les checkpoints isolent la vallée. Et les colonies s’agrandissent.
– 15. La Cisjordanie est frappée par une grave crise humanitaire, bien qu’elle ne soit pas aussi extrême qu’à Gaza.
Environ 40% de la population vit sous du seuil de pauvreté et dépend de l’aide alimentaire.
Le chômage est d’environ 40% tandis que les fonctionnaires représentant 23% de la population palestinienne travaillent sans être payés.
– 16. Dans une large mesure, la crise humanitaire est le résultat de l’arrêt du financement de l’Autorité Palestinienne depuis que le Hamas a été élu au gouvernement.
Israël retient illégalement les droits de TVA et les recettes douanières s’élevant à 50-60 millions de dollars par mois et les Etats-Unis, le Canada et l’Union européenne ont stoppé le financement des projets liés à l’Autorité Palestinienne.
Le mécanisme provisoire au niveau international de l’Union européenne conçu pour soulager le secteur de la santé et pour fournir des allocations de base aux plus pauvres de la communauté a soulagé, mais est insatisfaisant pour améliorer la situation d’une grosse partie de la population.
Depuis 1994, les Territoires palestiniens Occupés sont devenus fortement dépendants du financement étranger.
L’interruption de ce financement a affecté gravement la société palestinienne.
– 17. En effet, les Palestiniens ont été soumis aux sanctions économiques : C’est la première fois qu’un peuple occupé est traité ainsi.
Israël viole le droit international comme l’ont exposé le Conseil de sécurité et la Cour Internationale de Justice mais il reste impuni.
Par contre, les Palestiniens sont punis pour avoir élu démocratiquement un régime inacceptable pour Israël, les Etats-Unis et l’Union Européenne.
– 18. L’attaque contre Gaza avec ses pertes en vies humaines et ses dégâts, la construction du mur, le système des checkpoints, la destruction des maisons et des terres, et la crise humanitaire imposée en conséquence ne peuvent pas légalement être justifiés.
Tout comme les mesures de sécurité, tout cela est excessivement disproportionné et aveugle.
Cela constitue une punition collective, pas envers un gouvernement, mais envers un peuple - en violation flagrante de l’article 33 de la Quatrième Convention de Genève.
– 19. Israël est en grande partie à blâmer pour la situation que j’ai décrite. Ses actions, ses pratiques et ses lois ont frappé durement les Palestiniens.
Mais d’autres Etats et institutions ne sont pas irréprochables. Les Etats-Unis, le Canada et l’Union européenne ont contribué sensiblement à la crise humanitaire en retirant le financement non seulement de l’Autorité Palestinienne mais également des Palestiniens.
– 20. Tristement, les Nations Unies, en tant que membre du Quartet, ont pardonné une telle action.
En effet, elles ont pris part à l’imposition des sanctions économiques contre les Palestiniens.
Tous les Etats Membres de ce Conseil sont des membres des Nations Unies et portent, en conséquence, une certaine responsabilité pour la situation actuelle.
Permettez moi de conclure en disant, comme je l’ai dit au cours des cinq dernières années, que les actions d’Israël, et maintenant celles d’autres Etats, contre le peuple de la Palestine défient l’engagement de la communauté internationale envers les droits de l’Homme.
Si les Etats et les institutions de la communauté internationale ne peuvent pas reconnaître ce qui se passe dans les Territoires Palestiniens Occupés et agir, qu’ils ne soient pas étonnés si la population de la planète ne croit plus en leur engagement sérieux dans la promotion des droits de l’Homme et la protection d’un peuple en danger.