Les mots sont plus que des mots, ils habillent des idées, font passer des messages, convainquent, démontrent, travestissent, trahissent… En ce qui concerne Israël les mots sont « sournois », ils semblent clairs « tout le monde » les utilise, – médias et politiques en tête, nous-même souvent. C’est bien là le problème, car « tout le monde » a été et est orienté, manipulé, formaté… par des mots mille fois dits (car autorisés à être dits) par ceux qui ont le pouvoir.
L’habile communication initiée par le sionisme dès sa naissance puis développée par Israël (et ses amis) a partout imposé sa manière de raconter l’Histoire et d’inventer des histoires en traficotant le vocabulaire et en glissant partout ses mots. La majorité des États « du monde libre » y ont adhéré, surtout après le génocide des juifs d’Europe par les nazis et leurs soutiens.
Peu croient encore à « une terre sans peuple pour un peuple sans terre », cette formule de A. Keith, membre du clergé d’Écosse [1], qui a été récupérée ensuite par le mouvement sioniste. Mais « l’explication » sioniste, très efficace, continue. Alors pour celles et ceux qui luttent aux côtés des Palestiniens, voici une liste de mots/ expressions que je bannis, en expliquant pourquoi chaque fois que je les entends ou les lis.
- « Déclaration d’indépendance de l’État d’Israël » : Ben Gourion, le 14 mai 1948, a fait une « Déclaration d’établissement de l’État d’Israël » qui, ensuite, pour la communication sioniste, est devenue « Déclaration d’indépendance ». Or l’État d’Israël, nouvellement créé, n’a jamais été colonisé et n’a jamais eu à se libérer d’un colonisateur. Sauf à vouloir laisser entendre que ce pays était occupé depuis plus de 2 000 ans.
- Les « Arabes d’Israël » : les habitants autochtones de la Palestine sont des locataires temporaires venus occuper la terre juive et ils doivent retourner dans leur « pays », hors « d’Eretz Israël ». Exit les Palestiniens.
- « État hébreu » : un mot qui renvoie à l’éternité d’Israël et au fait que cet état moderne est le descendant des Hébreux (dont on n’a guère de traces) ce qui légitime la « résurrection » d’Israël sur ses terres.
- « La guerre des six jours » a une connotation miracle : Dieu a créé le monde en 6 jours s’est reposé, satisfait, le 7e, exactement comme l’ont fait les armées d’Israël qui ont rétabli, en six jours Eretz Israël sur sa terre. Comme dans la Bible, David a vaincu Goliath… David ? Alors qu’Israël a la 4e armée du monde ? L’ONU, les diplomates, les historiens et les chercheurs sérieux disent « guerre de juin 1967 » Idem pour guerre du kippour-octobre 1973.
Cette communication est renforcée par l’emploi, dans les pays occidentaux, de mots empruntés au vocabulaire hébreu et passés dans le langage courant, renforçant l’idée que ces mots recouvrent des institutions uniques, à part ; peu de gens, même des plus avertis, voient ce qu’ils cachent :
« Knesset » pourquoi ne pas dire en bon français parlement israélien ?
« Tsahal » mot courant même chez les amis des Palestiniens. Acronyme de « Forces de Défense d’Israël ». Tsahal est employé en Israël comme un mot sympa, une sorte de doudou, les enfants dès l’école en sont bercés : Tsahal est garante de leur sécurité, c’est une armée morale qui défend le pays, ils font des quêtes pour ses soldats, ils y serviront et en seront tributaires à vie. Alors dire plutôt : armée israélienne (pour rester neutre) ou armée d’occupation (si on revendique son engagement)
« Shoah » : Au risque de choquer, un mot que « tout le monde » (tout au moins dans les pays occidentaux, acteurs de ce génocide) utilise. Utiliser un mot spécial, le mot hébreu pour un génocide commis en Europe met ce génocide à part des autres – il y en a pourtant eu beaucoup au cours des siècles – Or ce mot les minimise tous et prouve que celui concernant les Juifs d’Europe est unique, exceptionnel dans l’Histoire et le restera toujours. Certains utilisent le mot « judéocide » d’autre le mot « holocauste » (connotation religieuse). Je lui préfère le mot génocide, simple, clair et net et reconnu par le droit international.
« Otages israéliens » : parmi les personnes enlevées les 7 et 8 octobre, il y avait des civils et des militaires : des otages et des prisonniers. De même parmi les milliers de personnes enlevées et emprisonnées sans jugement à Gaza et en Cisjordanie. Alors tous otages ? Ou tous prisonniers ? Je penche pour ce second mot. Ou alors captifs ?
Il y a sûrement d’autres mots à repérer et décoder. Cet article est une ébauche, à vous de le compléter. Ainsi pour moi l’expression « guerre à Gaza » est mensongère, puisqu’il s’agit d’une œuvre de destruction totale d’une population par une armée surpuissante ; que dire ? Peut-être, « la guerre totale menée par l’État d’Israël contre Gaza » ?
Colette Berthès