Les autorités israéliennes affirment vouloir continuer la guerre dévastatrice contre la population palestinienne à Gaza alors que la Cour Internationale de Justice, qui a conclu à un génocide plausible, leur a ordonné dans un premier temps de veiller, avec effet immédiat, à ce que l’armée ne commette pas des meurtres de Palestiniens, de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire en quantité suffisante et de prévenir et punir l’incitation au génocide. Et dans un deuxième temps, la Cour a explicitement demandé à Israël de cesser immédiatement son offensive à Rafah.
Les ordonnances rendues par la plus haute juridiction de l’ONU, n’ont pas atténué la violence israélienne et le nombre de morts et de blessés ne cesse d’augmenter, tout comme le nombre des déplacés qui avoisine les 2 millions. L’ampleur des démolitions atteint des proportions jamais égalées dans l’histoire moderne.
Les étudiants, les enseignants et chercheurs, de même que les locaux universitaires ont également payé un lourd tribut depuis le 7 octobre. Selon l’Observatoire Euro-Med des droits de l’Homme, organisme indépendant basé à Genève, Israël avait systématiquement détruit, par étapes, toutes les universités de Gaza. Les premières, comme les universités islamiques et Al-Azhar, ont été bombardées par l’aviation et l’artillerie et d’autres ont été dynamitées, comme l’université Israa, qui avait été, selon les autorités universitaires, occupée et utilisée comme base militaire et centre de détention pendant des mois avant qu’elle soit détruite. Les vidéos du dynamitage ont été publiées par les soldats israéliens sur les réseaux sociaux.
En avril dernier, des experts de l’ONU ont exprimé leur grande inquiétude face aux nombreuses attaques commises contre des écoles, des universités, des enseignants et des étudiants dans la bande de Gaza, s’alarmant vivement de la destruction systémique du système éducatif palestinien.
D’après ces experts, « en six mois d’offensive militaire, 5 479 étudiants, 261 enseignants et 95 professeurs d’université ont été tués à Gaza, alors que 7 819 étudiants et 756 enseignants ont été blessés (ces chiffres ont depuis fortement augmenté). Au moins 60 % des établissements d’enseignement, dont 13 bibliothèques publiques, ont été endommagés ou détruits et au moins 625 000 élèves n’ont plus accès à l’éducation. Actuellement, le système éducatif dans son entièreté, de la maternelle à l’université, est complètement à l’arrêt dans la bande de Gaza ».
En effet, depuis l’invasion terrestre, même l’enseignement à distance qui a représenté à un moment une sorte d’alternative a cessé de fonctionner. Les enseignants et étudiants, dont l’écrasante majorité a été déplacée, n’ont plus accès ni à Internet, ni à l’électricité, ni à un endroit adéquat pour travailler. Les conditions dans les centres d’accueil pour réfugiés sont désastreuses et le souci principal des Gazaouis c’est la recherche de l’eau, de la nourriture et d’un minimum de sécurité. Le combat pour la survie, fait passer l’éducation à un second plan.
La situation à Gaza est apocalyptique au point que certains pensent que la reconstruction est devenue impossible. Philippe Lazzarini, patron de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens a déclaré le 15 janvier « Je crains une génération perdue à Gaza ». La situation a empiré depuis, mais est-ce une raison pour baisser les bras ? Il ne le faut surtout pas.
« Les attaques contre l’éducation ne peuvent être tolérées. La communauté internationale doit envoyer un message clair pour faire comprendre à ceux qui s’en prennent aux écoles et aux universités qu’ils devront rendre des comptes », ont déclaré les experts de l’ONU. Les responsables israéliens doivent en effet rendre des comptes pour crime de guerre, crime contre l’humanité, voire de crime de génocide. Car, par ces attaques, Israël a agi de sorte à détruire les fondements de la société palestinienne et à effacer son histoire. Même les écoles de l’ONU abritant des civils déplacés de force sont bombardées, y compris dans les « zones de sécurité » désignées par l’armée israélienne.
La reconstruction du système éducatif prendra probablement plusieurs décennies, mais la soif d’éducation et la résilience des Palestiniens, dont le taux d’analphabétisme est l’un des plus faibles au monde, pourraient l’accélérer surtout si des soutiens et des programmes mondiaux leur viennent en aide. Et la France pourrait jouer un rôle déterminant dans cette reconstruction.
La France qui avait déjà mis en place un processus d’aide et d’accueil d’enseignants et étudiants ukrainiens dispose d’une importante expérience dans ce domaine. Expérience qu’elle peut, s’il y a une volonté politique, mettre au service des Gazaouis pour les aider à surmonter cette situation chaotique. Il y a urgence à le faire.
Elle peut accueillir un nombre important d’étudiants de Gaza pour aider à ne pas rompre complètement la chaîne de l’enseignement supérieur. Elle peut aussi accueillir des enseignants et chercheurs pour les aider à reconstituer leurs équipes et leurs outils détruits par des mois de guerre. Elle peut également agir pour réunir les conditions adéquates pour un enseignement à distance absolument nécessaire avant la reconstruction des locaux.
Taoufiq Tahani