L’Iran au centre
de la politique
moyen-orientale
? Ce sera peut-être
l’un des résultats, moins
paradoxal qu’il y paraît,
de la tentative américaine
de redéfinir le paysage
politique du « Grand
Moyen-Orient ». L’occupation
de l’Irak, la guerre
imposée depuis bientôt
quatre ans, ont consacré
les oppositions confessionnelles,
singulièrement
entre sunnites et chi’ites,
au point d’inquiéter l’Arabie
saoudite voisine. Le
régime wahhabite craint
l’émergence d’un « arc
chi’ite » de Bagdad à Beyrouth,
dont Téhéran se
ferait le héraut. L’Iran,
en tout cas, y aspire, qui
rappelle aux Etats-Unis,
embourbés en Irak, le rôle
qu’il peut y jouer... C’est
aussi dans ce contexte
que, face à la puissance
nucléaire israélienne,
Téhéran persiste à vouloir
développer son propre
programme d’enrichissement
d’uranium.
Les Etats-Unis et
l’Europe n’avaient pas
renoncé, au moment où
nous mettons sous presse,
à un projet de résolution prévoyant des
sanctions contre l’Iran, au titre de l’article
41 du Chapitre VII de la Charte des
Nations unies, qui n’implique cependant
pas l’emploi de la force armée. Il prévoit,
entre autres, outre l’interdiction de livrer
à l’Iran tout matériel ou technologie susceptible
de
« contribuer aux programmes nucléaires
et aux programmes de missiles balistiques
», que tous les Etats membres
gèlent « les fonds, avoirs financiers et
autres ressources économiques (...) détenus
sur leurs territoires ou contrôlés par
des personnes ou des entités (...) ayant
des liens ou étant directement associés
aux programmes nucléaire et de missiles
balistiques de l’Iran. » Le projet de
résolution envisage aussi de demander
au directeur général de l’AIEA un rapport
dans les 60 jours pour savoir si l’Iran
s’est conformé à ses dispositions et
engage, dans le cas contraire, à adopter
d’autres mesures sur la base d’une nouvelle
résolution.
C’est aussi dans ce contexte que Téhéran
a organisé, les 11 et 12 décembre, une
conférence négationniste pour laquelle
il n’a pas hésité à inviter ceux qui font,
en Europe ou ailleurs, de la négation du
génocide des juifs par le nazisme européen
leur nauséabond fond de commerce ;
parmi eux, d’anciens dirigeants du Ku
Klux Klan, nébuleuse
d’organisations d’extrême
droite qui prônent aux
Etats-Unis une « suprématie
blanche protestante
» contre tous ceux
que le KKK définit
comme « d’une autre
race » - à commencer par
les Noirs, notamment ceux
qui descendent des populations
victimes de l’esclavage,
les Asiatiques, ou
les Hispano-Américains,
et qui se sont illustrées
par leurs crimes racistes.
Une démarche populiste
et fétide qui vise à présenter
Téhéran -et son
président en particuliercomme
le nouveau leader
de « la lutte contre
Israël » en prétendant pouvoir
inscrire cette lutte
dans la négation de l’Histoire.
Comme l’ont écrit
Edward Saïd ou Elias Sanbar,
la négation de l’Histoire,
notamment de la
monstruosité nazie et des
leçons universelles que
le monde doit en tirer, est
aux antipodes mêmes des
principes sur lesquels se
fonde la lutte palestinienne.
Alors que les
Palestiniens sont eux-mêmes
victimes de la
négation par Israël de l’expulsion de leur
terre, on assiste à un insensé et dangereux
concours de victimisation. Utiliser
aujourd’hui la Palestine en organisant
une telle pseudo-conférence non seulement
viole l’Histoire et sa mémoire, mais
aussi dessert une cause palestinienne qui
n’est ici que manipulée à son détriment.
La société iranienne cependant, quels
que soient les clichés développés par certains
médias à son endroit, n’est ni homogène
ni à l’image du président Mahmoud
Ahmadinejad, élu en 2005. C’est ainsi
que les opposants (conservateurs « modérés
» et réformateurs) au président iranien
viennent de remporter les élections municipales et à « l’Assemblée des
experts » du 15 décembre. 60% des électeurs
se sont rendus aux urnes, soit beaucoup
plus que lors des précédents scrutins.
A Téhéran même, les alliés du maire
Mohammed Bagher Qalibaf (conservateur
« modéré »), ont remporté sept sièges
sur quinze, les alliés de Mahmoud Ahmadinejad
n’en remportant que trois ; ceuxci
n’en ont même obtenu aucun dans plusieurs
villes du pays (Abbas, Bandar,
Ilam, Kerman, Rasht, Sanandaj, Shiraz,
Sari, Zanjan...). Les résultats de l’élection
de « l’Assemblée des experts » (86
religieux chargés de nommer le « Guide
suprême ») sont considérés comme un
plébiscite en faveur de l’ancien président
Ali Akbar Hachemi Rafsandjani.
« Le vote du peuple signifie qu’il n’aime
pas les méthodes populistes », a affirmé
le député Emad Afroogh.
Reste cependant que Washington n’exclut
pas l’hypothèse d’une nouvelle guerre.
Dont les conséquences, à nouveau, seraient
tragiques pour le peuple iranien et pour
toute la région. George W. Bush s’est
dit prêt à envoyer un deuxième porteavions
à proximité immédiate de l’Iran...
I.A.