Photo : Extrait de la Déclaration de principes sur les arrangements intérimaires d’autonomie, dite Accords d’Oslo - Source : archives numériques des United Nations Peacemaker
Les accords d’Oslo ont été négociés alors que j’étais un jeune avocat au début de ma carrière, après des années de vie étudiante à Jérusalem sous l’ombre de la première Intifada. J’avais quitté la ville en 1990, usé en grande partie par Jérusalem elle-même, la tension constante et l’intense activité politique contre l’occupation. Il n’est donc pas étonnant que, malgré mes condamnations d’Oslo, ces journées m’aient donné une petite lueur d’espoir - peut-être que quelque chose de nouveau était en train de naître après tout. Mais même si je souhaitais que l’accord fonctionne, dans mon esprit, je savais qu’il n’en serait rien.
Il y avait, à l’époque, toutes sortes d’opposants à Oslo au sein de l’opinion publique palestinienne. Dès le départ, certains Palestiniens n’ont pas cru à la solution à deux États et l’ont considérée comme une défaite pour la cause palestinienne. Je n’étais pas l’un d’entre eux : mon opposition à Oslo découlait plutôt d’une conviction intime que les accords eux-mêmes ne pouvaient pas réellement conduire à une telle solution. Je n’ai pas été influencé par ce qui se disait à la télévision ou dans le discours public ; au contraire, je me suis assis et j’ai lu les accords avec les yeux d’un jeune juriste. Après tout, un accord politique contient sa propre logique contractuelle : il fixe un calendrier ferme, il y a des règles en cas de rupture de contrat, etc. Il me semble que les négociateurs palestiniens auraient pu bénéficier d’un petit conseil juridique.
La formulation des accords d’Oslo pose trois problèmes majeurs, comme le montre l’échange de lettres entre le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin et le dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine Yasser Arafat, qui a précédé la signature des accords sur la pelouse de la Maison Blanche, le 13 septembre 1993.
Le premier problème est un déséquilibre dans la reconnaissance de la légitimité de l’autre partie. L’OLP a reconnu Israël et son droit à l’existence, ainsi que les résolutions 242 (qui demandait le retrait des soldats israéliens des territoires occupés et reconnaissait la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de chaque État de la région après la guerre de 1967) et 338 (qui demandait un cessez-le-feu après la guerre de 1973) du Conseil de sécurité. En contrepartie, Israël n’a pas reconnu le droit du peuple palestinien à un État ni son droit à l’autodétermination. Il s’est contenté de reconnaître l’OLP comme le seul représentant du peuple palestinien.
Cette absence d’équivalence n’a fait de l’OLP qu’un simple réceptacle vide ; il y a en effet une différence entre reconnaître l’existence de l’OLP et reconnaître la légitimité de ses revendications politiques. En outre, à l’époque, Israël avait un intérêt stratégique à reconnaître l’OLP comme le seul représentant du peuple palestinien. Si Israël le faisait, la reconnaissance par l’OLP du droit d’Israël à exister serait censée représenter la voix de l’ensemble de la nation palestinienne. La reconnaissance d’Israël par l’OLP n’aurait eu aucun sens si elle n’avait pas émané d’un représentant authentique.
Dans cette optique, la nature instrumentale de l’OLP en tant qu’organe représentatif est claire. Un représentant peut agir soit dans l’intérêt, soit au détriment de la personne qu’il représente. Le représentant peut exiger de l’autre partie, mais il peut aussi faire des concessions au nom des personnes qu’il représente. Lorsque l’OLP a présenté des revendications et des exigences claires, Israël a rejeté ses demandes, mais lorsqu’elle a reconnu Israël et offert des concessions au nom des Palestiniens, Israël n’a eu aucun problème à traiter l’OLP comme le porte-parole des Palestiniens.
En fait, l’OLP a utilisé son capital symbolique en tant que représentant du peuple palestinien pour apparaître sur la scène mondiale et annoncer l’absence du peuple et l’élimination de son récit. Il s’agissait en fait du dernier acte significatif de l’OLP dans l’arène politique. Israël voulait que la reconnaissance de l’OLP agisse comme une déclaration de facto de son propre suicide. Depuis lors, l’OLP a cessé d’être un acteur politique important, et tout ce qu’il en reste fonctionnellement est l’Autorité palestinienne - qui sert de sous-traitant à Israël pour les répressions violentes en Cisjordanie.
Deux ans après la signature des accords, l’OLP s’est engagée à annuler les sections de la Charte nationale palestinienne qui ne reconnaissent pas Israël. À l’époque, cette décision m’a semblé irréfléchie ; j’ai publié un article dans Haaretz intitulé « Il n’y a pas de compromis sans reconnaissance ». L’annulation des déclarations de la Charte s’est faite sans aucune action de la part d’Israël en retour, qui refusait toujours de s’engager à reconnaître un État palestinien dans les territoires occupés ou le droit à l’autodétermination du peuple palestinien et d’autres droits nationaux dans sa patrie.
Ces facteurs historiques ont contribué à la situation actuelle, dans laquelle Israël est un « fait sur le terrain » inamovible et a réduit l’étendue du territoire sur la table des négociations de l’ensemble d’Israël/Palestine à la seule Cisjordanie, aujourd’hui le seul territoire qui puisse faire l’objet d’une discussion, même lointaine. Si le différend porte sur l’ensemble de la Palestine, la division de l’ensemble du territoire, du fleuve à la mer, en deux entités est la solution optimale. Mais si tout le problème se résume aux territoires occupés en 1967, une solution raisonnable consisterait à diviser le territoire contesté entre les colons et les Palestiniens.
Ce rétrécissement du territoire à débattre modifie radicalement les règles du jeu : si les Palestiniens insistent pour contrôler la totalité des territoires occupés, ils seront perçus comme des radicaux obstinés qui revendiquent tout pour eux. Le fait que les Palestiniens aient déjà renoncé à leur droit sur plus des deux tiers de leur patrie avant même de s’asseoir à la table des négociations n’est jamais pris en considération. Il s’agit d’un piège tendu aux Palestiniens, qui n’ont pas pu s’en libérer jusqu’à ce jour. Malheureusement, ce n’est pas le seul piège de ce type.
Des « terroristes » autoproclamés
Récemment, des voix critiques se sont élevées pour demander à l’OLP de retirer sa reconnaissance d’Israël, puisque ce dernier n’a pas respecté les conditions des accords d’Oslo. Il s’agit là d’une affirmation dangereuse. La reconnaissance, de par sa nature même, est unique et ne peut être rétractée. En outre, la reconnaissance n’est pas un bien tangible, matériel - son importance réside dans son symbolisme, et en l’absence d’un tel symbolisme, elle est dépourvue de sens.
Si les Palestiniens veulent retirer leur reconnaissance, ils ne pourront plus jamais l’échanger contre un retrait israélien des territoires sous son contrôle, car les Israéliens ne croiront jamais que la reconnaissance ne sera pas à nouveau annulée.
L’échange de lettres entre Arafat et Rabin comprenait également une clause dans laquelle l’OLP s’engageait à renoncer au terrorisme, et pas seulement à le condamner. En d’autres termes, l’OLP elle-même acceptait d’appeler « terrorisme » la lutte qu’elle avait menée jusqu’alors. Cela a posé plusieurs problèmes, mais je voudrais m’attarder sur l’un d’entre eux. Je n’ai pas l’intention d’engager un débat sur la définition du terrorisme. Le problème est plutôt lié à l’avenir : que se passera-t-il si Israël n’accepte pas de se retirer des territoires occupés ou d’adopter une solution à deux États ? De quels moyens disposeront les Palestiniens pour lutter contre l’occupation ?
La réponse difficile à ces questions est devenue douloureusement évidente à la fin des années 90. Israël a interrompu le processus d’Oslo et a continué à étendre le projet de colonisation. On ne savait pas du tout où le processus d’Oslo mènerait et quelle serait la solution permanente en fin de compte. Israël contrôle la terre, l’air, les frontières, l’eau et toutes les ressources, et se contente de transférer à l’Autorité palestinienne la gestion d’une partie de la population sous occupation ; en d’autres termes, Israël conserve le contrôle effectif, mais fait peser toute la responsabilité sur les épaules de l’Autorité palestinienne. De plus, l’accord ne comportait pas de stipulation explicite interdisant la poursuite de la construction de colonies dans les territoires occupés.
Dans ces conditions, les Palestiniens ne pouvaient ni progresser vers un État indépendant, ni revenir à la logique de la révolution et de la lutte armée. Non seulement ils n’ont toujours pas le pouvoir et l’organisation pour le faire, mais ils sont aussi conceptuellement piégés par les accords d’Oslo. Le monde - surtout Israël, l’Union européenne et les États-Unis - a reconnu l’OLP à condition qu’elle renonce au terrorisme et accepte certaines règles du jeu. Par conséquent, le retour à la lutte armée est inéluctablement considéré comme un retour au terrorisme - sauf que cette fois, les Palestiniens eux-mêmes auront donné un nom à leur lutte, et qu’ils l’ont eux-mêmes appelée terrorisme. Désormais, le reste du monde est autorisé à l’appeler également terrorisme.
Le langage du « terrorisme » s’est transformé entre la première et la deuxième Intifada. La première Intifada a débuté moins d’une génération après le début de l’occupation, de sorte que le monde l’a perçue, ainsi que la lutte palestinienne dans son ensemble, comme une réponse légitime au régime militaire. La seconde Intifada, qui a été déclenchée en réponse aux violences massives commises par Israël à la suite de la visite du Premier ministre israélien Ariel Sharon au Haram al-Sharif/mont du Temple en septembre 2000, s’est déroulée dans le contexte des négociations de paix d’Oslo. Dans l’ensemble, les observateurs internationaux ont considéré que chaque pierre lancée lors de la première Intifada l’était contre l’occupation et en faveur de la libération nationale, mais les jets de pierres qui ont suivi Oslo ont été considérés comme du « terrorisme ».
Le contexte a changé, et avec lui la signification de la résistance palestinienne. Il en résulte que les pourparlers de paix avec Israël n’aboutissent à aucun objectif, mais qu’un retour à la lutte armée est également problématique. Les Palestiniens sont pris au piège.
Je n’ai pas l’intention de proposer un manifeste pour l’avenir, mais je pense que toute idée de retour en arrière, de rétablissement de l’OLP et de retour aux principes sur lesquels l’organisation a été fondée il y a 60 ans, est désormais vouée à l’échec. À partir d’ici, nous ne pouvons qu’aller de l’avant.
L’OLP a fait son travail ; elle a gravé le mot « Palestine » dans la conscience du monde et a prouvé que le peuple palestinien existe bel et bien. La génération d’aujourd’hui a un rôle différent dans une réalité différente : rédiger un nouveau manifeste en étant conscient qu’entre la mer et le fleuve, il y a 7 millions de Juifs et 7 millions de Palestiniens, et que les Israéliens contrôlent les Palestiniens et maintiennent un régime de suprématie juive qui expulse ces derniers de leur terre tous les jours. Tel est notre point de départ.
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À propos de l’auteur
Raef Zreik est juriste et chercheur, expert en philosophie politique et en philosophie du droit, maître de conférences en droit de la propriété et en jurisprudence à l’ONO Academic College, directeur académique associé au Minerva Center for Humanities de l’université de Tel-Aviv et associé principal de recherche à l’Institut Van Leer de Jérusalem.
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Traduit par : AFPS