Hannah, qui coordonne le travail du IWPS [1], nous explique que c’est dur pour Mounira, en ce moment : sa petite dernière a commencé l’école maternelle !
Oui, toutes les mères passent par là, elle doit recomposer un peu ses journées ! Mais, pour Mounira, c’est bien plus que cela car elle vit dans une maison transformée en prison !
Mash’a est un village de 1 900 habitants, en Cisjordanie, dans le district de Salfit, au nord-ouest de Ramallah, à quelques kilomètres de la Ligne Verte. Et le Mur est arrivé, l’an dernier, coupant le village de 95 % de ses
terres.
La maison de Hani, Mounira et de leurs 6 enfants a la malchance d’être la dernière de l’agglomération, à quelques mètres seulement de la colonie israélienne d’El Kana. Pourquoi n’a-t-on pas purement et simplement démoli leur maison ? Bien sûr, il n’était pas question pour eux, en tout cas, de la vendre. L’armée est venue plusieurs fois, a montré des plans et finalement, c’est sur les 4 côtés de leur espace qu’a été construite une barrière.
- L’univers de Mounira
- Photo Marie-jo
Devant le salon, il y a un mur de 8 mètres de haut, et sur les autres côtés, ce sont des clôtures métalliques. La famille dispose d’une petite porte et, pour le moment, ils en ont la clé. Pendant quelques jours, cet hiver,
l’armée la leur a reprise, disant qu’ils ouvriront à certains moments de la journée mais, grâce à l’action d’associations israéliennes et à la mobilisation des médias, Hani et Mounira ont récupéré cette clé et restent,
pour le moment, libres de leurs mouvements. Mais, la vie est dure : la nuit, il arrive que des pierres soient lancées sur leurs volets et des vitres et des tuyaux d’arrivée d’eau ont été brisés par les colons israéliens, leurs voisins.
Nous voila installées sur des matelas et Mounira, assise devant une petite table basse, nous dispense sa leçon de cuisine. Par le miracle de cette connivence autour de la vie quotidienne et du plaisir de préparer, tout
simplement, une bonne chose à manger pour ceux qu’on aime, nous oublions un moment ce qui nous entoure : la clôture, l’hostilité ambiante, le barrage militaire à portée de voix et la jeep stationnée là, toute la matinée,
s’imposant dans cet univers privé. Nous buvons du thé et Mounira, avec son pain, nous prépare de délicieuses galettes à l’huile d’olive et au « zatar », un mélange de plantes culinaires.
- L’univers de Mounira
- Photo Marie-jo
Puis, elle sort les photos et c’est alors que nous mesurons l’évolution en quelques mois. Hani avait des serres et une pépinière là où maintenant s’élève, impitoyable, le mur en béton. Là où poussaient toutes sortes d’arbustes et de plantes, il n’y a plus que ciment.
Cet été, IWPS aidé d’une artiste californienne a organisé la réalisation de peintures sur le mur par les enfants du village : des colombes et des grandes fleurs pour faire oublier l’enfermement et le désespoir.
Nous sommes reparties, nous avons laissé Mounira… en évitant de trop penser, en essayant de vite renvoyer au plus profond de nous même tout ce qui nous assaillait trop intensément face à ce drame, en Palestine occupée."
Marie Jo