Israël éprouve des difficultés croissantes à contrôler le mouvement de grève de la faim des prisonniers palestiniens, qui ne cesse de s’étendre. Commencée le 17 avril pour protester contre la pratique de la détention administrative (qui permet de maintenir un suspect en prison sans jugement, pendant une période de six mois renouvelable), cette action regrouperait aujourd’hui quelque 2 000 détenus, selon Addameer, l’association palestinienne de défense des droits des prisonniers.
Ce chiffre est corrigé à la baisse par Sivan Weizman, porte-parole de l’administration pénitentiaire israélienne, qui parle de 1500 à 1600 participants. La date du 17 avril ne doit rien au hasard : outre que c’est celle de la journée annuelle des prisonniers palestiniens, c’est aussi le jour où Khader Adnan, militant du Djihad islamique, avait été relâché, après une grève de la faim de soixante-six jours qui avait failli entraîner sa mort.
Devenu le symbole de la lutte contre la détention administrative, son exemple avait été suivi par Hana Shalabi, une Palestinienne qui avait accepté d’arrêter une grève de la faim de quarante-trois jours, en échange de sa déportation à Gaza, début avril, pendant une période de trois ans. Dans les deux cas, les autorités israéliennes avaient cédé, à la fois devant une mobilisation internationale devenue contre-productive pour l’Etat juif, et face au risque de déclencher des émeutes dans les prisons.
Nul doute que le résultat de ce conflit est présent à l’esprit des grévistes de la faim dont le nombre représente aujourd’hui plus du tiers des 4 700 prisonniers palestiniens détenus par Israël. Sur ce total, on compte 320 prisonniers en détention administrative. Le mouvement en cours vise à protester contre ce régime d’exception hérité de l’époque du mandat britannique, mais pas seulement : les prisonniers dénoncent l’isolement carcéral, la suppression de certains avantages, et la limitation des visites des avocats et des familles.
Deux prisonniers au moins sont dans un état critique : Bilal Diab, âgé de 27 ans, est originaire de Jénine, et Thaer Halahla, âgé de 33 ans, originaire de Hébron (tous deux membres du Djihad islamique), ont commencé leur grève de la faim le 29 février. Après soixante-six jours sans alimentation, ils sont entrés dans ce que les médecins appellent " une phase aléatoire de survie ". Les deux hommes ont comparu, jeudi 3 mai, sur une chaise roulante, devant le Cour suprême d’Israël, mais celle-ci a renvoyé sa décision sur une éventuelle remise en liberté à une date ultérieure.
Au moins six autres prisonniers sont dans un état de santé jugé alarmant. Ce mouvement de grève s’est étendu aux principaux centres de détention en Israël, et plusieurs chefs de file de la résistance palestinienne, comme Ahmad Saadat, chef du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), l’ont rejoint. Alors que les manifestations de solidarité se multiplient dans plusieurs villes palestiniennes, le gouvernement du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, hésite sur la conduite à adopter.
Si le mouvement bénéficie d’une relative mobilisation dans les territoires palestiniens occupés, la menace qu’il représente est plus médiatique que sécuritaire. Plusieurs ministres israéliens s’inquièteraient cependant de l’évolution de la situation : à en croire le journal Haaretz, Yitzhak Aharonovitch, ministre de la sécurité publique, s’est prononcé mardi pour une limitation de l’utilisation de la pratique de la détention administrative. De son côté, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a demandé aux membres du Quartet pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Union européenne, ONU et Russie) de faire pression sur Israël.