Il y a neuf ans, Ehud Barak, alors ministre de la Défense d’Israël, a prévenu que l’État juif ferait face à un « tsunami diplomatique » s’il ne proposait pas d’initiative pour faire avancer le processus de paix arabo-israélien.
Pendant les 11 ans du gouvernement de Benyamin Netanyahou, c’est le contraire qui s’est produit. Comme le Premier ministre a orienté la politique israélienne toujours plus à droite, il s’est fait le champion de la colonisation juive en Cisjordanie occupée, il a diabolisé les Palestiniens et a réussi à enterrer le débat israélien sur le concept de la terre contre la paix — le fondement internationalement accepté pendant des décennies sur lequel une résolution durable du conflit était censée être construite.
Cette stratégie n’a fait que détruire les espoirs des Palestiniens d’une solution à deux États. Mais M.Netanyahou se vante que les relations étrangères d’Israël n’ont jamais été si solides, un facteur qui l’a aidé à courtiser les électeurs puisqu’il a battu le record de longévité à son poste malgré les scandales et un procès pour corruption. Sa vantardise est une condamnation accablante de la faible réponse des États-Unis, de l’Europe et d’autres à sa position radicale sur la crise palestinienne et son dédain pour les conventions internationales.
Aujourd’hui, encouragé par Donald Trump, il menace d’annexer la vallée du Jourdain qui représente près de 30 % de la Cisjordanie, ainsi que les habitations de plus de 500 000 colons juifs dans les territoires occupés. M. Netanyahou prévoit que le processus juridique d’annexion sera mis en oeuvre à partir du 1er juillet. Une décision qui fait écho à la publication du « plan de paix » du président américain qui attend des Palestiniens - également mal servis par leurs propres dirigeants - qu’ils renoncent à des positions de négociation essentielles pour lesquelles ils se sont battus pendant trois décennies.
Si le projet d’annexion est aplliqué, cela rapprocherait Israéliens et Palestiniens d’une solution à seul État, où ces derniers auraient des droits limités et seraient confinés dans des enclaves de plus en plus petites. Avec M. Trump au pouvoir, les États-Unis — longtemps le principal intermédiaire dans le conflit arabe-israélien — devraient donner leur feu vert à l’annexion. Le président américain a déjà renversé des décennies de politique des États-Unis en reconnaissant Jérusalem comme la capitale d’Israël et en acceptant les prétentions d’Israël à la souveraineté sur les Hauteurs du Golan occupées.
Alors que le président s’engage sur la voie de l’imprudence au Moyen-Orient, il est temps que l’Europe se lève. Principal partenaire commercial d’Israël, elle compte une majorité de gouvernements qui considèrent que les colonies israéliennes sont illégales et qui soutiennent une solution à deux États.
Pourtant, alors que les États-Unis se sont empressés de condamner l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 et de prendre des sanctions à l’encontre de Moscou, leur réponse à la colonisation rampante par Israël reste très docile.
Dans l’intérêt des Palestiniens, pour la crédibilité de l’Union européenne et pour ce qu’il reste du processus de paix, l’Europe doit faire comprendre à M.Netanyahou que toute annexion aura des conséquences. Une mesure immédiate serait de menacer d’interdire les importations venant des colonies et de préciser que les entités israéliennes dans les territoire occupés ne seront pas traitées comme parties d’Israël.
M.Netanyahou doit être dissuadé avant d’agir. Crier après coup n’apportera pas grand- chose, il sera pratiquement impossible d’annuler les avancées territoriales illégitimes. Beaucoup d’Israéliens peuvent considérer l’annexion comme une victoire, mais la destruction des espoirs des Palestiniens d’un règlement équitable avec l’État juif annonce des problèmes à venir bien plus graves. Les jeunes Palestiniens, emprisonnés et asservis par l’occupationi, seront plus sensibles à la phraséologie de l’extrémisme. Si le monde extérieur permet à M. Netanyahou de poursuivre ses projets, il portera en partie la responsabilité des conséquences. L’heure est venue d’un tsunami diplomatique.