Avoir pu assister, avec trente autres militants de l’AFPS, à la
troisième conférence internationale organisée par le Comité
populaire de Bil’in (les 4, 5 et 6 juin) [1] restera un souvenir fort d’un événement
politique hautement significatif. Que faire à un moment où se
confirme la faillite d’Annapolis ? Que faire après l’échec de la
deuxième Intifada ? Que faire aussi après les affrontements internes
entre milices armées qui risquent de coincer la société
palestinienne entre deux options mortifères pour l’avenir
démocratique de la Palestine ? En un mot quelle stratégie nationale
de résistance populaire peut réunifier le peuple palestinien contre
l’occupation et la colonisation qui continuent. Tel fut l’arrière-
fond de cette conférence qui a permis une discussion ouverte,
publique, sans tabou et pour moi sans précédent.
Voir intervenir et discuter librement, en évitant toute attitude
dénonciatrice de "l’autre", à la fois des représentants de
l’Autorité palestinienne à commencer par le Premier ministre Salam
Fayyad, des représentants de tous les partis – sauf le Hamas,
invité mais qui n’a pas répondu – et des militants des différents
comités qui, comme Bil’in, luttent contre le mur était déjà en soi
un événement politique important. C’était aussi un événement
impressionnant car les présents étaient porteurs, chacun à sa
manière, de tout le patrimoine de lutte du mouvement de libération
nationale depuis les origines de l’OLP (lutte armée, lutte politique,
résistance non violente). Il faut ajouter, fait très significatif
pour l’avenir des rapports entre mouvement de libération et mouvement
de solidarité, que des militants israéliens et internationaux ont
pu participer librement au débat.
De ce processus de discussion il ressort que le choix d’une stratégie
de lutte civile non violente de masse s’appuie sur plusieurs raisons :
l’absence de crédibilité de l’option militaire,
elle permet la participation de toute la société pour déterminer
les modalités et les objectifs de l’action, préfigurant et
construisant ainsi une société et un Etat démocratiques,
c’est le moyen le plus puissant de réaliser l’unité nationale et
ainsi d’éviter la guerre fratricide et la militarisation anti-
démocratique de la société,
elle permet et a déjà permis un soutien politique international, y
compris en Israël. C’est une lutte véritablement internationaliste.
elle met ainsi l’ennemi en position politiquement difficile, ce qui
devrait l’obliger à un certain moment à reculer et à négocier.
Un dernier problème et non des moindres : le rapport avec le Hamas et
sa stratégie propre de résistance. Ce rapport est d’autant plus
problématique que la stratégie de lutte nationale non-violente se
propose comme devant être nationale, c’est-à-dire à l’échelle de
tout le territoire palestinien, et qu’elle est incompatible avec la
lutte armée. Or, en l’état, le Hamas, avec lequel tous les
participants demandent à discuter, semble être coincé dans une
logique militarisée. Cette contradiction avec la quasi totalité des
forces issues de l’OLP comporte, si elle n’est pas surmontée dans le
cadre de l’inévitable dialogue national voulu par presque tout le
monde, des risques de nouveaux affrontement entre groupes armés, ce
dont l’écrasante majorité du peuple ne veut pas.
On le voit, à Bil’in se sont posés les termes d’un débat inter-
palestinien d’une importance vitale pour l’avenir du projet national
palestinien.