Photo : Des soldats israéliens posent à l’intérieur d’une mosquée à laquelle ils ont mis feu à Gaza ville © Younis Tirawi
Le ministre israélien de la Justice, Yariv Levin, préconise une peine de 20 ans de prison pour les citoyens qui appellent à des sanctions contre l’État - qu’il s’agisse de sanctions contre ses dirigeants, ses militaires ou ses citoyens.
Cet appel fait suite à un discours prononcé par l’éditeur du quotidien Haaretz, Amos Shocken, lors d’une conférence à Londres, au cours de laquelle il a appelé à des sanctions à l’encontre d’Israël. Il a déclaré :
« On peut dire que ce qui se passe actuellement dans les territoires occupés et dans certaines parties de Gaza est une seconde Nakba... Un État palestinien doit être créé et le seul moyen d’y parvenir, selon moi, est d’appliquer des sanctions contre Israël, contre les dirigeants qui s’y opposent et contre les colons. »
En réponse, M. Levin a envoyé une lettre officielle au procureur général Gili Baharav Miara, qui a également été largement diffusée sur les réseaux sociaux. Voici le texte de sa lettre (traduit par Ofer Neiman) :
À : Gali Baharav Miara, Procureur général
Objet : Législation contre l’encouragement et le soutien à l’imposition de sanctions contre l’État d’Israël.
Selon les informations d’hier soir, l’éditeur du journal Haaretz, Amos Schocken, a appelé, alors qu’il se trouvait à l’étranger, à imposer des sanctions à l’État d’Israël et aux dirigeants israéliens. Ce n’est pas la première fois que des citoyens israéliens agissent de la sorte.
Comme nous le savons, l’État d’Israël est en guerre sur plusieurs fronts depuis plus d’un an, contre le terrorisme meurtrier, notamment contre l’organisation du Hamas. Un appel à imposer des sanctions à Israël, à ses dirigeants, aux membres des forces de sécurité et aux citoyens israéliens constitue une violation flagrante du devoir de loyauté le plus élémentaire d’un citoyen envers son pays. Cela équivaut à encourager et à promouvoir un mouvement dont le but est de nier le droit d’Israël à l’autodéfense. Cet acte est d’autant plus grave qu’il est commis au cours d’une guerre existentielle, et que nos filles et nos fils sont détenus dans des conditions inhumaines par une organisation terroriste meurtrière.
Compte tenu de ce qui précède, je vous prie de m’envoyer d’urgence une note de projet de loi qui stipulerait que les actions des citoyens israéliens visant à promouvoir ou à encourager l’imposition de sanctions internationales à Israël, à ses dirigeants, aux membres des forces de sécurité et aux citoyens d’Israël, constitueront un délit pénal passible de dix ans de prison. Je demande également que la commission d’une telle infraction en temps de guerre constitue une circonstance aggravante qui permettrait de doubler la peine d’emprisonnement.
Yariv Levin, ministre de la Justice et Premier ministre adjoint
La nécessité de sanctionner Israël est évidente et constitue en fait une obligation légale. Israël a promulgué diverses lois « anti-boycott », depuis la loi de 2011 ( le plus souvent destinée à lutter contre les tentatives de « boycott sélectif » contre les colonies illégales) jusqu’à sa liste noire de 2018 des organisations (y compris juives) qui promeuvent d’une manière ou d’une autre le boycott, le désinvestissement et les sanctions (BDS) qui entendent amener Israël à rendre des comptes pour ses violations du droit international.
Les États-Unis sont également un acteur majeur de cette pression anti-BDS, puisque 38 États appliquent désormais des lois punissant les entreprises responsables qui choisissent de ne pas se rendre complices de graves violations des droits de l’homme.
La volonté du ministre de la Justice israélien de punir sévèrement les citoyens israéliens responsables devrait être un signal d’alarme pour tous, à l’échelle internationale. Une raison de plus de boycotter, désinvestir et sanctionner Israël.
Mais cette partie du discours de Shocken n’est pas la seule à avoir soulevé l’ire de la société israélienne.
Après avoir appelé à des sanctions, M. Shocken a poursuivi :
« Le gouvernement Netanyahu ne se soucie pas d’imposer un régime d’apartheid cruel à la population palestinienne. Il fait fi des coûts supportés par les deux camps pour défendre les colonies tout en combattant les combattants de la liberté palestiniens, qu’Israël qualifie de terroristes. »
La réaction a été fulgurante, et le ministre israélien des Communications, Shlomo Karhi, a de nouveau appelé le gouvernement à boycotter Haaretz (l’année dernière, il avait encouragé une initiative similaire - mettant fin à la publicité gouvernementale du journal et annulant tous les abonnements pour les employés de l’État).
Cédant à la critique, Shocken a tenté de revenir sur ses propos :
« Compte tenu des réactions suscitées par le fait que j’ai qualifié de combattants de la liberté les Palestiniens qui commettent des actes de terrorisme, j’ai reconsidéré mes propos. De nombreux combattants de la liberté dans le monde et au cours de l’histoire, peut-être même ceux qui ont lutté pour la création d’Israël, ont commis de terribles actes de terrorisme, blessant des innocents pour atteindre leurs objectifs. J’aurais dû dire : des combattants de la liberté qui ont également recours à des tactiques de terreur - qui doivent être combattues. Le recours à la terreur n’est pas légitime. J’ai commis l’erreur de ne pas le mentionner. »
Et il a ajouté : « Pour dissiper tout doute, le Hamas n’est pas un combattant de la liberté ».
Shocken aurait pu ses contenter de dire que les combattants de la liberté peuvent aussi finir par commettre des crimes de guerre, mais il a décidé de tout ramener au récit du Hamas et de la terreur, juste par sécurité, semble-t-il.
Il faut également de préciser que le journal de Shocken, Haaretz, a également joué un rôle dans la diffusion de la propagande génocidaire, et que Shocken a même personnellement contribué à la promouvoir.
Mais l’histoire ne se limite heureusement pas à Shocken et Haaretz.
Traduction : Spirit of free speech