« Ce genre de choses ne doit
pas se reproduire. Tant
que cela ne changera pas,
nous n’aurons pas vraiment gagné ».
Ce jugement en forme d’appel, lancé sur
la chaîne de télévision Sky News, est
celui de Sophie Hurndall, la soeur de
Tom Hurndall, militant britannique de
l’International Solidarity Movement,
atteint d’une balle dans la tête par un
soldat israélien, en avril 2003 dans le
camp de Rafah, au sud de la bande de
Gaza.
Jeune étudiant de 22 ans, Tom Hurndall
prenait des photos et aidait des
enfants palestiniens à échapper au tir
des chars lorsqu’un sergent de l’armée
israélienne lui a tiré une balle dans la
tête avec un fusil de précision. Il est
décédé après neuf mois de coma, le 14
janvier 2004, dans un hôpital de Londres.
Taysir Wahid, militaire d’une unité
d’éclaireurs bédouins, a été condamné
à huit ans de prison par le tribunal militaire
de Kastina, près d’Ashkelon. Fin
juin, le tribunal l’avait reconnu coupable.
Il l’avait également déclaré coupable
d’obstruction à la justice et de
faux témoignage. Celui-ci prétendait
que Tom Hurndall avait pénétré dans
une zone interdite et que, voulant lui
donner une leçon, il aurait tiré par inadvertance.
La peine devait être prononcée
en août.
La famille du jeune pacifiste avait réclamé
que le soldat soit poursuivi pour meurtre
et non pour homicide involontaire. Elle
a continué à subir les harassements israéliens.
Si le père de la victime a pu assister
au procès du 27 juin, son frère,
William, avait d’abord été détenu à
l’aéroport par les autorités israéliennes
à son arrivée. Il n’avait finalement été
autorisé à entrer en Israël que sous certaines
conditions : pas plus de vingt quatre
heures, accompagné d’un représentant
officiel de l’ambassade
britannique, et sans aucune possibilité de
se rendre ni en Cisjordanie, ni dans la
bande de Gaza sur les lieux du meurtre.
Comme le souligne Maître Feldman,
son avocat, « en tant que frère de la victime
d’un crime, qui cherche à user de
ses droits reconnus et à assister à une
audition importante dans l’affaire de
son proche, le requérant s’attendait à ce
qu’on le traite avec respect et non à être
confronté à un rejet arbitraire et à la
stipulation de conditions très dures ».
D’autres militants d’ISM ont été blessés
par des tirs de l’armée israélienne
en Cisjordanie et dans la bande de Gaza
depuis le début de l’Intifada en septembre
2000. Après le décès de Rachel
Corrie, 23 ans, mortellement écrasée
par un bulldozer en mars 2003 à Rafah,
une enquête de l’armée avait conclu à un
« accident ». Avec plus de 3000 morts
civils palestiniens en cinq ans, quasiment
aucun jugement n’est intervenu.
Un récent rapport de Human Rights
Watch souligne que l’échec des autorités
israéliennes à poursuivre les soldats
ayant tué ou blessé des civils palestiniens
a généré au sein de l’armée une
« culture de l’impunité ». L’appel de
Sophie Hurndall doit être entendu. Cela
suppose le jugement de tous les soldats
et officiers responsables de tels crimes
en Palestine occupée, de ceux qui, depuis
le gouvernement lui-même, donnent les
ordres et créent le climat de terreur propice
à cette politique d’assassinats. Et cela
suppose aussi la fin de l’occupation.
I.A.