Face au blocage des négociations avec Israël, une demande d’adhésion de la Palestine va être déposée à l’ONU. Quelle est la portée politique d’une telle requête ?
La décision de l’Autorité palestinienne fait suite à plusieurs années de réorganisation du pouvoir interne et de mise en place des outils pour un futur Etat palestinien indépendant sur les lignes de 1967, par l’action de Salam Fayyad, l’actuel Premier ministre. La réconciliation avec le Hamas -sincère ou d’intérêt- était indispensable pour que la demande de Mahmoud Abbas puisse refléter le désir d’une majorité. La portée politique d’un tel acte est forte à trois égards : du président palestinien à l’égard du Hamas afin de rappeler qu’il reste le chef ; des Palestiniens à l’égard des Israéliens qui n’en peuvent plus de la colonisation permanente et croissante depuis 20 ans ; et enfin des Palestiniens à l’égard de la communauté internationale qui bien que médiatrice, via les USA et le Quartet, ne parvient pas à contenir la montée extrémiste du gouvernement de Netanyahou et de Liebermann. Malgré une apparente volonté de dialogue, ce gouvernement n’est encore prêt à aucune concession.
Cette demande a-t-elle une chance d’aboutir ? Va-t-elle servir à relancer les négociations avec Israël ?
A priori, la pression contre les USA pour qu’ils posent leur droit de veto devrait malheureusement l’emporter et réduire à néant la volonté palestinienne. Alors que l’on croyait que l’administration Obama-Clinton parviendrait à relancer les négociations, elle n’est allée que d’échec en échec, devant les refus successifs du Premier ministre de ralentir ou stopper la colonisation des Territoires. Ce qui est intéressant, c’est que de plus en plus de pays, membres de l’ONU, font le processus de reconnaissance. Peut-être qu’alors, la vraie question reviendra : celle de donner plus de poids aux puissances émergentes au sein du Conseil de sécurité, et de reconsidérer l’évolution de la géopolitique mondiale en faisant de l’ONU un instrument plus démocratique. Est-il normal que la Palestine ne voit pas le jour juste parce que les USA en ont décidé ainsi ?
Le Printemps arabe a-t-il changé la donne pour la reconnaissance d’un Etat palestinien ?
En quelque sorte oui et indirectement. Un changement peut venir de cette nouvelle dynamique qui se crée en Israël depuis quelques semaines. Les Israéliens ne supportent plus que tout soit investi pour la sécurité : un tiers vit en dessous du seuil de pauvreté et beaucoup ne peuvent plus se loger ni nourrir leur famille. Après la manifestation du 15 juillet à Jérusalem pour la reconnaissance d’un Etat palestinien, et après les manifestations nationales qui ont regroupé le week-end dernier près de 150 000 Israéliens, on pourrait assister à une renaissance de la gauche, une gauche sociale et plus soucieuse du quotidien des Israéliens.
Selon vous, ce mouvement pourrait donc bénéficier à la Palestine ?
En cela, le Printemps et l’été arabe ont eu un impact énorme en interne : les Israéliens se sont dits « Si les Arabes peuvent changer leur destin, nous aussi, et il n’y a plus de fatalité à l’impasse sécuritaire et économiquement dramatique dans laquelle nous vivons ». Si la droite coalisée à l’extrême-droite ne prend pas bien le virage, il se pourrait qu’une nouvelle force d’opposition puisse faire renaître l’espoir : un espoir interne pour l’amélioration du niveau de vie des Israéliens et un espoir externe pour la relance du processus de paix avec les Palestiniens.
Sébastien Boussois est chercheur post doctorant à l’Université Libre de Bruxelles et au Centre Benveniste (EPHE Sorbonne), spécialiste de la question israélo-palestinienne et auteur de « Israël, l’enfer du décor, dix ans de radicalisation » (éditions du Cygne, Paris, 2011).