L’annonce faite mardi par le coordinateur israélien des activités gouvernementales dans les territoires - selon laquelle la résidence palestinienne sera accordée à 1200 personnes qui vivent en Cisjordanie ou dans la bande de Gaza avec leur famille depuis de nombreuses années - a inquiété et déconcerté les personnes les plus concernées par cette question.
Parmi elles, les militants du mouvement "Réunification des familles - Mon droit", dont les manifestations de l’année dernière ont remis la question de la résidence à l’ordre du jour de la coordination entre l’Autorité palestinienne et Israël. Selon ces militants, les personnes en attente de résidence en Cisjordanie et à Gaza sont bien plus nombreuses que les 1 200 personnes. Et Haaretz a découvert que ces personnes et leurs familles ont effectivement des raisons d’être inquiètes et déçues.
Fin août, le ministre de la défense Benny Gantz a rencontré le président palestinien Mahmoud Abbas et le ministre des affaires civiles de l’AP, Hussein al-Sheikh. À l’issue de cette rencontre, le ministère de la défense a annoncé qu’en guise de geste, il approuverait la résidence palestinienne d’un certain nombre de personnes.
Le ministère n’a jamais donné de chiffre officiel, mais d’après des conversations avec des responsables du ministère des affaires civiles de l’AP, les militants ont compris que la résidence serait accordée à environ 5 000 personnes, en plusieurs étapes. Il s’avère aujourd’hui que ce nombre est bien inférieur.
Un responsable de la défense israélienne a déclaré qu’il ne savait pas d’où venait le chiffre de 5 000, mais pour l’instant, le gouvernement a décidé d’approuver les modifications du registre de la population palestinienne pour un total de 4 000 personnes seulement. Cela signifie que le ministère palestinien de l’intérieur pourra désormais délivrer des cartes d’identité palestiniennes à certaines d’entre elles, et mettre à jour le lieu de résidence sur les cartes d’identité existantes des autres.
Selon une déclaration publiée par Al-Sheikh mardi, il ne s’agit que du premier versement. Mais le responsable de la défense a déclaré qu’il n’était pas au courant d’autres versements.
En outre, seules 1 200 de ces 4 000 personnes se voient effectivement accorder la résidence. Pour les 2 800 autres, Israël laisse simplement l’AP modifier leur lieu de résidence sur leur carte d’identité. Ces 2 800 personnes sont des résidents palestiniens enregistrés, nés à Gaza et vivant en Cisjordanie depuis 15 ans ou plus. Jusqu’à présent, Israël n’a pas approuvé leur changement d’adresse, ce qui restreint considérablement leur liberté de mouvement en Cisjordanie.
Le responsable de la défense a également déclaré que les 442 adultes palestiniens qui ont obtenu la résidence la semaine dernière - tous des personnes dont les parents sont déjà résidents - sont également inclus dans les 4 000. En d’autres termes, ils doivent être déduits des 1 200 personnes qui obtiennent la résidence pour la première fois.
Et en effet, lorsque le nombre de personnes pouvant prétendre à une carte d’identité a été publié mardi soir, il s’élevait à environ 700. Les militants de l’association "Réunification des familles - Mon droit" ont déclaré qu’aucun d’entre eux ne figurait sur la liste.
Le responsable de la défense a dit qu’il ne sait pas combien de personnes ont soumis des demandes de regroupement familial à l’AP, ce qui était une condition pour recevoir la résidence.
"Ce n’est pas le cas que tous les dossiers viennent du ministère palestinien des affaires civiles à l’administration civile pour un examen préalable", a-t-il dit. "Lors des réunions de coordination qui ont lieu chaque jour entre les parties, la partie palestinienne apporte les dossiers et les demandes qu’elle propose d’accepter, et ensemble ils examinent qui répond aux critères."
Jusqu’à présent, ni les militants ni Haaretz n’ont pu savoir combien de demandes de regroupement familial le ministère des Affaires civiles a reçu. Les Palestiniens affirment que seul Israël sait combien de personnes - pour la plupart des Palestiniens - vivent en Cisjordanie sans résidence légale. Israël prétend que seule l’AP le sait, alors que c’est Israël qui contrôle les frontières et enregistre toutes les personnes qui entrent ou sortent.
Les Palestiniens qu’Israël autorise à changer d’adresse se répartissent en deux grandes catégories. La première est constituée de personnes nées à Gaza qui ont passé toute leur vie d’adulte en Cisjordanie. Ils y sont arrivés enfants dans les années 1990 avec leurs parents et ne connaissent pas du tout Gaza.
Le second groupe est constitué de personnes qui ont déménagé en Cisjordanie à l’âge adulte pour des raisons personnelles, économiques ou sociales. Pendant des années, ils ont vécu dans la crainte d’être déportés en Cisjordanie, comme cela s’est produit plus d’une fois.
Ce qui inquiète la communauté des Gazaouis vivant en Cisjordanie, c’est que cette autorisation de changer d’adresse exclut les personnes qui sont arrivées après la guerre civile entre le Hamas et le Fatah en 2007, en raison du blocus israélien de Gaza ou parce qu’elles ne voulaient pas vivre sous un gouvernement Hamas. Leur nombre n’a pas été publié.
L’annonce de mardi montre une fois de plus à quel point Israël contrôle la vie civile palestinienne. Vingt-huit ans après qu’Israël et les Palestiniens ont signé la Déclaration de principes (la base des accords d’Oslo) et 22 ans après que la "période intérimaire" était censée prendre fin, Israël contrôle toujours le registre de la population palestinienne et détermine quand, à qui et à combien de personnes le ministère de l’Intérieur palestinien peut délivrer des cartes d’identité (à l’exception des personnes nées dans les territoires, qui sont enregistrées immédiatement après la naissance).
L’annonce de mardi montre également une fois de plus à quel point Israël joue avec l’accord intérimaire vieux de 26 ans (également connu sous le nom d’Oslo 2). Quand il le souhaite, il déclare que l’accord est en vigueur - par exemple, en ce qui concerne la coordination de la sécurité ou l’interdiction faite à l’AP de planifier, développer et construire dans la partie de la Cisjordanie connue sous le nom de zone C.
Et quand il le veut, il se moque des dispositions de l’accord - comme celle qui l’oblige à coordonner avec l’AP l’octroi de la résidence à environ 4 000 personnes par an par le biais du processus de regroupement familial, une disposition qui a été gelée en 2000. Ou encore la disposition qui donne au ministère palestinien de l’intérieur le pouvoir de mettre à jour les adresses figurant sur les cartes d’identité des personnes dans sa base de données et de simplement informer Israël de ce changement.
En principe, selon les accords d’Oslo et la compréhension des Palestiniens, déménager de Gaza à Ramallah n’est pas différent de déménager de Naplouse ou de Jénine à Ramallah. Chaque Palestinien est libre de décider pour lui-même, tout comme les Israéliens peuvent décider de déménager de Nahariya à Ramat Gan.
Mais en 1996, peu après l’extension de l’Autorité palestinienne de Gaza et Jéricho à d’autres villes de Cisjordanie - et bien avant la seconde Intifada et la montée du Hamas - Israël a clairement indiqué que le déménagement de Gaza en Cisjordanie et le changement d’adresse en conséquence sur la carte d’identité palestinienne ne seraient possibles qu’avec l’approbation d’Israël.
Même à l’époque, cette autorisation n’était accordée qu’après des demandes répétées et des années d’attente, pendant lesquelles ces Palestiniens ne pouvaient pas se déplacer librement et vivaient dans la crainte constante d’être expulsés. Aujourd’hui, Israël interdit totalement aux Gazaouis de se déplacer en Cisjordanie.
Il y a des Gazaouis qui sont venus en Cisjordanie après 2007 avec un permis d’un jour, puis sont restés et ont cherché du travail. Beaucoup d’entre eux ont été coupés de leurs familles restées à Gaza. Ils sont attachés à la capitale du district où ils vivent et ont constamment peur qu’Israël les expulse vers Gaza.
Ces dernières semaines, le bureau de coordination et de liaison du district israélien leur a envoyé des messages indiquant qu’il menait une campagne pour renvoyer les gens à Gaza dans des navettes depuis le poste de contrôle de Qalandiyah, et qu’aucune procédure pénale (pour "résidence illégale" en Cisjordanie) ne serait engagée contre les participants. Maintenant qu’ils ont été rayés de la liste des 2 800 personnes, ils craignent qu’Israël n’envisage de sévir et de les renvoyer de force à Gaza.
Traduction : AFPS