Photo : Dr Muhammad Abu Salmiya, directeur de l’hôpital Al-Shifa à Gaza, a été relâché de détention le 1er juillet 2024, 7 mois après le raid de l’armée israélienne dans l’hôpital © Quds News Network
Le directeur du plus grand hôpital de la bande de Gaza a accusé Israël de l’avoir torturé, ainsi que d’autres détenus, à la suite de sa libération après sept mois passés dans des prisons et des centres de détention israéliens.
Mohammed Abu Salmiya, directeur de l’hôpital al-Shifa de la ville de Gaza, fait partie des dizaines de Palestiniens libérés et renvoyés à Gaza lundi, selon les autorités israéliennes.
Le médecin, qui était détenu par Israël sans inculpation depuis son arrestation sur son lieu de travail en novembre, a déclaré que lui et d’autres prisonniers avaient été soumis à une "torture quasi quotidienne" pendant leur détention en Israël.
Les mauvais traitements comprenaient des agressions avec des matraques et des chiens, la privation de nourriture et de médicaments, ainsi que des humiliations physiques et psychologiques, a déclaré M. Abu Salmiya.
D’autres détenus libérés en même temps qu’Abu Salmiya ont également fait état de mauvais traitements. Ces allégations n’ont pas pu être confirmées de manière indépendante, mais elles correspondent à d’autres récits de Palestiniens qui ont été détenus par Israël.
Abu Salmiya a également déclaré que le personnel médical des différents centres où il était détenu avait participé aux mauvais traitements "en violation de toutes les lois" et que certains détenus avaient été amputés d’un membre en raison de la médiocrité des soins médicaux.
L’administration pénitentiaire israélienne n’a pas réagi dans l’immédiat et a déjà nié plusieurs accusations similaires.
La libération d’Abu Salmiya a provoqué une polémique politique en Israël, les plus hauts responsables du pays ayant nié avoir eu connaissance de cette décision.
L’agence de renseignement israélienne Shin Bet a déclaré qu’elle avait décidé de cette libération avec l’armée israélienne "pour libérer des places dans les centres de détention". L’agence a déclaré qu’elle "s’opposait à la libération de terroristes" qui avaient participé à des attaques contre des civils israéliens "et qu’il a donc été décidé de libérer plusieurs détenus de Gaza qui représentent un danger moindre".
Itamar Ben-Gvir, le ministre israélien de la sécurité nationale (extrême droite), qui contrôle la police et l’administration pénitentiaire, a déclaré que la libération d’Abu Salmiya et d’autres détenus constituait une "négligence en matière de sécurité" et a rejeté la faute sur le ministère de la défense, qui a nié toute responsabilité. Le chef de l’opposition, Yair Lapid, a déclaré que la libération d’Abu Salmiya était un autre signe de "l’anarchie et du dysfonctionnement" du gouvernement.
Cette querelle survient alors que l’armée israélienne a ordonné une nouvelle évacuation massive des Palestiniens de la majeure partie de la deuxième ville de Gaza, Khan Younis, ce qui indique que les troupes sont prêtes à lancer un nouvel assaut terrestre sur la ville.
Une grande partie de Khan Younis a été détruite lors d’un long assaut au début de l’année, mais un grand nombre de Palestiniens sont revenus depuis pour échapper à une nouvelle offensive israélienne à Rafah, la ville la plus méridionale du territoire.
Des affrontements sporadiques se sont poursuivis à Rafah et ailleurs dans la bande de Gaza lundi, selon des habitants et des responsables locaux. La branche armée du Jihad islamique, un allié du Hamas soutenu par l’Iran, a déclaré avoir tiré des roquettes en direction de plusieurs communautés israéliennes situées près de la frontière avec Gaza. La volée n’a pas fait de victimes, a déclaré l’armée israélienne.
Abu Salmiya a été arrêté lorsque les forces israéliennes ont effectué un raid sur l’hôpital al-Shifa en novembre, après avoir affirmé que le Hamas avait créé un centre de commandement et de contrôle élaboré à l’intérieur du complexe médical tentaculaire.
L’armée a découvert un tunnel sous l’hôpital menant à quelques chambres, ainsi que d’autres preuves de la présence de militants à l’intérieur de l’établissement, mais peu d’éléments ont permis d’étayer les affirmations faites avant le raid selon lesquelles le complexe dissimulait une base de commandement souterraine sophistiquée.
L’armée a effectué un second raid sur al-Shifa au début de l’année, causant de lourdes destructions, après avoir affirmé que des militants s’y étaient regroupés.
Israël a effectué des raids dans plusieurs autres hôpitaux de Gaza après avoir fait des allégations similaires, les obligeant à fermer ou à réduire considérablement leurs services. Les hôpitaux peuvent perdre leur protection en vertu du droit international si les combattants les utilisent à des fins militaires.
Depuis le début de la guerre, les forces israéliennes ont arrêté des milliers de Palestiniens de Gaza et de la Cisjordanie occupée, encombrant les centres de détention militaires et les prisons. Nombre d’entre eux sont détenus sans inculpation ni jugement dans le cadre de ce que l’on appelle la détention administrative.
En mai, le Guardian a fait état d’allégations de mauvais traitements généralisés dans le centre de détention de Sde Teiman, situé dans le désert du Néguev, dans le sud d’Israël, sur la base de témoignages de dénonciateurs.
D’autres médias ont également fait état de multiples descriptions de mauvais traitements dans ce camp, où des milliers de personnes originaires de Gaza sont détenues depuis le début de la guerre.
Le mois dernier, la Haute Cour de justice israélienne a ordonné au gouvernement israélien de l’informer des conditions de détention dans le camp, à la suite d’une requête d’organisations de défense des droits humains.
Israël a lancé son offensive contre Gaza après l’attaque surprise du Hamas contre le sud d’Israël en octobre, au cours de laquelle des militants palestiniens ont tué 1 200 personnes, pour la plupart des civils, et en ont pris 250 autres en otage.
La guerre a tué au moins 37 900 Palestiniens, selon le ministère de la santé de Gaza. Ce chiffre ne fait pas de distinction entre les combattants et les civils, mais près de la moitié des 28 000 personnes qui ont été entièrement identifiées étaient des femmes et des enfants.
Traduction : AFPS