Le 24 mars, en Cisjordanie, Naji Tantara a été hospitalisé avec une fracture du crâne après avoir été attaqué à la hâche. Arua Bassan a été frappé au visage avec un marteau et battu par des jeunes armés de barres de fer. Huit colons ont encerclé Ali Zoabi alors qu’il était étendu au sol, pour le frapper sans relâche.
Ces dernières semaines, les forces de police israéliennes comme les organisations de défense des droits de l’homme ont enregistré une hausse des attaques de Palestiniens par des Juifs en Cisjordanie expliquée à chaque fois par la fermeture des établissements scolaires par décision gouvernementale à cause de l’épidémie de coronavirus.
Hâche, marteau et barres de fer
Le 24 mars, an début d’après-midi, un colon et son troupeau de vaches sont arrivés dans le champ d’oliviers du village de Umm Safa, au nord de Ramallah. Les habitants racontent qu’ils connaissent ce colon qui vit dans un avant-poste agricole depuis deux ans et qu’il essaie régulièrement d’empêcher les villageois de s’approcher de son terrain.
Said Tantara, un habitant de Umm Safa, raconte que quand le troupeau est arrivé dans les oliviers, quelques jeunes ont commencé à jeter des pierres pour faire sortir les bêtes de là. Naji Tantara, le cousin de Said et chef adjoint du conseil de village, est allé à la rencontre du colon pour lui demander de garder ses vaches à bonne distance du champ d’oliviers.
Quelques minutes plus tard, quatre autres colons ont fait leur apparition - deux d’entre eux armés de fusils, un d’une hâche et un autre d’une crosse en bois. Naji raconte qu’il a senti des coups sur sa tête et son dos avant de perdre connaissance. Peu de temps après, des soldats sont arrivés et les attaquants se sont enfuis. Naji a été transporté à l’hôpital à Ramallah où il a subi une intervention pour sa fracture du crâne.
« J’ai passé 5 jours à l’hôpital avant de partir dès que je le pouvais, j’avais vraiment peur d’attraper le corona », raconte Naji, 45 ans. « Je continue de perdre l’équilibre dès que je me lève, j’ai des vertiges. En temps normal, je serais resté à l’hôpital plus longtemps mais nous ne vivons pas une situation ordinaire. »
Deux jours après, des officiers de police sont venus dans le village après avoir eu vent de l’incident, raconte Said. Depuis, plus personne n’a entendu parlé de la police.
Arua Nasan, du village d’Al-Mo’eir au nord de Ramallah, raconte que son cousin et lui étaient en chemin pour aller cueillir de l’akoub près d’une source fréquentée par les colons comme par les Palestiniens de la région. « Nous étions sur la route principale quand nous avons vu trois colons sur des ânes arrivés face à nous. Au départ nous n’avons d’ailleurs même pas remarqué que c’était des colons. Ils avaient 16, 17 ans, on aurait dit des enfants, et quand ils sont arrivés plus près, ils nous ont demandé ce qu’on faisait là en nous disant que nous n’avions pas le droit de venir ici. »
À ce moment là, un des jeunes a téléphone à quelqu’un. En moins d’une minute, deux voitures sont arrivées de la colonie de Kochav Hashahar. Le cousin de Nasan a fait demi-tour pour demander de l’aide auprès d’un véhicule militaire qu’ils avaient vu à proximité. Les jeunes ont crié à Nasan de jeter la houe, avec laquelle il avait prévu de ramasser l’akoub. « Je ne l’ai pas lâchée, je voulais la garder pour me défendre », explique-t-il. Un des colons s’est jeté sur lui avec un marteau, le frappant au visage pendant que les autres le frappaient avec des barres de fer.
Le véhicule militaire est alors apparu, la plupart des jeunes ont grimpé dans une voiture et ont quitté les lieux. Les soldats ont pris les numéros de téléphone de ceux qui restaient. « Je leur ai dit de vérifier leurs téléphones pour trouver le numéro qu’ils avaient appelé juste avant l’attaque », explique Nasan. Il est alors emmené à l’hôpital où on lui diagnostique des blessures à la mâchoire et à l’épaule. Il en est ressorti quelques heures plus tard et a déposé plainte le lendemain, au commissariat de Binyamin en Cisjordanie. « Je voulais voir s’ils allaient faire quelque chose après tout, si j’avais frappé un Juif, je serais en prison à l’heure qu’il est. » Jusqu’à présent, il n’a reçu aucune nouvelle de la police. « S’ils ne font rien, je saurai que la loi ne me protège pas - pas en tant que Palestinien ou Israélien - mais en tant qu’être humain. »
La violence ne fera qu’augmenter et se propager
Les informations rassemblées par l’association de défense des droits de l’homme Yesh Din montrent que 91% des plaintes déposées à la police israélienne en Cisjordanie à la suite de crimes commis par des colons sont classées sans suite. « La quantité et la gravité des cas de violence que nous avons traités ces dernières semaines sont époustouflantes », reconnaît le directeur de Yesh Din, Lior Amihai. « Aussi longtemps que les autorités continueront d’ignorer les vies des Palestiniens plutôt que de les protéger et d’arrêter ces hooligans, la violence des colons ira en augmentant et en en propageant. »
Au cours des dernières semaines, les résidents des villages voisins de la colonie de Homesh, évacuée en 2005 selon le plan d’évacuation, ont fait état de cinq violents incidents commis par des colons. Malgré l’évacuation, les propriétaires palestiniens ne sont pas autorisés à accéder à leurs terres alors que les colons continuent de venir sur ce lieu qu’ils sont sensés avoir évacué, et y ont même installé une yeshiva.
En décembre dernier, un tribunal a ordonné à l’état de permettre aux propriétaires palestiniens d’accéder à leurs terres de Homesh, mais les colons continuent à les en empêcher physiquement. Ali Zoabi, un habitant du village de Fandaqumiya raconte qu’il partait ramasser du za’atar sur son terrain, dans le village d’Asam, le 24 mars. Il était près de 17 heures parce qu’ils savent que les colons partent en début de soirée. « Nous ne les avons pas vus tout de suite mais soudain, huit colons qui devaient se cacher derrière un rocher ont surgi devant nous. J’ai couru dans une direction, Ali dans une autre, mais je pouvais encore voir ce qui se passait. »
Ali raconte qu’il est tombé en courant et que le groupe l’a alors encerclé avant de commencer à le frapper. Quelques minutes plus tard, une voiture palestinienne est apparu qui a fait fuir les assaillants. Ali a été transporté à Jénine où il a été hospitalisé pendant deux jours, blessé aux bras et aux jambes. Asam a fait part de cet incident au bureau palestinien de coordination à Naplouse et à Jénine, chargé des relations avec Israël. Quatre jours auparavant, alors qu’il marchait sur la colline, des pierres avaient été jetées sur Ali. Asam estime que depuis le début de l’épidémie de coronavirus, la violence redouble. « C’est très clair, ils n’ont plus du tout honte et à ce stade, ils ne laisseront personne des villages aller là-bas. »
D’autres colons ont d’autres fois vandalisés d’autres propriétés palestiniennes. Le 15 mars, les vitres de douze voitures ont été brisées et les pneus éclatés à Huwara, près de la colonie de Yitzhar. Les véhicules appartenaient à Abadallah Odeh, propriétaire d’un parc automobile. L’incident a été filmé par la chaîne CCTV avant que des policiers et des soldats viennent réclamer, le jour même, l’enregistrement. On a dit à Odeh qu’une enquête avait été ouverte mais depuis, rien ... « Ils m’ont dit qu’on me tiendrait au courant le lendemain mais personne ne m’a plus appelé depuis », raconte-t-il.
La police a indiqué qu’elle considérait comme sinistre tout acte de violence ou de brutalité et que les plaintes déposées auprès de la police faisaient l’objet d’une enquête « professionnelle et approfondie. »
« Des plaintes ont été déposées au sujet des incidents récents décrits et des enquêtes ont été lancées et sont en cours, à l’exception de l’incident du 24 mars à Homesh, au sujet duquel aucune plainte n’a été déposée », selon une déclaration de la police.
Traduction AFPS