Depuis les années 80 et les premiers films de Michel Khleifi, les cinéastes exposent leur point de vue sur leur société, une approche introspective qui, plaçant la stratégie coloniale israélienne en filigrane, montre comment celle-ci utilise les failles de la société palestinienne pour mieux la déstructurer et en accélérer l’effacement.
Tout en continuant d’explorer les ressources inépuisables du documentaire, c’est avec la fiction que ces cinéastes excellent aujourd’hui à mettre en scène la réalité qu’on ne peut ou ne veut pas voir, comme le font les réalisateurs du monde entier, de toutes les époques, qui campent des personnages positifs ou négatifs de leur société, réalisant des chefs-d’œuvre dans tous les genres. Le cinéma, comme les autres arts narratifs, reflète la société et nous ne reprochons pas à nos cinéastes d’exposer les travers de nos semblables. En s’intéressant à leur société, les cinéastes palestiniens, en tant qu’artistes, la révèlent au monde et leurs films nous invitent à nous poser des questions universelles.
Certains de ces films sont mal reçus et parfois censurés en Palestine par les sphères officielles, religieuses ou traditionalistes qui ne sont pas prêtes à accepter de regarder en face ce que leur renvoie le miroir. Elles dénoncent alors l’obscénité de ces films, leur traîtrise, leur dévalorisation de la résistance ou leur utilisation de figures de style séduisantes pour les circuits de distribution cinématographique occidentaux.
Confrontés aux difficultés de trouver les moyens de produire leurs films en Palestine ou en Israël, victimes de l’oppression coloniale, les cinéastes palestiniens trouvent souvent la liberté d’exercer leur art dans des pays d’adoption ou d’accueil provisoire, néanmoins leurs objectifs restent braqués sur la Palestine et le nom d’une structure de production palestinienne figure toujours aux côtés des structures de production internationales au générique.
Avec humour, Elia Suleiman, ce M. Hulot galiléen, observe les gens de Nazareth mais aussi un Nazaréen en vadrouille dans le monde, Amer Shomali tourne en dérision la traque des 18 fugitives. Dynamisant le réel, les Foragers de Jumana Manna jouent leur propre rôle. Dans le genre fantastique, Larissa Sansour installe l’État palestinien dans des univers improbables et Muayad Alayan réveille un fantôme qui hante Une maison à Jérusalem où vit une jeune juive. Peintures sociales, Héritage de Hiam Abbas, Je danserai si je veux de Maysaloun Hamoud et les films des frères Nasser, d’Annemarie Jacir, de Hany Abu Assad, de Rashid Masharawi, de Maï Masri, de Firas Khoury et de tant d’autres, contribuent à l’édification et à la préservation de la mémoire d’un peuple que la guerre coloniale génocidaire menée par Israël tente d’anéantir.
Soutenons la production des films palestiniens, multiplions les occasions de les diffuser, nous les aideront ainsi à consolider leur notoriété dans le monde !
J.-C. P