Samedi 8 octobre, une fusillade en voiture au poste de contrôle militaire de Shu’fat, juste à l’est de Jérusalem, a entraîné la mort d’un soldat de l’armée israélienne, Noa Lazar, 18 ans. Après sa mort, l’armée israélienne a promu Lazar de sergent à caporal, et une chasse à l’homme s’est engagée pour capturer le résistant palestinien qui l’a tuée.
Depuis cette opération, les autorités israéliennes (y compris l’armée, la police et le Shin Bet) ont imposé un blocus strict au camp de réfugiés de Shu’fat. Ce blocus est largement condamné par les Palestiniens, qui y voient une punition collective, qu’Israël a toujours utilisée contre les Palestiniens pour décourager la résistance, tout en créant de la méfiance et des conflits sociaux au sein des communautés palestiniennes afin de rejeter la faute sur la résistance.
Depuis le début de l’année, 170 Palestiniens ont été tués par les forces israéliennes, selon le ministère de la Santé.
Grèves, confrontation armée et résistance populaire
Trois jours après le début du siège du camp, les résidents de Shu’fat manquaient de fournitures et de produits de base, y compris de ressources médicales. Le camp, ainsi que la ville voisine d’Anata, sont toujours soumis à des restrictions, alors que le nombre de morts en Palestine ne cesse d’augmenter.
Les forces israéliennes multiplient les restrictions et les fermetures de villes et villages palestiniens dans toute la Cisjordanie, sur ordre du mouvement des colons israéliens, tandis que les Palestiniens résistent à ces mesures draconiennes.
À partir du mercredi 12 octobre à 5h00, l’armée israélienne a signalé que la plupart des entrées et sorties de Naplouse seront fermées jusqu’à nouvel ordre. Seuls les internationaux, les travailleurs humanitaires et les diplomates ont été autorisés à voyager, selon une déclaration de la liaison de coordination du district israélien de Naplouse.
La semaine dernière encore, des groupes de colons israéliens issus de colonies illégales ont fermé plusieurs quartiers de Naplouse, ordonnant une répression militaire israélienne en Cisjordanie. Le mardi 11 octobre, une marche organisée par des groupes de colons de droite issus de colonies illégales a été accueillie par des tirs palestiniens. Un soldat, Ido Baroukh, 21 ans, a été tué.
Ce qui a été particulièrement déconcertant pour l’appareil de sécurité israélien concernant les fusillades aux points de contrôle militaires de Naplouse et de Shu’fat, c’est que les auteurs s’en sont sortis vivants. Il s’agit d’un événement assez rare, en raison de la politique israélienne du "tirer pour tuer".
Cette politique de "liquidation" est omniprésente. Le mois dernier, le 24 septembre, les forces israéliennes ont abattu Mohammad Awad, 36 ans, après avoir prétendu qu’il était en train de perpétrer un attentat à la voiture piégée - une accusation sans fondement qui s’est avérée fausse par la suite, selon les informations recueillies auprès de sa communauté. Le 23 juin 2020, les forces israéliennes ont abattu Ahmad Erekat, âgé de 26 ans seulement, au tristement célèbre poste de contrôle militaire du "conteneur" qui sépare le nord de la Cisjordanie du sud, alors qu’il se rendait au mariage de sa sœur. L’armée israélienne a prétendu qu’il commettait un attentat, bien que les preuves médico-légales prouvent le contraire.
Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que l’armée et la police israéliennes soient si troublées que les auteurs de l’attentat restent en liberté. Udai Tamimi, 22 ans, du camp de réfugiés de Shu’fat, ainsi qu’un autre résident de Shu’fat, ont été impliqués dans la fusillade, mais les raids israéliens dans le camp n’ont jusqu’à présent pas permis de les capturer. Le désarroi des Israéliens face à leur incapacité à "neutraliser" immédiatement ces attaques peut également s’expliquer par le fait qu’elles se produisent en dépit du régime de surveillance dystopique qu’Israël a imposé aux Palestiniens, en particulier à ceux de Jérusalem.
Cela est particulièrement important dans le cas du camp de Shu’fat, car une grande majorité de ses résidents sont des détenteurs de cartes d’identité de Jérusalem, ce qui signifie également une surveillance et un confinement accrus. En 2018, cela s’est traduit par l’adoption par la Knesset israélienne de la loi sur la "violation de la loyauté", qui révoque la résidence à Jérusalem de toute personne qui ne démontre pas son allégeance à l’État. Il s’agit non seulement d’une imposition aux Palestiniens pour leur refuser l’accès à Jérusalem, mais aussi d’une violation du droit international qui délégitime l’exigence de loyauté d’un occupant envers le peuple occupé. En outre, les jeunes de Jérusalem sont exposés à une campagne ciblée de cyber-harcèlement menée par la police et les services de renseignement israéliens, qui porte atteinte à leurs droits numériques. Le ciblage des jeunes de Jérusalem s’est intensifié après l’Intifada de l’unité de l’année dernière, lorsque les jeunes de Jérusalem ont été à l’avant-garde des affrontements.
Le groupe de résistance palestinien de Naplouse, Areen al-Usud (ou "la tanière des lions"), a appelé tous les Palestiniens à faire grève en solidarité avec les assiégés de Shu’fat et d’Anata, mercredi 12 octobre. Ce matin-là, la route menant au checkpoint de Qalandia a été complètement fermée, tandis que plusieurs villes se sont mises en grève pendant une partie de la journée, notamment Naplouse.
Les protestations et les affrontements avec l’armée se sont étendus à plusieurs villes, dont Ramallah, Naplouse, Hébron et Jérusalem. À la suite de la violence militaire israélienne, un Palestinien, Osama Mahmoud Adowi, 18 ans, a été tué dans le camp de réfugiés d’Arroub, entre Bethléem et Hébron, après avoir reçu une balle dans l’abdomen.
Ce qui est le plus remarquable dans cette grève, c’est qu’elle n’a pas été appelée par la classe politique palestinienne officielle, ni par aucune faction politique, mais par un groupe armé dont la composition politique a dépassé la différenciation des factions ou l’allégeance. Ce qui est encore plus surprenant, c’est que de nombreuses villes ont répondu à l’appel.
La répression ranime la résistance
La répression sévère des Palestiniens, non seulement à Shu’fat et à Anata, mais aussi à Jérusalem, dans l’enceinte de la mosquée Al-Aqsa et en Cisjordanie, ne fait qu’attiser la résistance.
Mardi, Areen al-Usud a déclaré être responsable de six opérations de tir palestiniennes distinctes contre des points militaires israéliens en Cisjordanie occupée. Au même moment, dans le cadre de sa tactique de domination par l’escalade, l’armée israélienne a autorisé l’entrée de colons dans le Tombeau de Joseph à Naplouse. Le Tombeau de Joseph a été un point chaud pour la résistance palestinienne en raison des invasions continues de colons avec des forces militaires armées au cours des dernières années.
L’opération sur le poste de contrôle militaire de Shu’fat a des implications de grande portée, car il est rare que les combattants de la résistance palestinienne réussissent à faire des victimes dans les rangs des soldats israéliens, même lorsque ces victimes sont disproportionnées par rapport au nombre de Palestiniens tués par Israël (170). Parmi les personnes tuées, près de 17% sont des enfants palestiniens, qui n’ont pas été épargnés par la violence.
Par ailleurs, le lundi 10 octobre, Mahmoud Samoudi a succombé aux blessures reçues le 28 septembre lors d’une opération militaire israélienne à Jénine. Samoudi n’avait que 12 ans, ce qui fait de lui le 27e enfant tué par les forces israéliennes rien que cette année. Il s’agit de l’année la plus meurtrière depuis 2015 pour les Palestiniens, tandis que l’année dernière était la plus meurtrière pour les enfants palestiniens.
La réalité des enfants palestiniens s’entrelace avec les développements contemporains en Palestine, dans la mesure où la plupart des résistants de la Brigade de Jénine (un autre groupe armé basé dans le camp de réfugiés de Jénine) ou d’Areen al-Usud sont de la génération qui a été témoin des graves violences israélienne pendant la deuxième Intifada. Cette époque a été déterminante pour définir la forme que prendrait la résistance aujourd’hui, comme en témoigne l’histoire d’Ibrahim al-Nabulsi, le Lion de Naplouse, tué dans un assassinat extrajudiciaire le 9 août dans la vieille ville de Naplouse.
Mariam Barghouti est la correspondante principale pour la Palestine de Mondoweiss.
Traduction et mise en page : AFPS / DD