Au sein de “Cités Unies France”, il existe une sorte de cohabitation. Ainsi la présidence est assurée par Bernard Stasi, ancien médiateur de Jacques Chirac, tandis que le secrétariat général est attribué à Bertrand Gallais, membre de la tendance majoritaire du parti socialiste. Cette situation implique un certain nombre de décisions à résonance politique qui échappe à beaucoup de gens. “Cités Unies France”, l’association des collectivités territoriales pour la coopération décentralisée est donc une grande nébuleuse...
Au moment des accords d’Oslo, contact a été pris avec Leïla Shahid. Des jumelages et des partenariats de coopération ont été mis en place entre collectivités françaises et villes palestiniennes autonomes (cf. Lille-Naplouse, communauté urbaine de Dunkerque-Gaza, conseils généraux de Seine St-Denis et du Val de Marne-Nord de la Cisjordanie...). C’est à partir de ce travail qu’a été créé le Réseau de Coopération Décentralisée avec la Palestine (RCDP). Son objectif était de mutualiser les expériences et d’amener les collectivités françaises à initier des partenariats.
A l’époque, la Palestine, pour les élus, c’est “tout beau, tout neuf”. D’ailleurs, à ce moment, Israël n’entrait pas en ligne de compte dans la coopération laquelle était directement orientée vers et pour la Palestine et prenait la forme d’échange de compétences ou une forme politique plus que d’aide au développement, attitude très européocentrique...
Les données étaient donc très claires. Ce travail s’est poursuivi à la réunion de Dunkerque, qui s’est tenue il y a quelques années, avec la participation de maires palestiniens et d’un certain nombre d’ONG.
Un appel d’élus a suivi cette rencontre. La situation en Palestine se dégradait alors considérablement. Cet appel s’orientait clairement vers une demande de suspension de l’accord d’association UE/Israël. Mais pour le lancer officiellement, l’appel devait être accompagné d’une lettre signée de Bernard Stasi. Les influences ont commencé à jouer et l’appel ne s’est jamais concrétisé. Mais le plus intéressant dans cette démarche demeure l’implication forte de certains élus pour le faire aboutir. Une dynamique s’est alors mise en marche. On a commencé à parler (et la liste Europalestine n’existait pas encore) d’un réseau euro-palestine des collectivités européennes pour la paix au Proche-Orient (de Belgique, d’Espagne et de France). Une réunion des têtes de réseau s’est tenue à Naples. C’est à partir là que les choses ont commencé à basculer : devait-on ou non conserver le nom Euro-Palestine ?
Les réseaux belges et français ont défendu le maintien du mot en vain. Ce glissement lexical signifiait clairement ceci : nous avions le mot “Paix” (avec un grand “P”) tandis que l’idée de rassembler des collectivités françaises et palestiniennes se changeait en l’idée d’y inclure également des collectivités israéliennes. Dans l’ensemble, cette orientation visait à mettre de côté tout ce qui divisait.
Lorsque les collectivités françaises ont pris connaissance du compte-rendu de ce qui s’était produit à Naples, les débats ont été houleux. Les Conseils généraux 93 et 94, les villes d’Arcueil ou encore de Gennevilliers pour ne citer qu’elles, ont clairement manifesté leur attachement à l’appellation initiale. Mais à défaut d’un rapport de force suffisant et d’une réelle concertation, ce terme a été définitivement enterré.
L’initiative de Genève a par ailleurs réveillé un certain nombre de collectivités, Paris par exemple. L’ambiguïté d’un tel intérêt pour Genève réside dans ce double constat : une réactivation de l’intérêt des collectivités pour la Palestine tout en renforçant l’équidistance.
Un appel a donc été rédigé, sorte de consensus mou, sans aucune mention du mur dans la forme originale du texte. Il a fallu l’insistance ferme de collectivités véritablement engagées sur la Palestine pour que le thème du mur fasse partie du document.
Le texte mérite débat et pose la question suivante : doit-on le refuser au motif qu’il s’appuie sur un consensus trop éloigné de nos exigences ou bien considère-t-on que la prise en considération du mur constitue une "avancée" qu’il faut encourager en soutenant les élus et les pousser à aller plus loin ? La question n’est pas évidente, y compris au sein des collectivités acquises à la cause palestinienne. Elle mérite donc toute notre attention. Prenons l’exemple de la ville de Paris qui, dans le contexte évoqué, a invité pour la première fois une réunion du RCDP.
Un autre point doit être pris en compte : il arrive que les partenaires palestiniens, soient, dans ce contexte, complètement utilisés. Début décembre, une conférence doit se tenir à Lyon. Il s’agit d’un grand show de promotion de l’initiative de Genève, à l’invitation du maire de la ville Gérard Collomb. Ont été invités les maires palestiniens et israéliens afin de discuter de la coopération décentralisée et de Genève. Cette initiative a fortement agacé la Déléguée de la Palestine en France, Leïla Shahid ; laquelle estime qu’on ne peut mélanger ces deux thèmes complètement dissociés. Les maires palestiniens sont en effet confrontés à des difficultés quotidiennes bien plus concrètes : couvre-feux, bouclages, les murs...autant de points que ne thématise pas le texte de Genève.
Il s’est donc produit ceci : il y a quelques jours, les maires palestiniens ont collectivement décidé de ne pas venir. Seuls quelques maires ou représentants de services municipaux ont maintenu leur participation. Ajoutons à cela que les collectivités très engagées au sein du RCDP ne sont pas conviées à ce type d’initiative.
Il y avait aussi une initiative et une volonté des maires israéliens et palestiniens de se rencontrer à La Haye avec la participation des collectivités précédemment citées. Après les atermoiements du ministre des affaires étrangères néerlandais qui a subi quelques pressions, la réponse a été un refus qui les orientait clairement vers la réunion de Lyon autour de l’initiative de Genève... La réunion prévue à La Haye est donc tombée à l’eau. Et des négociations sont actuellement en cours avec le Ministère des Affaires étrangères afin de convenir d’un autre lieu de réunion.
Concrètement, le réseau est présidé par Claude Nicolet, de la communauté urbaine de Dunkerque. Il a déjà rencontré des membres de l’AFPS qui est désormais systématiquement invitée aux réunions du réseau, ainsi que la Plateforme des ONG et Leïla Shahid.
Françoise Diehlmann