Paris, le 26 octobre 2009
A Mesdames et Messieurs les Président(e)s
des groupes politiques
à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Mesdames et Messieurs les Président(e)s,
Le 3 avril 2009 dernier, le Président du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU décidait de la création d’une Commission d’enquête sur les violations du droit humanitaire et du droit international ayant pu être commises durant les douloureux événements qui ont ensanglanté Gaza fin 2008 – début 2009.
Cette Commission d’enquête officielle était confiée au très respecté juge Goldstone d’Afrique du Sud qui était assisté par trois autres personnes à la compétence et à l’indépendance reconnues.
Le 15 septembre 2009, cette Commission d’enquête officielle rendait son rapport. Elle concluait, au terme d’un long et sérieux travail d’investigation auquel les autorités israéliennes refusaient de collaborer, à l’incontestable existence de « crimes de guerre », voire à de possibles « crimes contre l’humanité », commis durant cette période par les forces armées israéliennes et les groupes armés palestiniens ayant fait 1.400 morts du côté palestinien et 4 morts du côté israélien.
Le 17 octobre dernier, le Conseil des Droits de l’Homme adoptait ce rapport par 25 voix pour, 6 voix contre et 11 absentions. Cinq pays, dont la France, refusaient de prendre part au vote.
Ce rapport et les recommandations qu’il contient, visant clairement à mettre un terme à toute impunité s’agissant d’actes commis s’apparentant à des crimes de guerre qualifiés voire à des crimes contre l’humanité, doivent maintenant aller jusqu’à leur terme au sein des Nations unies.
Que ce soit au Conseil de sécurité ou à l’Assemblée générale de l’ONU les pays membres devront se prononcer.
L’attitude de la France au Conseil des Droits de l’Homme, « refusant de prendre part au vote » ne constitue pas une « simple » abstention. Ce positionnement français équivaut à considérer qu’il n’y a même pas lieu de débattre d’un tel rapport et des recommandations de portée pourtant considérable qu’il contient.
Alors que le sujet est majeur pour aujourd’hui mais aussi pour le devenir humain, il n’est pas acceptable que cette posture française soit prise en laissant hors jeu le Parlement de notre pays. La représentation nationale doit savoir, discuter et se prononcer sur l’attitude de l’exécutif dans ce dossier aussi important et sensible comme sur les suites à donner à ce rapport officiel de l’ONU.
Il serait contraire aux dispositions de la Constitution que le Parlement français soit mis devant des faits accomplis et qu’il ne puisse pas se prononcer en toute connaissance de cause.
On peut certainement avoir sur le conflit du Proche-Orient des approches différenciées, on ne peut cependant pas s’affranchir de l’expression de la souveraineté nationale sur pareil sujet de haute portée qui vise à ne pas accepter quelque impunité que ce soit face à des faits lourds qualifiés de « crimes de guerre » voire de « crimes contre l’humanité ». C’est une question fondamentale.
Dans ces conditions, nous estimons que l’exécutif ne peut décider seul et que le Parlement doit être saisi de la question de manière officielle.
Aussi, eu égard à vos prérogatives concernant l’ordre du jour des travaux de vos assemblées et en l’absence de volonté du gouvernement de se présenter devant elles sur un sujet aussi important qui engage notre pays et son rôle dans le monde, nous vous invitons à demander un débat suivi d’un vote sur le rapport Goldstone.
Nous estimons que le rôle du Parlement serait gravement mis en cause si les choses devaient se poursuivre sans qu’il soit saisi.
Face à des crimes de guerre énoncés comme tels, la France, membre permanent du Conseil de sécurité, ne peut se réfugier dans une position de « désintérêt ». Ce n’est pas imaginable. Et le Parlement ne peut être laissé dans un rôle de spectateur.
Nous sommes aujourd’hui sans doute face à un tournant possible concernant la situation d’impunité qui prévaut depuis tant et tant d’années au Proche-Orient contrairement au droit international.
Chacun doit aujourd’hui prendre ses responsabilités.
Au nom de notre association qui milite de longue date pour la paix fondée sur le droit au Proche-Orient, je vous demande solennellement d’agir et de prendre toutes les dispositions offertes par votre Règlement intérieur pour que le Parlement discute et se prononce sur l’attitude de la France face au « rapport Goldstone ».
Dans l’attente,
Je vous prie de croire, Mesdames et Messieurs les Président(e)s, à l’expression de mes salutations les plus distinguées.
Jean-Claude Lefort
Président de l’AFPS