Des camions- citernes de fioul venant du Qatar à destination de Gaza passent la frontière égyptienne, le 7 juin 2012.
Le Qatar est de retour à Gaza. La villa qui avait servi de bureau de représentation au petit émirat gazier du début des années 1990 au début des années 2000 a été rouverte à la fin du mois de septembre.
A l’époque, la présence des Qataris dans la langue de sable palestinienne constituait un geste de soutien au processus de paix et à son promoteur numéro un, Yasser Arafat. L’initiative se voulait modeste, à l’image d’un pays déjà riche mais très discret sur la scène internationale. Dix ans plus tard, changement de décor. Champion des révolutions arabes - à l’exception de la révolte à dominante chiite à Bahreïn -, et désormais adepte d’un interventionnisme débridé, la micromonarchie vient mettre sa force de frappe diplomatico-financière au service du Hamas, maître de Gaza depuis 2007.
Le nouveau représentant qatari, Mohamed Al-Hamadi, a été reçu, mardi 25 septembre, par le premier ministre du mouvement islamiste, Ismaël Haniyeh. Officiellement, sa mission ne consiste qu’à gérer l’enveloppe de plusieurs centaines de millions de dollars allouée par Doha à la reconstruction et au développement de la bande de Gaza. Censé commencer aussitôt après l’offensive israélienne de l’hiver 2008-2009, ce chantier n’a été mis en oeuvre que très partiellement du fait du blocus décrété par l’Etat juif, qui entrave l’entrée de matériaux de construction dans ce mince territoire.
Au programme forcément ambitieux des Qataris figure l’édification d’un gigantesque complexe résidentiel, composé d’un millier de logements et de tous les services attenants : écoles, crèches, commerces... Baptisée " Hamad Town ", d’après le prénom de l’émir au pouvoir à Doha, Hamad Ben Khalifa Al-Thani, cette ville nouvelle serait implantée sur les ruines du Gush Katif, un bloc de colonies juives démantelées en 2005. Parmi les autres projets de la cité-Etat du Golfe, on compte la rénovation de la route Salaheddin, colonne vertébrale de la bande de Gaza, et la construction d’un hôpital spécialisé dans la réhabilitation des victimes du conflit avec Israël. En juin, le Qatar avait financé la livraison à Gaza, via la frontière égyptienne, de plusieurs dizaines de millions de litres de fioul. Cette aide avait permis à la seule centrale électrique du territoire de redémarrer à pleine capacité pour la première fois depuis 2006, date de son bombardement par Israël.
Dans le contexte de la division interpalestinienne et du bras de fer entre le Hamas et le Fatah du président Mahmoud Abbas, au pouvoir en Cisjordanie, l’investissement de l’émirat a un parfum inévitablement politique. Signe qui ne trompe pas, Mohamed Al-Hamadi n’est pas ingénieur mais diplomate. L’implication du Qatar dans les affaires de Gaza vient prolonger le soutien politique et financier qu’il accorde depuis de nombreuses années au Hamas. Après sa rupture avec le régime de Bachar Al-Assad - qui l’hébergeait depuis 1999 - du fait de sa sympathie pour le soulèvement syrien, le chef du mouvement islamiste palestinien, Khaled Meshal, a d’ailleurs réinstallé ses bureaux à Doha.
Bien qu’ils ne soient pas dupes du jeu qatari, les milieux d’affaires de Gaza se réjouissent de l’arrivée des millions de dollars du Golfe. " Nous voulons profiter de cette opportunité pour réveiller l’économie locale. Nous sommes trop épuisés pour faire la fine bouche ", dit Fayçal Shawa, un entrepreneur. Les hommes d’affaires espèrent juste que les matériaux de construction nécessaires aux projets qataris pourront emprunter les voies officielles, les points de passage entre Gaza, Israël et l’Egypte, et non les tunnels creusés sous la frontière avec cette dernière, qui ont permis l’année dernière une fragile relance de l’activité de construction. " Il est temps qu’Israël lève son blocus, soupire Fayçal Shawa. La vie d’un million et demi de Gazaouites ne peut pas dépendre d’un trafic souterrain. "