Le 9 juin, le Premier ministre palestinien Mohammad Shtayyeh a déclaré que si Israël devait poursuivre jusqu’au bout son projet d’annexion en Cisjordanie, l’Autorité Palestinienne déclarerait un état indépendant dans le cadre des frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.
Cette déclaration de Shtayyeh devant des journalistes étrangers à Ramallah, intervient alors que les Palestiniens intensifient leur campagne diplomatique pour faire reculer les projets d’annexion d’Israël.
De hauts responsables palestiniens ont déclaré à Haaretz que revenir sur la reconnaissance de l’Etat d’Israël signifierait un retour au passé en ce qui concerne la position de l’état palestinien sur la définition de l’occupation.
« L’OLP a reconnu Israël dans les frontières de 1967 mais aujourd’hui Israël veut mordre dans le territoire de la Cisjordanie et dans les frontières de 1967. L’OLP annulera sa reconnaissance parce qu’elle estime que l’occupation a commencé en 1948 », a déclaré l’un d’eux faisant référence à l’année où Israël a été créé. « Cela constituerait un changement fondamental dans la position officielle palestinienne. »
Un haut responsable palestinien estime que la déclaration du Premier ministre ne représente pas un changement de position de la part de l’AP, mais plutôt « une tentative de souligner les messages sur l’annulation de la reconnaissance d’Israël. »
Mohammad Shtayyeh a aussi défendu la promesse de l’AP de couper toute coopération avec Israël malgré ce qu’il a appelé « les tentatives israéliennes d’extorsion » dans les transferts de retenue à la source. L’économie palestinienne « se détériore », a admis Shtayyeh tout en promettant « de ne pas marchander nos positions pour de l’argent ».
La veille, il avait déclaré à la télévision palestinienne que l’Autorité Palestinienne a récemment refusé de valider une demande israélienne de transférer les remises de taxes palestiniennes que Israël perçoit en son nom.
L’Autorité Palestinienne a refusé à maintes reprises les recettes fiscales au cours de l’année écoulée après qu’Israël ait décidé de déduire la somme correspondant au montant payé par l’AP aux prisonniers détenus en Israël et à leurs familles. Israël soutient que les fonds pour les prisonniers, dont le versement est proportionnel à la peine du prisonnier concerné, récompensent ceux qui ont perpétré des attaques terroriste contre des Israéliens.
Mohammad Shtayyeh a remarqué que, parmi les mesures dont l’Autorité Palestinienne dispose si Israël procède effectivement aux annexions, il y a l’annulation de la reconnaissance d’Israël et le retrait de l’échange de lettres de 1993 entre le Premier ministre Yitzhak Rabin et le Président de l’Organisation de Libération de la Palestine, Yasser Arafat, par lequel l’OLP reconnaissait Israël et Israël reconnaissait l’OLP comme le représentant du peuple palestinien.
« Nous avons plusieurs cartes que nous pouvons utiliser », a déclaré le Premier ministre.
Nous avons les lettres de reconnaissance mutuelle que Rabin et Arafat ont échangée et qui établissent la reconnaissance mutuelle du 9 septembre 1993. Par conséquent, cette question sera débattue si Israël exécute le processus d’annexion, qui signifie l’enterrement de la solution à deux états.
Une pression internationale croissante
Les responsables de l’Autorité Palestinienne ont intensifié leurs avertissements sur les conséquences de l’annexion envisagée par Israël. Au cours des deux dernières semaines, les responsables palestiniens ont eu des entretiens avec les diplomates européens et arabes, en leur demandant de transmettre à Israël et aux Etats-Unis que toute démarche de ce type n’aurait pas simplement pour réponse des démarches concrètes qui affecteraient directement à la fois les Palestiniens et Israël.
Ils ont aussi mené des entretiens avec les principaux médias étrangers pour faire passer le message. « Nous commençons à ressentir un changement dans plusieurs pays. Il semble que cette fois, les menaces palestiniennes sont perçues comme réelles », a confié un responsable de l’AP.
« Le principal effort de l’Autorité Palestinienne est maintenant de mener Israël et les Etats-Unis à la conclusion que le processus d’annexion est empreint de risques majeurs et qu’il n’est pas un processus diplomatique qui se traduirait uniquement par des condamnations diplomatiques », a-t-il ajouté.
La semaine derrière, l’Autorité Palestinienne a aussi reconnu officiellement que sa position actuelle annule les dispositions des Accords d’Oslo.
Malgré ces discours de l’AP, la rue palestinienne est plus préoccupée des conséquences économiques de l’initiative et de l’absence systématique de paiement des salaires. En même temps, l’anxiété s’accroît parmi les Palestiniens sur les réponses prévues par l’AP pour savoir si et quand Israël mettra en oeuvre l’annexion.
« Il y a une atmosphère générale d’incertitude sur ce qui arrivera », a déclaré un militant du Fatah. « En attendant, il semble que les menaces soient réelles, mais personne ne sait dans quelle mesure cela affectera réellement Israël. N’importe qui dans la rue peut certainement ressentir qu’il y a de la colère et de la déception, mais ce qui en résultera, personne ne le sait ».
A Ramallah, « on » fait remarquer qu’il y a eu des appels des partis palestiniens à une grande manifestation, Place Al-Manara dans le centre de la ville, contre l’annexion, mais la réponse a été très limitée. Les gens – même au niveau des employés et des fonctionnaires de l’AP – ne sont pas pressés de se rassembler. Certains organisateurs ont souligné le besoin de mettre en oeuvre une politique claire si l’AP veut que la population palestinienne se joigne à la campagne de pression, et principalement à la lutte nationale non-violente.
Les conséquences internes
Le responsable palestinien chargé des relations avec Israël, Hussein al-Sheikh, a déclaré au New York Times que l’Autorité Palestinienne a l’intention de réduire les salaires de dizaines de milliers de ses propres employés et policiers, et de suspendre son aide financière à la Bande de Gaza contrôlée par le Hamas.
Il a ajouté, cependant, que l’Autorité Palestinienne ne permettrait pas que le chaos règne dans les villes et villages palestiniens, mais n’accepterait pas non plus la coopération ou la coordination avec Israël.
Al-Sheikh, un des principaux conseillers du président palestinien Mahmoud Abbas, a menacé aussi d’arrêter et de juger tout citoyen israélien appréhendé sur le territoire de l’Autorité Palestine, en cas de suspicion d’activité criminelle, plutôt que de les faire retourner en Israël, comme cela a été la pratique jusqu’à maintenant.
Nous sommes pragmatiques. Nous ne voulons pas que les choses atteignent un point de non retour. L’annexion signifie le non retour dans les relations avec Israël.
Un responsable palestinien impliqué dans la stratégie politique palestinienne estime que les mesures prises par l’Autorité Palestinienne – des déclarations de Abbas le mois dernier aux récentes remarques des hauts responsables palestiniens, dont celles de al-Sheikh – constituent un avertissement à la communauté internationale, particulièrement à Israël et à la Maison Blanche.
Le Premier ministre palestinien a aussi déclaré que toutes les activités antérieures de coordination avec Israël, autres que les affaires civiles courantes, ont été interrompues, et que l’Autorité Palestinienne a demandé à l’Union Européenne et à la Croix-Rouge de servir d’intermédiaire avec Israël.