Aujourd’hui ce village de 2.500 Palestiniens est en train d’être dévasté. Le Mur de l’Apartheid menace de transformer Hussein Diab en un réfugié pour la deuxième fois de sa vie.
En 1948, sa famille a été forcée de fuir leur foyer et de devenir des réfugiés, échouant dans le village d’Al Burj situé à la pointe Sud-Ouest du district de Hébron.
Aujourd’hui ce village de 2.500 Palestiniens est en train d’être dévasté par le Mur tandis que les forces d’occupation appliquent son projet global d’expulsion des Palestiniens. Hussein parle ouvertement de la façon avec laquelle le Mur a volé sa terre et cherche à transformer son village en prison.
Le 5 septembre 2004, les forces d’occupation sont entrées dans le village et ont commencé à détruire et à déraciner la terre pour le tracé du Mur d’Apartheid. Le village s’étend sur 1.000 hectares dont 200 sont en train d’être isolés derrière le Mur et 20 de plus sont totalement détruits. Le Mur dans cette zone est presque terminé et Hussein est l’un des villageois qui a été le plus touché par sa construction.
« Ma femme et moi vivons avec nos six fils et quatre filles » explique-t-il. « J’ai en tout 13 enfants mais les autres se sont mariés et ont déménagé. Le plus jeune a 8 ans, le plus âgé, 30 ans. Notre maison est petite mais nous avions des terres et la vie était bonne. Ils ont maintenant construit ce Mur et bientôt les fils qui la traversent seront électrifiés (il y aura de l’électricité qui traverseront ses fils) -tout cela à juste 100 mètres de notre maison ».
« En octobre dernier, les forces d’occupation ont commencé à retourner la terre au bulldozer dans la section Khalet Hazar du village. Je suis allé sur mes terres pour voir ce qui se passait mais les forces d’occupation m’ont chassé. Elles ont lancé des gaz lacrymogènes et criaient : « ordre de confiscation ». A ce jour, je n’ai reçu aucun ordre officiel de confiscation pour mes terres. Maintenant, chaque fois que je m’en approche on me tire dessus ».
Hussein était impuissant face aux bulldozers de l’occupation qui rasaient ses 5 hectares de terres à Khalet Hazar ainsi que ses autres 2 hectares à l’Est du village. « C’est tout ce que je possède » dit-il avec amertume. « Et tout est perdu à cause du Mur. Il ne me reste plus rien : 7 hectares sont partis et sont entourés de barbelés, et je n’ai même pas le droit d’aller les voir ».
« Mes terres étaient très fertiles. Je plantais du blé et de l’orge pendant une année, puis l’année d’après, des légumes. Je faisais pousser de l’ocra, des concombres, des haricots et des tomates et je produisais suffisamment pour nourrir tout Al Burj et même le village voisin de Dhahriya pendant deux ou trois jours. Je vendais beaucoup de légumes...maintenant je suis obligé de les acheter ».
Les terres ne subvenaient pas seulement à Hussein et à sa famille mais elles permettaient aussi de nourrir ses moutons. « J’avais plus de 100 moutons mais maintenant les champs et le puits d’eau se trouvent derrière le Mur et les bêtes ne peuvent plus ni paître ni boire. Alors je dois acheter leur nourriture ce qui me coûte chaque mois environ 700 dinars (environ 1.000 dollars). Sans champs et sans légumes à vendre, je ne peux plus me permettre de dépenser une telle somme et je dois vendre mes moutons ».
Les moutons et les autres animaux sont devenus un luxe que la plupart des villageois ne peuvent plus se permettre étant donné que les ressources naturelles telles que l’eau sont devenues rares depuis la construction du Mur. Le puits du village avait été construit à l’époque du mandat britannique et répondait aux besoins de tout le village. Il fournissait aussi assez d’eau pour le bétail et pour l’irrigation des terres agricoles. Du moins jusqu’à récemment. Le puits est maintenant isolé derrière le Mur, inaccessible à la plupart des villageois et le manque d’eau est devenu un des problèmes les plus cruciaux auquel doit faire face le village. « Nous devons maintenant acheter l’eau à l’extérieur » dit Hussein. « 60 à 70 bidons d’eau nous coûtent environ 200 shekels (à peu près 45 dollars) et ne nous dure qu’une semaine. Cela suffit tout juste aux besoins de ma famille et encore moins aux moutons. » Aujourd’hui la plupart des fermiers d’Al Burj sont obligés de vendre leurs moutons.
Comme beaucoup de villages de Cisjordanie, Al Burj a souffert du vol graduel de ses terres et de ses ressources et ce depuis la mise en place de l’occupation sioniste en 1948. Cette année là, l’occupation a expulsé les habitants du village vers les zones Est, les obligeant quitter les zones Ouest du village et a confisqué les terres. La Ligne Verte de 1967 court au milieu du village. Le vol des terres du village lors de la Nakba de 1948 se répète maintenant avec le Mur de l’Apartheid. « Cette expérience n’est pas nouvelle, que ce soit pour moi ou pour beaucoup de mes voisins » note Hussein. « Quand j’étais enfant, ma famille a été obligée de quitter sa maison en 1948. Nous nous sommes retrouvés à Al Burj en tant que réfugiés. A cette époque, j’étais jeune et n’avais pas pleinement conscience de notre perte. Cette fois-ci, la douleur et la souffrance est bien pire ».
« Le Mur et l’occupation sont en train de prendre chaque miette de notre vie et pas seulement ma terre. Dans les montagnes des alentours, des plantes de saison comme le thym et la cardamome poussent sur leurs pentes et mes enfants les cueillaient et les vendaient au marché. Aujourd’hui le Mur isole notre village des montagnes. Notre village n’est rien de moins qu’une prison. Toute la terre a disparu et tout ce qui reste du village ce sont les maisons ».