Ramallah, 16 août 2004
On a beaucoup écrit sur le Mur de l’Apartheid et les raisons de son existence. Israël soutient que c’est une structure temporaire montée pour des raisons de sécurité. Les Palestiniens voient dans ce Mur un moyen de saisir des terres dont le but est de s’assurer que tout ’état’ palestinien futur ne sera rien d’autre qu’une collection de bantoustans isolés, un état de papier.
Le contrôle sur les ressources d’eau donne un indice sur le but réel du Mur. Le contrôle des ressources d’eau a depuis longtemps été l’un des objectifs principaux de la politique de colonisation israélienne, même avant l’établissement de l’état d’Israël.
Dès les années 1930, le mouvement sioniste a concentré ses activités de colonisation sur les terres fertiles. Cette politique a été constante depuis lors, de la Vallée du Jourdain jusqu’aux nappes phréatiques [1] côtières à l’ouest et au sud. Ce n’est pas par hasard que les colonies de Gaza ont été construites sur la nappe aquifère de Gaza dans la Bande de Gaza.
Depuis la surexploitation des eaux du Jourdain et de la nappe côtière, les nappes aquifères de la Cisjordanie, surtout celle de l’ ouest, sont devenues le centre des convoitises israéliennes. En conséquence, les autorités d’occupation israéliennes ont interdit aux Palestiniens de creuser des puits dans ces zones et les responsables israéliens ont publiquement mis l’accent sur l’importance pour Israël de maintenir le contrôle sur les régions montagneuses de la Cisjordanie qui recouvrent le bassin acquifère. En 1991 par exemple, le ministre de l’agriculture de l’époque, Rafael Eitan, a déclaré au Jerusalem Post que les besoins en eau d’Israël font qu’il est impératif pour lui de garder le contrôle sur ces régions.
Les Accords d’Oslo ont en effet essayé de sceller le contrôle israélien sur les ressources en eau à cet endroit et lors des négociations de Camp David, le côté israélien a déclaré clairement qu’il n’accepterait pas un contrôle autonome palestinien sur le bassin aquifère occidental.
Placez une carte du Mur sur une carte des nappes aquifères de la Cisjordanie, et le tableau devient clair. Le tracé du Mur englobe nettement la plus grande partie du bassin aquifère occidental. L’ancien ministre de la défense du premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, Yitzhak Mordechai, lors de son mandat, avait proposé que la Ligne Verte soit déplacée de 6 à 15 km à l’Est dans ce but. En fait, le Mur a accompli ce fait.
Avec un contrôle total israélien sur la nappe phréatique de l’ouest, l’agriculture palestinienne cessera d’exister dans les régions du nord de la Cisjordanie, laissant les fermiers sans autre choix que celui de devenir des manoeuvres bon marché pour les colonies israéliennes ou de chercher un emploi alternatif dans les principales villes palestiniennes. Certains villages, dont Nazlat Issa, Baqa Al Sharqiyyeh, Izbet Jubara et Al Tayyeh ne pourront pas survivre, consolidant ainsi le contrôle israélien sur le pays.
Ce processus a déjà commencé. La construction du Mur a déjà résulté en la confiscation de 36 puits d’eau souterraine, une perte totale de 6.7 million de mètres cube d’eau par an. Un réseau d’irrigation goutte à goutte de 35.000 mètres de long est tombé sous le contrôle israélien et 10.000 têtes de bétail ont perdu l’accès aux pâtures.
Pour l’année 2003, le coût pour la production agricole palestinienne a été de 2.200 tonnes d’huile d’olives, 50.000 tonnes de fruits et 10.000 tonnes de légumes. Un processus de désertification a commencé sur les terres autrefois fertiles, avec 83.000 arbres déracinés. 1.468 hectares de terres ont déjà commencé à devenir stériles.
Pour illustrer l’effet sur un seul village : Jayyous, situé juste à l’est de Qalqilya, a perdu, à cause du Mur, 72% de sa terre irriguée, 7 puits d’eau souterraine et 300 familles ont perdu 100% de leur source de revenus.
L’anéantissement de l’industrie agricole risque d’avoir de sérieuses répercussions sur le statut final des négociations sur l’eau. Le côté palestinien pourra difficilement justifier ses revendications sur les ressources d’eau si ses besoins ont décliné en même temps que son industrie. Sa capacité à négocier sera affaiblie. Le Mur laissera les régions palestiniennes arides et assoiffées et c’est bien pour cela qu’il est construit.
Abdel Rahman Tamimi [2].