Pour Georges Corm, la guerre de
trente-trois jours qui a ravagé le
Liban cet été aurait pu s’appeler
« chronique d’une guerre annoncée ». Car
la résolution 1559 du Conseil de sécurité,
d’origine franco-américaine, adoptée en
2004, a ouvert la voie à une déstabilisation
du Liban elle aussi annoncée, le texte de la
résolution sommant le pays de désarmer le
Hezbollah et les organisations palestiniennes
dans les camps de réfugiés. Ce que les Libanais
considèrent comme une affaire nationale,
que seul un « dialogue national » peut
résoudre. L’assassinat de Rafic Hariri, en
février, puis de plusieurs autres personnalités,
a accéléré les événements. Et l’internationalisation
de la « question libanaise »,
puisque la résolution 1559 a alors été suivie
de plusieurs autres résolutions ou déclarations
du Conseil de sécurité.
Pour l’historien, qui interroge la réorientation
de la politique française, la résolution
1559 a redonné en quelque sorte au Liban
un statut d’Etat-tampon sur la scène régionale
au prétexte du rétablissement de sa
souveraineté.
Aussi souligne-t-il dans ce contexte plusieurs
points. D’une part que l’idéologie
néo-conservatrice américaine mélange les
mouvements de résistance légitimes à l’occupation
avec les mouvements jihadistes d’inspiration
« qaïdiste ». Il s’agit de les présenter
comme ennemis de la paix, comme
émanation de l’axe du mal. D’autre part, que
les problématiques régionales s’inscrivent
aussi dans une situation où un « axe syroiranien
» au Proche-Orient, « tient la dragée
haute » à « l’axe américano-israélien ».
Enfin, que le retour du Liban à la souveraineté,
qui a été mis en avant pour le sortir
de l’orbite syrienne, ne doit pas se transformer
en nouvelle mise sous tutelle, cette
fois américaine. La guerre menée par Israël
au Liban dans ce contexte visait à la fois à
« nettoyer le Liban » et y pousser ses pions.
Georges Corm plaide aujourd’hui en faveur
d’une nouvelle loi électorale et de nouvelles
élections, dans la reconnaissance de
la complexité des forces politiques en présence
au Liban. S’il y a des forces hostiles
au Hezbollah, d’autres, et des personnalités
comme le général Aoun, dirigeant populaire
de la communauté maronite, refusent
une confrontation avec le Hezbollah pour
préserver l’unité nationale. Hassan Nasrallah,
lui, a su se montrer pragmatique. Et la
résolution 1701 fait figure de compromis.
Reste, dit-il, une question majeure, avec
une unanimité de façade : celle du refus de
l’implantation des réfugiés palestiniens. La
question libanaise est en cela étroitement
liée au conflit israélo-palestinien.
Georges Corm voit en tout cas à la crise
une seule voie de sortie : la normalisation,
qui suppose le respect par Israël du droit international.