Le Fonds National Juif a approuvé un projet controversé qui lui permettra d’acheter des terres palestiniennes en Cisjordanie pour le développement des colonies illégales, un pas de plus vers l’officialisation d’une pratique qui a été effectuée sous le manteau pendant des décennies.
L’association, connue en hébreu sous le nom de Keren Kayemet Le Israel (KKL), a approuvé le projet dimanche d’une seule voix de majorité - six pour et cinq contre - et doit encore obtenir le 22 avril une approbation finale de la part de son conseil d’administration, a rapporté Haaretz.
Le nouveau projet permettra au KKL-FNJ d’acheter des terres dans les districts palestiniens de Jénine et Naplouse, au Nord de la Cisjordanie, zone entourée de colonies israéliennes.
Le président du KKL-FNJ, Avraham Duvdevani, va proposer dimanche prochain un projet qui appliquera de façon rétroactive aux offres et aux achats antérieurs le nouveau programme d’achat de terres en Cisjordanie.
La légitimation de l’accaparement des terres
Le KKL-FNJ est une association à but non-lucratif créée en 1901 pour acheter des terres et les mettre en valeur pour les colons juifs dans la Palestine ottomane et mandataire.
Ce but faisait partie d’un projet plus important qualifié de « rachat des terres ». Pendant des décennies les Juifs d’Israël et du monde entier ont été encouragés à donner pour le projet, souvent sous la forme de dons recueillis dans les célèbre boîtes bleues du KKL.
Après la guerre de 1967, le KKL a reçu des instructions écrites du premier ministre d’alors, Levi Eshkol, de commencer à acquérir des terres en Cisjordanie. Mais la plupart de ces activité étaient menées en secret pour éviter des conflits avec les donateurs ou des tensions politiques.
Aujourd’hui le KKL-FNJ possède 13 % des terres d’Israël.
En février, le KKL-FNJ a opéré un changement radical de politique qui a autorisé officiellement l’achat de terres palestiniennes en Cisjordanie et a accéléré la construction de colonies illégales, en approuvant l’affectation de 11,58 millions de $ (9,7 millions d’€) à cet effet.
Depuis 2017, le KKL-FNJ a acheté des terres en Cisjordanie pour une valeur de 30 millions de $ (24,9 millions d’€) par l’intermédiaire de la société Himnuta Yerushalem. L’argent provenait du budget du KKL-FNJ consacré à l’achat de terres « à Jérusalem et dans sa périphérie », selon Haaretz.
Certains membres du KKL-FNJ ont appelé à limiter l’activité de l’association en Cisjordanie « pour promouvoir le reboisement et les projets communautaires et éducatifs ».
Le Rabbin Gilad Kariv du Parti Travailliste Israélien a déclaré que le nouveau programme du KKL-FNJ a « des implications politiques, diplomatiques et sécuritaires » et a estimé qu’il constitue une « manoeuvre dangereuse » qui manque de la concertation avec les experts de la défense et de la politique étrangère.
Des alliés méfiants
Le nouveau programme a été condamné par la diaspora libérale. Le Réseau Progressiste d’Israël (RPI / PIN), coalition de 10 organisations juives aux EU, a demandé de voter le 22 avril contre le nouveau programme.
« La grande majorité des Juifs américains veulent être partie à la construction d’un état d’Israël qui respecte ses voisins, qui défende la démocratie, et qui recherche la paix », a déclaré le RPI dans un communiqué publié lundi.
« Acheter des terres pour développer les colonies de Cisjordanie est antithétique avec l’avenir d’Israël en tant que démocratie, et ne sert qu’à enraciner l’occupation et à rendre moins sûre la vie des Israéliens et des Palestiniens des deux côtés de la Ligne Verte ».
Washington a aussi exprimé sa consternation devant le changement de la part du KKL-FNJ. Ned Price, le porte-parole du Département d’Etat, a déclaré aux journalistes en février : « Nous pensons qu’il est essentiel de s’abstenir de mesures unilatérales qui exacerbent les tensions et qui sapent les efforts visant à faire progresser une solution négociée à deux États ».
Traduction : Yves Jardin, membre du GT de l’AFPS sur les prisonniers