Le cabinet de sécurité a décidé le 29 mars 2025 d’allouer 335 millions de shekels à la construction d’une route entre Elazariya et A-Za’im, connue sous le nom de « route du tissu de la vie » ou « route de la souveraineté ». En pratique, la construction de cette route créera un système routier séparé pour les Israéliens et les Palestiniens (une route d’apartheid), ce qui permettra à Israël de fermer aux Palestiniens une vaste zone au cœur de la Cisjordanie en détournant le trafic palestinien vers une voie de contournement spéciale, d’annexer toute la zone de Ma’ale Adumim à Israël et de construire le plan E1. C’est pour cette raison que le ministre de la défense Naftali Bennett, qui a lancé la planification de la route, l’a appelée à l’époque la « route de la souveraineté ». Au sein de l’administration civile, la route est connue sous le nom de « route du tissu de vie », car elle doit permettre aux Palestiniens de maintenir un tissu de vie après qu’Israël leur aura interdit l’accès à l’ensemble de la zone.
En outre, le cabinet a décidé d’allouer 10 millions de shekels à la planification d’une route reliant la région de Bethléem à Jéricho (connue sous le nom de « route 80 de substitution »), qui permettra aux Palestiniens de se déplacer du sud de la Cisjordanie vers Jéricho et la Jordanie après qu’Israël aura fermé le centre de la Cisjordanie aux Palestiniens. Il convient de noter qu’il ne s’agit que d’une première étape dans la préparation des plans.
Contrairement aux affirmations officielles du gouvernement, cette route n’a pas pour but d’améliorer les transports palestiniens. Au contraire, elle vise uniquement à faciliter l’annexion d’une vaste zone, environ 3 % de la Cisjordanie, à Israël. Le cynisme du gouvernement ne connaît pas de limites, puisqu’il cherche à construire la route en utilisant des fonds extraits des fruits du contrôle israélien sur les territoires occupés - des fonds qui, en vertu de la loi, sont destinés à la population palestinienne. Ce développement représente un grave revers pour Israël, qui entend éliminer la possibilité de mettre fin au conflit et de trouver une solution à deux États.
Contexte
En mars 2020, lorsque Naftali Bennett était ministre israélien de la Défense, il a approuvé la promotion d’une route réservée aux Palestiniens entre les villes palestiniennes d’Elazariya et d’a-Za’im. Cette route est présentée comme un « tissu de vie » pour les Palestiniens et doit permettre aux véhicules palestiniens de se rendre du sud de la Cisjordanie vers le nord sans passer par le « bloc de colonies de Ma’ale Adumim ». Actuellement, les véhicules palestiniens qui vont du sud de la Cisjordanie au nord (ou vice versa) vont de Bethléem vers le nord, en direction d’Abu Dis et d’Elazariya, puis tournent vers l’est le long de la colonie de Ma’ale Adumim, puis vers le nord en direction d’Hizma et de là vers Ramallah. Comme les Palestiniens n’ont pas d’autre chemin du nord au sud, les gouvernements israéliens se sont abstenus de construire la barrière de séparation prévue autour du « bloc de colonies de Ma’ale Adumim ». Une fois que la nouvelle route sera prête, le gouvernement israélien sera en mesure de détourner le trafic palestinien vers cette route et de fermer ainsi toute la région à l’accès des Palestiniens, annexant de fait la zone de Ma’ale Adumim (composée de E1, de nombreuses autres colonies et avant-postes, ainsi que de vastes portions de terres palestiniennes supplémentaires).
En outre, la création d’un système routier distinct pour les Israéliens et les Palestiniens permettrait au système de sécurité de fermer la zone de Ma’ale Adumim aux Palestiniens sans construire la barrière de séparation prévue à cet endroit. En pratique, cela permettrait également de supprimer le poste de contrôle a-Za’im entre Ma’ale Adumim et Jérusalem et de le déplacer vers l’est, en dehors de la zone de Ma’ale Adumim (près du site du Bon Samaritain), à l’est de la colonie de Kfar Adumim. La suppression du poste de contrôle permettrait aux colons de Ma’ale Adumim et de la région environnante de se rendre en permanence à Jérusalem, sans contrôles de sécurité ni embouteillages, et sans avoir le sentiment de vivre en dehors des frontières de l’État d’Israël.
L’objectif : l’apartheid et l’annexion
Dans une déclaration publiée par le maire de Ma’ale Adumim il y a quelques années, il a explicitement et sans langage diplomatique révélé les véritables objectifs de la route : permettre la fermeture d’une vaste zone au centre de la Cisjordanie pour les Palestiniens en détournant les Palestiniens vers la route, et ainsi faire de cet espace une partie intégrante de l’État d’Israël.
Le message du maire de Ma’ale Adumim est un bon moyen de répondre de manière explicite et brutale à la politique de séparation et d’apartheid qui sous-tend le plan, révélant la véritable intention d’Israël de transformer la partie centrale de la Cisjordanie d’une région palestinienne en une région annexée par Israël, et de saper un futur État palestinien.
En ce qui concerne les changements sur le terrain, le message indique que la route « conduira à la fermeture de l’entrée d’Elazariya depuis notre ville [Ma’ale Adumim], fera avancer la construction de la barrière de sécurité entre nous et Elazariya et permettra le déplacement du point de contrôle a-Za’im vers Mishor Adumim ».
Le maire précise ici que Ma’ale Adumim sera physiquement séparée du territoire palestinien par une clôture et que le poste de contrôle actuellement situé entre Ma’ale Adumim et Jérusalem pour empêcher les Palestiniens d’entrer en Israël n’aura plus lieu d’être. Le point de contrôle sera déplacé vers l’est, de sorte que les habitants de Ma’ale Adumim n’auront pas à traverser un point de passage pour se rendre à Jérusalem chaque jour, et que les Palestiniens ne pourront pas accéder à l’espace situé entre Jérusalem et Ma’ale Adumim et plus à l’est de celle-ci.
Il s’agit d’une route séparée pour les Palestiniens de la zone E1 dont l’objectif est de séparer la voie de transport entre la population palestinienne et israélienne de la zone, afin que les véhicules palestiniens puissent se déplacer sans passer par le bloc de Ma’ale Adumim, à proximité des colonies juives.
En d’autres termes, l’objectif de la route est de séparer le mouvement palestinien, qui circulera sur une route, des Israéliens et des « colonies juives », qui circuleront sur d’autres routes dans un espace séparé. Les Palestiniens ne pourront pas accéder à ce qui est appelé le « bloc de Ma’ale Adumim ».
Le message se poursuit et explique les implications politiques de la route : « Dans la sphère politique, la route reliera Jérusalem et Ma’ale Adumim et permettra la construction de colonies juives dans la zone E1. »
L’impact sur les communautés palestiniennes
La construction de la route aura un impact mortel pour le futur État palestinien et pour toute la zone située au cœur de la Cisjordanie. Néanmoins, elle aura également un impact fatal et direct sur les Palestiniens vivant à proximité ou à l’intérieur de la zone.
Des dizaines de communautés bédouines, comme celle d’Al-Khan Al-Ahmar, résidant dans la zone, seront coupées du reste de la Cisjordanie, essentiellement parce qu’elles ne disposeront d’aucune route d’accès pour les relier au reste de la Cisjordanie. Cela pourrait entraîner le déplacement de milliers de Palestiniens résidant aujourd’hui dans ces communautés.
En outre, les communautés de Wadi Jamal et Jabal Al-Baba, situées près de la route prévue, qui comptent des centaines de Palestiniens, seront coupées de leur environnement en raison de la construction de la route. On ne sait pas comment ils pourront traverser la route et rejoindre leurs propres maisons.
En outre, la route passe au-dessus de maisons établies dans la communauté d’A-Saraiya, qui est située dans la zone B. Cela signifie que ces maisons seront démolies. La démolition des maisons, comme l’ensemble du processus, est effectuée en vertu d’ordres de saisie militaire, qui permettent aux autorités israéliennes d’utiliser temporairement la terre pour des besoins de sécurité.
Le plan d’Israël : La contiguïté des transports au lieu de la contiguïté territoriale
La nouvelle route est destinée à permettre aux Palestiniens de passer sous le tracé de la barrière de séparation et de voyager « à l’intérieur » du bloc d’Adumim le long d’un mur sans entrer du côté « israélien », comme dans une sorte de tunnel. Une fois la route goudronnée, Israël peut alors prétendre que la construction de la route E1 et la construction de la barrière autour du bloc d’Adumim ne coupent pas la Cisjordanie parce que les Palestiniens disposent d’une voie de transport alternative. Cet argument est absurde. Une mince ligne de route reliant des sections territoriales distinctes - la contiguïté des transports - ne répond pas aux besoins de viabilité territoriale pour le développement et les moyens de subsistance des Palestiniens dans la zone métropolitaine cruciale de Ramallah-Jérusalem-Bethléem. Sans contiguïté territoriale réelle, un État palestinien indépendant ne peut être établi et prospérer, et par conséquent une solution à deux États ne peut être trouvée.
La solution des deux États dépend de la possibilité d’établir un État palestinien viable aux côtés d’Israël. Le cœur du futur État palestinien, d’un point de vue géographique, économique et culturel, se trouve dans la métropole située entre Ramallah, Jérusalem-Est et Bethléem. L’une des seules zones de développement potentiel restantes pour cette métropole sont les zones situées à l’est de Jérusalem, dans la région même où Israël cherche à construire la colonie E1 et à créer un continuum territorial israélien de Jérusalem vers l’est qui couperait effectivement la Cisjordanie en deux.
Pour en savoir plus sur cette question, consultez notre rapport et notre vidéo ici.
Contourner le processus de planification
Officiellement, la route prévue est définie comme une « route de sécurité ». L’excuse pour sa construction est l’intention de construire la barrière de séparation autour du bloc de colonies de Ma’ale Adumim, qui est défini comme un besoin de sécurité. En conséquence, il est nécessaire de construire une route qui permettra aux Palestiniens de continuer à vivre du nord au sud de la Cisjordanie.
En étant définie comme une route de sécurité, elle n’est pas soumise à l’approbation du Conseil supérieur de planification de l’administration civile. Par conséquent, le public n’a pas la possibilité de s’y opposer, comme c’est le cas dans le cadre d’un processus de planification formel.
Il semble que cela soit dû au fait que l’État d’Israël n’a aucune autorité officielle pour planifier cette route, car des parties importantes de celle-ci traversent la zone B (voir la carte). Selon l’accord intérimaire de 1995 avec les Palestiniens, seule l’Autorité palestinienne est habilitée à planifier dans la zone B. Pour contourner ce problème, le ministère de la défense a choisi de définir la route comme une route de sécurité. Les terres prises pour sa construction ne passent pas par un processus de confiscation à des fins publiques, mais plutôt par un processus de saisie militaire, et le processus de planification se fait donc à huis clos.
Traduction : AFPS