Dimanche soir, une jeune femme a été retrouvée sans vie dans un appartement du camp de réfugiés de Qaddura, à Ramallah. Cette femme, Suha Jarrar, était une militante de gauche palestinienne bien connue et la fille de Khalida Jarrar, législatrice palestinienne et combattante pour la liberté emprisonnée par Israël. La tragédie humaine à laquelle est confrontée la famille d’une jeune femme qui meurt dans la fleur de l’âge est aggravée dans ce cas par l’oppression d’un prisonnier politique qui se voit refuser la grâce la plus élémentaire d’assister à l’enterrement de sa fille.
Avant son incarcération actuelle, Jarrar avait été emprisonnée pendant plusieurs années, dont plusieurs en détention administrative (un terme juridique inapproprié pour désigner un emprisonnement indéfini, sans procès ni preuve). Sa précédente détention, d’une durée de vingt mois, a pris fin en février 2019. Après huit mois de liberté, en octobre 2019, des soldats ont fait une descente à son domicile à Al-Bireh et l’ont de nouveau arrêtée. Après 16 mois de détention, Jarrar a été contrainte d’admettre, dans le cadre d’une négociation de plaidoyer, un acte d’accusation qui crie à l’emprisonnement politique et tourne autour de son appartenance au Front populaire de libération de la Palestine.
Selon l’acte d’accusation, son activité se résume à deux réunions. Dans la première, elle s’est chargée des activités politiques nationales de l’organisation ainsi que de la liaison avec l’Autorité palestinienne ; dans la seconde, elle a fourni une analyse de la situation politique.
Et pourquoi cette négociation de peine ? Pour Jarrar, la réponse est claire. Le procès s’est déroulé dans un tribunal militaire, en vertu de la loi militaire, sous la direction d’un procureur militaire et sous le marteau d’un juge-soldat, et de toute façon, aucune justice n’aurait lieu ici. Même face à la menace de dix ans de prison, Jarrar avait prévu d’utiliser le procès pour exposer les tortures subies par ses camarades lors de leurs interrogatoires. Cependant, le tribunal, qui n’est qu’un autre bras des autorités d’occupation, a décidé que le procès se tiendrait à huis clos, rendant Jarrar incapable de se défendre par une divulgation publique.
L’excuse présentée par l’accusation pour choisir une négociation de plaidoyer plutôt que d’organiser un procès était les "difficultés liées aux preuves". Et quelles étaient ces difficultés ? Jarrar avait été détenue dans le cadre d’une vague d’arrestations de militants du FPLP, suite à l’incrimination de détenus précédents. Mais ces aveux ont été extorqués sous une torture sévère, y compris celui de Samer Arbid, qui a été hospitalisé inconscient, dans un état critique, après que ses interrogateurs l’aient battu ; il fallait apparemment empêcher que ces actes soient exposés.
Après avoir été libérée de sa précédente détention, Mme Jarrar a déclaré à Amira Hass que l’expérience la plus difficile de tous ces mois de détention a été la mort de son père, Canaan, dont on lui a interdit d’assister aux funérailles. Dans la même conversation, sa fille Suha lui a rappelé comment, la veille de son arrestation, Jarrar lui avait rendu visite à l’hôpital et lui avait apporté un ragoût de pois qu’elle avait préparé. Cette fois, c’est l’annonce de la mort de Suha qui attendait Jarrar, et Israël a l’intention de l’empêcher d’assister aux funérailles. Personne ne devrait jamais vivre une telle expérience, et il va sans dire que Jarrar ne doit pas être autorisée à la subir deux fois. Si le meurtrier raciste et méprisable Ami Popper peut bénéficier d’une permission de sortie, la combattante de la liberté Khalida Jarrar doit également avoir le droit d’enterrer sa fille et de se séparer d’elle avec dignité.
Jarrar est l’une des plus grandes révolutionnaires féministes, socialistes et anticolonialistes que le peuple palestinien ait eu la chance de connaître, et elle est reconnue et respectée par la communauté internationale. Indépendamment de la mort de sa fille, elle devrait être libérée immédiatement de son emprisonnement politique, qui prendra fin, d’une manière ou d’une autre, dans trois mois de toute façon.
Traduction : AFPS