Barack Obama a repoussé son premier voyage en Israël jusqu’à son second mandat, ce qui lui a valu de nombreuses critiques de la part des partisans d’Israël. Joe Biden ne commet donc pas cette erreur : il se rend en Israël et en Palestine la semaine prochaine, avant les élections de mi-mandat.
Mais ce voyage pourrait avoir des conséquences politiques pour Joe Biden.
De nouveaux sondages montrent que les démocrates sont plus nombreux à désapprouver le voyage qu’à l’approuver - et que les démocrates de moins de 35 ans souhaitent que les États-Unis se penchent sur la Palestine plutôt que sur Israël, à près de trois contre un.
Et aujourd’hui, la famille de Shireen Abu Akleh, la journaliste américano-palestinienne tuée dans les territoires occupés par Israël le 11 mai, a publié une lettre adressée à Biden lui demandant une rencontre lors de son séjour en Palestine pour "entendre directement de notre bouche nos... demandes de justice".
Tandis que Rashida Tlaib, la députée du Michigan, a exigé que Biden obtienne les noms des soldats responsables du meurtre d’Abu Akleh lorsqu’il rencontrera le Premier ministre israélien.
La déclaration de Tlaib sur le refus de l’administration Biden d’examiner les responsabilités, affirme que le département d’État a "complètement échoué dans sa mission" de suivi des meurtres de citoyens américains et que cet échec est "dévastateur et inacceptable."
Dans sa déclaration, la famille de Shireen Abu Akleh a décrit Shireen comme "un modèle et un mentor pour les femmes journalistes palestiniennes en herbe". Elle a déclaré que les efforts de Biden pour balayer le "meurtre extrajudiciaire" sous le tapis reviennent à exprimer "l’acceptation du meurtre de Shireen".
Les États-Unis ont cherché à effacer tout acte répréhensible commis par les forces israéliennes..... C’est comme si vous attendiez du monde et de nous que nous passions à autre chose... L’engagement de votre administration a servi à blanchir le meurtre de Shireen et à perpétuer l’impunité.
La lettre s’en prend au Département d’État pour avoir omis d’inviter un représentant de la famille lors du fameux examen de la balle qui a tué Abu Akleh, et rejette la conclusion du Département d’État selon laquelle si un soldat israélien l’a tuée, il n’avait pas "l’intention" de tuer Abu Akleh.
Examinons maintenant le sondage que Shibley Telhami a publié aujourd’hui dans le Washington Post et qui montre que le voyage est "risqué" politiquement.
Globalement, près de 24 % des Américains approuvent et 25 % désapprouvent le voyage de Biden au "Moyen-Orient". Mais lorsque Telhami a dit qu’il s’agissait d’un voyage en Israël, la désapprobation a grimpé à 31 %. Et le fait de mentionner l’Arabie saoudite a fait grimper le taux de désapprobation à 33 %.
Chez les jeunes démocrates, la désapprobation d’Israël est prononcée. Seuls 8 % des démocrates de moins de 35 ans désapprouvaient le voyage lorsqu’il était décrit comme un voyage au Moyen-Orient. Mais ce chiffre a grimpé à 30 % lorsqu’il a été décrit comme un voyage en Israël. Parmi tous les démocrates, la désapprobation est passée de 10 à 17 % lorsque Israël a été mentionné.
Telhami a également rapporté que si 59 % des républicains souhaitent que les États-Unis se rapprochent d’Israël, seuls 13 % des démocrates souhaitent que les États-Unis se rapprochent d’Israël. Et 19 % veulent que les États-Unis penchent vers la Palestine (68 % disent ne pencher ni pour l’un ni pour l’autre).
Une fois de plus, ce sont les jeunes qui ouvrent la voie.
Les jeunes démocrates (moins de 35 ans) penchent fortement vers le soutien aux Palestiniens - près de 27 % veulent que les États-Unis penchent vers les Palestiniens, contre environ 10 % qui veulent pencher vers Israël.
La famille Abu Akleh essaie manifestement, malgré leur immense chagrin, de faire du voyage de M. Biden un "moment d’apprentissage".
La lettre, signée par Anton, le frère de Shireen, au nom de toute la famille, replace le meurtre de "notre Shireen" dans le contexte d’une impunité israélienne sans limite et garantie par les États-Unis - et de l’impatience croissante des démocrates face à cette impunité.
« Les forces israéliennes ne connaissent depuis longtemps aucune limite, perpétrant des crimes de guerre et tuant des civils palestiniens en toute impunité, y compris ceux qui sont clairement identifiables comme des enfants, du personnel médical et des journalistes. Les responsables et les forces armées israéliens bénéficient d’une aide inconditionnelle des États-Unis en matière d’armement et de financement, puis d’un soutien diplomatique quasi absolu pour protéger les responsables israéliens de toute responsabilité.
Depuis que les forces israéliennes ont tué notre Shireen, les législateurs ont fait pression sur vous pour que vous respectiez la ferme condamnation et l’appel à une "responsabilité totale" concernant la mort de Shireen...
Les actions de votre administration ne peuvent être considérées que comme une tentative d’effacer le meurtre extrajudiciaire de Shireen et de consolider l’impunité systémique dont jouissent les responsables israéliens pour avoir tué illégalement des Palestiniens. »
L’administration Biden a semblé s’opposer à la famille Abu Akleh lors d’un briefing du département d’État le 5 juillet, au cours duquel les journalistes ont martelé un porte-parole sur la façon dont le département d’État aurait pu tirer des conclusions sur les intentions du tueur sans interroger les soldats israéliens.
Au cours de ce briefing, Ned Price a déclaré que "les hauts fonctionnaires américains ont été en contact étroit avec la famille Abu Akleh" mais un journaliste a déclaré que la famille Abu Akleh avait été "prise au dépourvu" par les conclusions américaines dans cette affaire.
Cette histoire ne va pas disparaître pendant le voyage de Biden. Nous pouvons être à peu près sûrs qu’il ne rencontrera pas la famille Abu Akleh, que les journalistes l’interrogeront à ce sujet, et que son empressement à rencontrer les dirigeants israéliens pourrait (enfin) nuire à la Maison-Blanche auprès des démocrates.
Traduction et mise en page : AFPS / DD