Photo : Ruelle dans le camp de réfugiés palestiniens de Jerash en Jordanie, 2011 © Omar Chatriwala
Avec ses rues humides et étroites et ses maisons basses et serrées les unes contre les autres, le camp de réfugiés palestiniens d’Al-Wehdat, situé dans la partie sud-est d’Amman, reste surpeuplé et frappé par la pauvreté.
Il a été construit en 1955 par l’UNRWA, l’agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, et constitue l’un des quatre camps mis en place pour accueillir les réfugiés de la guerre de 1948.
Actuellement, Al-Wehdat héberge plus de 61 795 réfugiés selon les chiffres de l’agence.
Abdel*, un Jordanien père de six enfants, vit avec sa famille à Al-Wehdat parce qu’ils n’ont pas les moyens de vivre en ville. Il décrit la situation à Al-Wehdat comme "misérable".
Il explique que le chômage est endémique, que beaucoup peinent à trouver de la nourriture en raison du manque d’argent et que plus de la moitié des habitants n’ont pas d’assurance maladie.
L’UNRWA y gère les écoles, mais tout le monde ne peut pas terminer ses études.
Selon l’encyclopédie interactive de la question palestinienne, les non-réfugiés représentent environ 40 % de la population totale du camp.
Plus de deux millions de réfugiés palestiniens sont enregistrés en Jordanie. Si la plupart d’entre eux ont été naturalisés, les habitants de Gaza arrivés en 1967, ainsi que leurs enfants, restent dans une sorte d’incertitude, ne détenant que des passeports jordaniens temporaires sans numéro d’identité national ni nationalité jordanienne.
Le camp de Baqa’a, le plus grand de Jordanie, est situé à 20 km d’Amman, niché entre des vallées parsemées de montagnes basses et arides.
Autrefois constitués de tentes, l’UNRWA les a ensuite remplacés par des abris temporaires que les habitants ont reconstruits au fil du temps avec du ciment, un matériau plus résistant.
Samira* attend à l’intérieur du bureau d’information de l’école de l’UNRWA. Elle a six enfants et a fréquenté l’université, mais a interrompu ses études pour se marier.
"Je ne veux pas que mes filles vivent comme moi", dit-elle, expliquant qu’elles sont également inscrites à l’université mais exprimant son souhait de les voir quitter le pays car "les opportunités sont limitées ici".
Samira explique que son père s’est endetté pour financer ses études et qu’elle n’a ni l’argent ni les compétences nécessaires pour permettre à ses filles d’aller à l’université. "Mon rêve est de les voir un jour obtenir leur diplôme."
Dans le souk de Baqa’a, on trouve des boucheries, des magasins d’épices, des boulangeries, des barbiers et des magasins de vêtements. La foule s’agite dans les rues étroites du camp, et de nombreux enfants courent dans tous les sens.
"Je suis né en 1943 à Hébron (al-Khalil pour les Palestiniens), mais ma famille a déménagé à Jéricho en 1948. Je me souviens de notre maison, de mon village et de notre terre : Juifs, chrétiens et musulmans vivaient côte à côte en paix", raconte Hamdallah Naim, en réfléchissant alors qu’il rentre chez lui.
Arrivé à Baqa’a en 1967, il a commencé à travailler à l’ambassade de Palestine à Amman après avoir terminé ses études et voyagé dans le monde entier.
"J’ai visité Paris, Rome, l’Égypte, la Syrie... tandis que mon père et mon frère se demandaient toujours si j’avais mangé ou non. Je comptais les jours qui me séparaient de mes vacances et de mon retour dans ma famille".
L’avenir d’Hamdallah est sombre, mais les choses pourraient être simples : "Dans la vie, nous sommes tous frères. Si j’ai quelque chose en plus, je le donne à ceux qui n’ont rien. Nous devons vivre ainsi. Nous n’avons qu’une seule terre pour vivre la vie telle qu’elle mérite d’être vécue."
Les mariages et divorces précoces sont un autre problème rencontré dans les camps.
"Je suis né ici", dit Ayman Alwawi en montrant les toits du camp de réfugiés d’Al-Wehdat. Ses parents sont arrivés en Jordanie après 1948. "Je suis presque divorcé. J’ai un fils et une fille."
Ayman vit dans une petite maison humide, coincée entre deux ruelles étroites et mal éclairées. Pendant que sa sœur Halima prépare le café, son frère Khaled arrive.
"Vivre dans le camp en tant que réfugié m’a appris à me faire confiance et à vivre dans ce pays en tant que citoyen", explique-t-il.
Ayman travaille dans un hôtel non loin de la vieille ville d’Amman, mais il admet que "les revenus sont faibles. Nous travaillons au jour le jour. Si l’occasion se présente, je serai le premier à partir pour la Palestine. Je ne suis pas heureux ici."
Le camp de Marka est situé à Russeifa, une ville du gouvernorat de Zarqa. Créé en 1968, il accueille principalement des Palestiniens de la bande de Gaza.
Comme les autres réfugiés vivant dans les camps officiels jordaniens, les habitants de Marka ont le droit d’utiliser la terre, mais pas de la posséder.
Du balcon de la maison de Mohammad Youssef, on peut voir tout le camp : des bâtiments inachevés, d’autres à réparer, des mosquées lointaines, et les nuages du soir qui se rapprochent à l’horizon.
"J’ai travaillé comme professeur de langue arabe dans les écoles du ministère de l’éducation en Jordanie", explique Mohammad en montrant les bâtiments au loin.
Né à Jéricho en 1957, il est arrivé à Marka en 1968 après avoir vécu un an à Al-Wehdat.
"Au début, nous vivions dans des tentes, remplacées ensuite par des unités plus résistantes fournies par l’UNRWA. C’est alors que les Palestiniens du camp ont commencé à construire des maisons de leurs propres mains", explique-t-il.
Dans le salon, Mohammad a placé un tableau représentant un homme tournant le dos à une clé symbolisant la Nakba, expression de l’identité palestinienne, et la cause, représentant la détermination du peuple à retourner un jour dans sa patrie.
"Je me souviens de l’eau qui coulait, du parfum de la nature et des fleurs, des arbres verts majestueux", raconte Mohammad.
D’autres peintures représentent des visages de femmes, des paysages et des figures abstraites, qui rappellent l’identité, la lutte et la perte de la Palestine.
"Nous avons cela dans le sang", dit-il. "Un jour, la beauté nous reviendra. Pour l’instant, il ne nous reste que la misère."
* Le nom a été modifié pour protéger l’identité.
Traduction : AFPS